«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX FRÈRES LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 4


CHAPITRE 4. — Pierre-Louis nommé évêque de Saintes le 14 octobre 1781. — Félicitations du chapitre de Beauvais. — Réjouissances à Saintes. — Il reçoit les bulles apostoliques le 10 décembre 1781 et puis sacré à Paris le 6 janvier 1782. — Prise de possession. — Entrée solennelle. — Cérémonial. — Notes de bas de page.


L'effet de cette solennelle présentation au roi pour un évêché ne tarda pas. Un an après, il y eut un vide dans l'épiscopat. Le 29 septembre 1781, à six heures du matin, décédait Germain Chasteigner de La Chastaigneraie (1), nommé évêque de Saintes en 1763, sacré le 25 mars 1764. Les deux jours suivants, on l'exposa dans la salle synodale. Le 2 octobre, eut lieu l'office funèbre célébré par le doyen du chapitre, Pierre-Léonard Delaage (2). Tous les corps réguliers et séculiers y assistèrent en habits de cérémonie, sur l'invitation du chapitre et de la nièce du défunt, Mme de Deshoms (3). Le cadavre, qui resta découvert pendant toute la cérémonie, fut inhumé à gauche du tombeau de Mgr de Bassompierre dans le chœur de la cathédrale. Sa pierre tombale est au musée de Saintes.

Le même jour après vêpres, le chapitre assemblé nomma pour vicaires généraux capitulaires, Delaage, doyen ; de Luchet, chanoine, archidiacre d'Aunis ; Croizier, chanoine théologal et maître-école ; Delord, aussi chanoine, chargés d'administrer le diocèse pendant la vacance du siège. Delord était aussi nommé official ; Pichon, promoteur ; Fauchay, quoique franc-maçon, secrétaire du diocèse. Le 5, leur mandement, où ils annonçaient la mort de La Chastaigneraie, en faisant son éloge et en demandant pour lui des prières, finissait par ces mots :

«Adressons au ciel les vœux les plus ardents pour en obtenir un pasteur selon le cœur de Dieu, qui, par son zèle et ses lumières, procure le bien et l'honneur de la religion et le plus grand avantage de ce diocèse.»

Ces prières devaient être exaucées bientôt et amplement. Le roi, par un brevet daté de Versailles, le 14 octobre 1781, signé LOUIS et plus bas AMELOT, nomma évêque de Saintes Pierre-Louis de La Rochefoucauld. C'était la récompense des services rendus ; et, comme l'avait dit le clergé, elle était d'un haut prix puisqu'elle avait été provoquée par le vœu unanime de l'assemblée de 1780.

L'évêque nommé écrivit aussitôt au chapitre de Beauvais pour lui annoncer son élévation à l'épiscopat et lui demander le titre de chanoine honoraire. Le chapitre, assemblé le 16 octobre aux sons de la cloche, après la messe, sous la présidence du doyen Lancry de Pronleroy, non seulement acquiesça à ce désir, mais encore désigna son doyen pour lui adresser une lettre de félicitations. De plus, on députa à Bresles où résidait alors l'évêque de Beauvais, Lancry de Pronleroy et Bernadet, l'un des plus anciens chanoines, pour complimenter François-Joseph et le marquis de La Rochefoucauld, frères du nouvel élu. Enfin on fit sonner les cinq grosses cloches pour avertir les fidèles de cet heureux événement (4).

Le 17, les députés rendirent compte au chapitre de la manière bienveillante avec laquelle ils avaient été reçus à Bresles (5).

De Saintes partirent aussi des adresses. Chaque corps tint à honneur de féliciter le nouveau prélat. Nous avons sa réponse aux officiers de l'élection, datée de Paris le 4 décembre : «Je ferai mon possible, disait-il, pour qu'aucun de nos diocésains n'ait à se plaindre de moi. Je n'oublierai point les égards qui sont dus particulièrement à une compagnie aussi bien composée que la vôtre (6).»

La capitale de la Saintonge apprit presqu'en même temps que l'église santone avait un nouveau pasteur et qu'un dauphin était né à la France. Louis XVI écrivait, en effet, de Versailles, le 22 octobre, aux maire et échevins que la reine était, ce jour-là même, accouchée de Louis-Joseph-Xavier-François, et recommandait d'assister au Te Deum qui allait se chanter dans l'église cathédrale de Saint-Pierre. En attendant que la cité pût fêter son nouveau seigneur, elle s'apprêta à célébrer la venue au monde de ce frêle enfant, espoir de la France entière, hélas ! bientôt anéanti.

Le 4 novembre, à deux heures de l'après-midi, le maire et le corps municipal, en habits de cérémonie, se rendent à l'église où sont déjà les chanoines, le présidial, la compagnie des grenadiers de la milice bourgeoise, toute la noblesse «et quantité prodigieuse d'habitants de tout sexe et de tous états», qui remplissaient la nef et les bas-côtés de la vaste cathédrale. Après vêpres et complies, le Te Deum est, au bruit d'une salve de vingt et un coups de canon tirés de la place Saint-Louis, «chanté par de très belles voix, accompagnées de basses, bassons, violons et autres instruments». Et pendant ce temps, les cloches sonnent, les orgues jouent «les airs les plus gais». C'est la première partie du programme ; on se retire aux cris de : «Vive le roi ! vive la reine ! vive le dauphin !», cris que dans dix ans on répétera plus ainsi.

À cinq heures, l'échevinage se rend sur la place de la Gaillarde. La milice bourgeoise y est sous les armes. Un énorme bûcher est dressé, au milieu duquel s'élève «un mai orné de guirlandes et d'attributs relatifs». Le maire, Guillaume Gaudriaud, et le lieutenant du maire, Méthé de Fonrémis, y mettent le feu. Et la place Saint-Louis répète sa salve de vingt et un coups de canon ; et la place de la Gaillarde y répond par neuf décharges de mousqueterie de la milice bourgeoise. Les fanfares et les tambours confondent leurs bruits. Quatre fontaines de vin commencent à couler et couleront toute la nuit. Y puise qui veut ; on fait aussi une distribution de viande et de pain près de chacune des fontaines, «afin que tout le peuple participe à la fête» ; et le peuple de crier : «Vive le roy ! vive la raine ! vive monseigneur le dauphin ! et de montrer par son affluance et toutes sortes de chants redoublés, sa joie et l'amour si naturelle aux Français pour leur roy.» La foule est si pressée que les conseillers municipaux ne peuvent traverser les rues.

À neuf heures, la cloche de ville sonne. C'est le signal. Vingt et un coups de canon retentissent encore. Toutes les rues, même des faubourgs, s'illuminent soudain. Les communautés rivalisent de splendeur. Mais entre toutes les maisons se distingue la maison commune. Les balcons, les murs, les fenêtres, la tour, cette tour où depuis fut enfermé Mirabeau, brillamment ornées de lampions, «répandent une clarté préférable au grand jour» ; on voit partout, «Vive le roi ! vive la reine ! vive le dauphin !» et plusieurs emblèmes analogues, capables de satisfaire les goûts et la délicatesse des plus curieux.» Admirable naïveté du chroniquer officiel ! Le narrateur de la fête en était l'ordonnateur certainement (7).

La fête de l'entrée du nouvel évêque devait être plus grave et non moins solennelle. Hélas ! naissance de rois, réception d'un prélat, sont en ce moment l'aurore d'un jour qui finit dans le sang. Les tambours de la place de la Gaillarde seront bientôt étouffés par ceux de Santerre, et les cris joyeux des habitants seront remplacés par les clameurs homicides des Marseillais.

Les bulles apostoliques, pour lesquelles le prélat nommé dut payer 2000 florins, furent fulminées en cour de Rome, à Saint-Pierre, par le pape Pie VI (Jean-Ange Braschi) le 4 des ides de décembre 1781 — 10 décembre — la VIIè année de son pontificat. Pierre-Louis de La Rochefoucauld fut sacré le 6 janvier à Paris ; le 15, il prêta, pendant la messe, serment de fidélité entre les mains du roi. Son premier acte épiscopal fut une bénédiction nuptiale donnée à deux membres de familles saintongeaises, dont l'un était son parent. Le 16 janvier 1782, en l'église Saint-Paul à Paris, il célébra le mariage d'un petit-fils de Marie-Louis de La Rochefoucauld du Parc d'Archiac, Joseph-Paul-Jean, comte de Lage de Volude, lieutenant de vaisseau (8), avec Béatrice-Étiennette Renart de Fuschsamberg d'Amblimont (9), dame d'honneur de la princesse de Lambelle. L'évêque de Beauvais assistait au mariage du côté de l'épouse. Son frère, «haut et puissant seigneur messire François-Jean-Charles de La Rochefoucauld-Bayers, maréchal des camps et armées du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, demeurent en son hôtel, rue Saint-Dominique, paroisse Saint-Sulpice», y représentait le père de l'épouse, François-Paul de Lage, marquise de Volude, seigneur du Tirac, de La Barde, d'Asnières, des Touches, de Bonlieu et de La Rigaudière (10). L'évêque de Saintes met au bas de l'acte, où se trouvent les noms d'une foule de grands personnages, ces lettres qui seront désormais sa signature :

X Pi.-Lo. év. de Saintes.

Il fallait prendre possession. Par acte passé à Paris devant Durand et Dorne, notaires au Châtelet de Paris, il «constitue son procureur général et spécial, vénérable et discrette personne M. Pierre-Léonard de Laage, prêtre, docteur en théologie de la faculté de Paris, de la société royal de Navarre, abbé commendataire de l'abbaye royale de Bellefontaine, diocèse de La Rochelle, vicaire général du diocèse de Saintes et doyen de l'église de la même ville, y demeurant paroisse de Saint-Pierre.»

Le 12 février suivant, Delaage prend possession «par devant Jean Bigot, notaire royal apostolique en la ville et diocèse de Saintes, y demeurant, rue du Palais, paroisse de Saint-Pierre (11), en présence des témoins qui signent : Claude-Antoine Gout aîné, et Jean Merle, tous deux marchands, demeurant paroisses Saint-Pierre et Saint-Michel.»

Pour être tout à fait à ses fonctions épiscopales, le nouvel évêque, même avant d'entrer à Saintes, songea à se débarrasser du soin des affaires temporelles. Par acte passé «à Paris, en son hôtel, rue de La Chaise, paroisse de Saint-Sulpice», il établit pour son fondé de pouvoirs, «Georges-Pierre-François de Germon, gentilhomme irlandais, demeurant ordinairement à Paris, rue de La Chaise, actuellement au palais épiscopal de Saintes.» Par un autre acte du 12 mai 1783, il chargeait le même François de Germon d'administrer les biens et revenus de l'abbaye de Vauluisant, qui s'élevaient à 18000 livres (12).

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[Notes de bas de page.]

1.  Germain Chasteigner de La Chastaigneraie, fils de Gaspard-Joseph et de Marie de Timbrune-Valence, fut ancien abbé de Thiers, chanoine et comte de Lyon, abbé commendataire de l'abbaye royale de Saint-Pierre de Bourgueil, l'ordre de Saint-Benoît de la congrégation de Saint-Maur, dans le diocèse d'Angers.

2.  L'abbé Briand, Histoire de l'Église santone et aunisienne depuis son origine jusqu'à nos jours (La Rochelle, Boutut, 1843 ; tome II, p. 690), dit à tort qu'il ne fut inhumé que vingt et un jours après son décès. Il copie la Notice sur les évêques de Saintes insérée en 1829 au Rituel du diocèse de La Rochelle, par Mgr Bernet, qui le dit mort le 29 septembre, enterré le 20 octobre, pour le 2 octobre. Il était né le 20 avril 1712 à Sainte-Foy d'Anthé, commune de Tournon d'Agenais ; voir Bulletin de la société des Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (I, 247 et XII, 216) ; on trouvera son testament dans cet ouvrage : Louis Audiat, Saint-Pierre de Saintes, Cathédrale et insigne basilique ; Histoire, documents, brefs, indulgences, prières (Saintes, Mortreuil, 1871; p. 253).

3.  Marie-Anne du Chasteigner de La Chastaigneraie, fille de Marc du Chasteigner, marquis de La Chastaigneraie, et de Claude-Madeleine de Pontac, épousa, le 26 octobre 1758, Bernard-Joseph de Deshoms, baron de Favols, chevalier, fils de Jean-François et de Marie-Charlotte de Mathieu de Montinet.

L'abbé Joseph-Henri de Deshoms de Favols, vicaire général du diocèse de Saintes et prieur commendataire du prieuré de Notre-Dame du Jarry dans la paroisse de Bussac, près de Saintes, affermé par lui le 11 septembre 1782 pour 800 livres annuelles, devait être de la même famille que la nièce de Mgr de La Chastaigneraie.

Un autre parent de ce prélat, Jean-Louis-Joseph du Chasteigner, fils d'Arnaud et de Constance de Loran, fut chanoine et archidiacre de Lombes, et, en septembre 1772, vicaire général de Saintes.

4.  Registres du chapitre d'église cathédrale de Beauvais (registre du 8 mars 1780 au 8 juin 1782) :

«Die 16 octobris, pulsata capitulari campana, capitulo post missam congregato, præside domino decano, lecta est epistola domini cantoris, fratris domini episcopi, quæ mandat se electum esse a rege ad sedem episcopalem diœcesis santonensis, et postulat ut fruatur privilegiis honorariis hujus ecclesiæ. Re in deliberationem missa, 1° votis illius annuit capitulum ; 2° qui ipsum nomine capituli per epistolam gratuletur deputatus est D. decanus ; 3° domino episcopo Belvacensi ejusque fratri D° marquioni Bragellæ, sensum capituli lætitiæ pro accepto nuntio testificaturi deputati sunt prædictus D. decanus et D. Bernardet ; 4° tandem statutum est illico monendum fore populum pulsatione quinque majorum campanarum.

DE LANCRY DE PRONLEROY. DE COUVREUIL. can. sec.»

5.  Registres du chapitre de l'église cathédrale de Beauvais (registre du 8 mars 1780 au 8 juin 1782) :

«Die mercurii 17 octobris,

Item dixit dominus decanus se et dominus Bernadet Bragellæ ratione domini cantoris ad episcopalem dignitatem evecti salutatum ivisse dominum episcopum, ejus que fratrem dominum marchionem, a quibus excepti sunt cum singulari urbanitate nec non cum gratiarum actione ex parte prædictorum dominorum pro testimonio lætitæ capituli. In ea occasione grates actæ sunt prædictis D.D. deputatis.»

Pierre-Louis de La Rochefoucauld fut remplacé le 11 novembre 1781 comme chanoine et grande chantre par Jean-Alexandre de La Rochelambert.

6.  Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (tome III, p. 448).

7.  Ce n'est pas tout. «Un feu d'artifice, tiré dans cette même cour, fixait l'admiration d'un chacun, et donnait de temps en temps relâche aux autres plaisirs.» Mais écoutez : «Un orquestre des mieux composés», prélude dans la grande salle. Vite à la danse. Tout le monde y est admis. L'égalité règne sous l'archet du musicien. Les distinctions sociales s'effacent devant la gavotte et la contredanse. Alors on ne sait pas encore trier le saute-ruisseau du courtaud de boutique et la femme de celui qui ne fait rien, de l'épouse de l'honnête marchand qui travaille. «Les personnes de la plus haute distinction et autres de tous états», entrent et se placent, la noblesse et le peuple sautent ensemble au son des instruments. «Le bal est ouvert par M. le maire qui a pris pour raine la première jeune personne qu'il a trouvée le plus près de lui.» Touchante union, que l'égalité légale viendra bientôt détruire ! «Après le cérémonial des menuets, on a, du consantement de tout le monde, commancé trois contredanses à la fois et ont toujours continué.» Les quadrilles et les menuets, surtout aussi prolongés, altèrent ; mais tout est prévu. Le conseil municipal avait, le 31 octobre, décidé qu'au bal, «auquel toutes personnes seront admises, il sera offert et fourni toutes sortes de rafraîchissemens, et servi un ambigu de mets les plus de convenance, avec les meilleurs vins et liqueurs que l'on pourra se procurer.» Il priait, M. le maire de donner ses soins ordinaires pour que la fête fût brillante, «de manière à faire éclatter l'allégresse que cause l'heureux événement qui y donne lie, déclarant avoir tout ce qu'il fera à ce sujet pour agréable». Aussi «les rafraîchissements offerts et distribués avec autant de délicatesse, d'attention, que d'abondance, prévenaient les désirs. Il en a été de même d'un ambigu présentant autant de brillant à l'œil qu'il a donné de satisfaction au goût, éguillonné par des vins de toute espèce, les meilleurs, les mieux choisis, sans que le service ait paru diminuer en rien par ses diférens relevés qu'on a eu la précaution d'y mettre pendant tout le bal qui a duré jusqu'à trois heures du matin». La municipalité faisait bien les choses, et certes, la fête était superbe et très bien ordonné. Le lendemain à 11 heures, les officiers de l'hôtel de ville réunissant les «plats de viande demeurés intacts et les restes des autres mets» ; ils les envoient avec du pain et du vin en suffisance aux prisonniers. C'est la fin. Le récit est signé : Gaudriaud, maire ; Perreau l'aîné, premier échevin ; Duchesne, procureur du roi ; Chéty, Barbot, Mouchet et Laurent.

8.  Joseph-Paul-Jean Lage de Volude, né au château d'Asnières dans la paroisse de Belluire, près de Pons en Saintonge, le 12 juin 1763, était fils de François-Paul et de Jeanne-Claudine de Kergariou.

9.  Béatrice-Étiennette Renart de Fuschsamberg d'Amblimont, née à Paris le 17 avril 1764, était fille de Claude-Marguerite-François d'Amblimont, seigneur de Saint-Fort-sur-Gironde, Usson et Le Bouquet, chef d'escadre des armées navales, et de Marie-Anne de Chaumont-Quitry.

Le contrat, passé le 13 janvier, par-devant MM. Belurgey et Trubert, conseillers du roi et notaires au Châtelet de Paris, avait été, d'après le Mercure de France, signé par Louis XVI, Marie-Antoinette et toute la famille royale.

10. En vertu d'une procuration donnée le 27 décembre 1781 au château d'Asnières par-devant M. Gallot, notaire royal.

Pour tous ces personnages, tiré à 300 exemplaires, voir l'intéressant volume : Baron de La Morinerie, Souvenirs d'émigration de Mme la marquise De Lage de Volude. Lettres à Mme la comtesse de Montijo (Évreux, Hérissey, 1869).

11. On me permettra de transcrire ici l'acte notarié. Il nous révélera des usages passés. Un monde va disparaître. Recueillons-en les mœurs. Celui qui le suivra aura d'autres goûts et d'autres habitudes.

«Étant tous parvenus ensemble au devant de la grande porte et principale entrée de ladite église cathédrale, mon dit sieur Delaage tenant en main la susdite procuration, les susdites bulles, scellées en plomb et brevet de nomination, sommes entrés avec lui dans ladite église au son des cloches dont il en a sonné une, a pris de l'eau bénite, fait le signe de la croix, et entré au chœur, arrivé devant le grand autel, où il s'est mis à genoux, fait sa prière à Dieu, monté au même autel, l'a baisé, et fléchi le genoux devant le Saint-Sacrement, a lu l'évangile du jour, s'est retiré ensuite dans le chœur, s'est assis et levé dans la chaire que mondit seigneur évêque doit y occuper, et fait les autres cérémonies en tel cas requises et accoutumées ; étant tous ensemble sortis de ladite église, sommes allés devant le grand portail dudit palais épiscopal dont mondit sieur Delaage a fait l'ouverture ; entré dans la cour, il s'y est promené, et monté dans la grande salle dans laquelle il a allumé du feu, ouvert et fermé la porte de la chapelle qu'il a visitée ainsi que tous les autres appartements et bâtiments dudit palais épiscopal, dont il a aussi ouvert et fermé les portes et fenêtres ; étant descendu dans le parterre dont il a également ouvert et fermé la porte, il s'y est également promené, arraché des herbes, épanché de la terre et cassé des branches d'arbres qui y sont accrues, et fait sur tous les susdits lieux tous les actes et signes d'une véritable et paisible possession, au vû et sû de tous ceux qui l'ont voulu voir et savoir, sans que personne s'y soit opposé. Attant et ce requérant mondit sieur Delaage, l'avons mis et installé, mettons et installons par ces présentes pour et au nom de mondit seigneur de La Rochefoucauld, évêque, en la possession réelle, actuelle et corporelle dudit évêché de Saintes, ensemble de tous ses droits, fruits, profits, revenus et émoluments, circonstances, appartenances et dépendances généralement quelconques sans réserves. Ce fait, sommes ensemble retournés au devant de la grande et principale porte d'entrée de ladite église cathédrale, où nous avons fait lecture à haute et intelligible voix tant du présent acte de prise de possession dudit évêché que de ladite procuration, sans qu'il se soit non plus trouvé aucuns opposans ; dont et de tout ce que dessus mondit sieur Delaage, pour ce, au nom de mondit seigneur évêque, nous a requis acte, que nous lui avons octroyé pour valoir et servir ce que de raison.»

12. C'est en vertu de ces pouvoirs que Georges-Pierre-François de Germon afferme, le 13 mars 1782, à François-Boniface Viauld, bourgeois en la paroisse de Saint-Michel à Saintes, pour neuf années, les dîmes¹ et revenus de la paroisse des Gonds moyennant 3360 livres par an ; à Charles Roudier, fils, demeurant au Grand-Logis, paroisse de Thenac, les revenus de la terre et seigneurie de La Jard ; à François Fraineau, perruquier, les dîmes de Saint-Léger en Pons ; à Pietre Lusseau, notaire royal à Berneuil, celles de la paroisse pour 4250 l. ; le 5 avril, à Marie Dejoye, veuve de François Picard, marchand La Clochetterie, paroisse de Thenac, représentée par son fils Michel-Joseph Picard, les droits de la paroisse de Colombiers pour pour 1636 l. ; le 9, à Jean Massiou, demeurant à Saint-Macout, les droits des fermes de Saint-Crépin, La Couture et Le Cormier, dépendances de l'évêché de Saintes, situées sur les paroisses de Saint-Vivien et Saint-Eutrope, pour 800 l. ; à Charles Bertrand, vigneron de Chez-Morice, paroisse de Saint-Georges des Côteaux, les rentes et les agrières¹ de Saint-Lô, en ladite paroisse, pour 390 l. ; à Gabriel Templier, marchand à La Bertonnière, paroisse de Saint-Eutrope, les dîmes de Fontcouverte pour 2010 l. ; le 10, à Pierre Mauget et Gabriel Bonnin, les revenus de la paroisse de Brossac, archiprêtré de Chalais, où ils demeurent, pour 2700 l. ; et le 18, à Jacques Dannepont, meunier de Courcoury, les droits du fief du Treuil, paroisse de Chaniers, pour 1200 livres. [¹ Des dîmes et des agrières furent des impôts féodaux.]



«Deux victimes des Septembriseurs» :
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[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]