«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX FRÈRES LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 5


CHAPITRE 5. — Accueil à Saintes. — Un procès devant le Parlement de Bordeaux. — Romain de Sèze. — Le curé de Saint-Bonnet de Mirambeau. — Assemblée générale du clergé de 1782. — Droits seigneuriaux de l'évêque sur la ville de Saintes. — Visites pastorales. — Notes de bas de page.


L'évêque ne tarda pas à prendre possession en personne. La cérémonie fut splendide. L'abbé Briand (1) raconte «qu'un ciel pur et serein favorisa cette réception toute de famille. Un témoin oculaire, ajoute-t-il, nous a dit que cette entrée fut une fête brillante et vraiment populaire ; toute la cité, ayant en tête ses magistrats, se porta au-devant du nouveau pontife avec la démonstration d'une joie universelle.»

Les Saintongeais étaient tout fiers d'avoir pour évêque un La Rochefoucauld, un membre de cette illustre famille qui remplissait toute la province et dont ils trouvaient le nom dans presque toutes leurs paroisses. Dès le 7 mars, le maire annonce au conseil assemblé que Mgr de La Rochefoucauld doit arriver à Saintes le 21, et qu'il est nécessaire de prendre tous les arrangements convenables. Mollet, procureur du roi, opine dans ce sens. On se fait apporter les registres contenant les procès-verbaux des réceptions antérieures. La dernière avait eu lieu 18 ans auparavant ; et on pouvait avoir oublié quelques détails. Le conseil décide que rien ne sera omis pour rendre au prélat les honneurs accoutumés.

Le 20 mars, Pierre-Louis arrive au château du Douhet, appartenant au doyen du chapitre. Le lendemain, Jean-Pierre Croizier, maître-école, Marie-Hilaire d'Hérisson, abbé de Masdion (2), et Pichon, chanoine promoteur, lui sont députés de la part du chapitre pour lui rendre les devoirs de la compagnie. Dans l'après-midi se présente l'avant-garde du corps municipal. Dangibeaud, premier échevin, et Riquet, officier de l'hôtel de ville, «précédés d'une compagnie de cinquante jeunes gens en uniforme de dragons et suivis d'une pareille quantité de notables bourgeois tous à cheval, en bottes et l'épée au côté», arrivent et complimentent l'évêque. On se met en marche.

À cinq heures, la voiture paraît à l'extrémité du pont. Les dragons à cheval la précèdent ; les notables citoyens l'entourent. Dangibeaud, Riquet, le lieutenant des dragons et le major cavalcadent aux portières. Les tambours battent aux champs ; les fanfares retentissent, la musique éclate. Au pont, le prélat descend. Le maire l'attend avec tous les conseillers. C'est Guillaume Gaudriaud, conseiller du roi, «procureur du roi en sa maréchaussée générale à la résidence de Saintes, subdélégué de l'intendance de la généralité de La Rochelle au département de la dite ville, maire et colonel de la ville», comme il s'intitule. Sa harangue faite, La Rochefoucauld répond «de la manière la plus honnête et qui témoigne toute sa satisfaction de la belle réception qu'on lui faisait.» Alors a lieu la prestation de serment.

C'était une loi qu'aux bourgeois appartenait la ville. Le maire était capitaine et colonel de la cité ; il commandait en souverain au nom de tous, sous la suzeraineté immédiate du roi. Ombrageux et prudents, quand ils accueillaient un supérieur, les habitants craignaient d'introduire dans leurs murs un maître. Aussi prenaient-ils leurs précautions. Volontiers ils consentaient à être soumis ; mais ils n'entendaient pas être dominés. Aussi l'illustrissime et révérendissime père en Dieu, puissant avec sa houlette pastorale, en inspirant le respect n'était pas sans causer quelque appréhension. On le priait donc humblement, mais fermement, de jurer le maintien des franchises de la cité. Mgr de La Rochefoucauld, comme ses prédécesseurs, se vit apporter le célèbre livre rouge des privilèges de Saintes (3).

À la première page du livre ouvert est peint sur le parchemin un grand Christ dans un encadrement de fleurs et de feuillages ; au bas sont les armes de France. À droite est représentée la Vierge à l'enfant ; à côté du blason royal, les armes de Saintes ; sur les bords, des feuillages ; au milieu, les litanies des saints. C'est là que le prélat pose la main droite. Senné, le greffier, lit la formule qu'il répète :

«Moi Pierre, évêque de Saintes, je promets sur mon âme de respecter les libertés, coutumes et usages louables de cette cité de Saintes, ainsi que les ont respectés mes prédécesseurs, les évêques de Saintes et qu'ils ont été respectés jusqu'à ce jour, en ce qui me regarde comme évêque et comme seigneur (4).»

Après ce serment fait à la face du peuple, dans les mains du chef de la cité, sur le livre sacré, le pontife est un des citoyens. Il a juré de garder leurs franchises, leurs droits, leurs immunités, leurs privilèges. Qu'il entre. Autrefois la porte fermée s'ouvrait ; mais il n'y a plus de remparts, ni de portes. Le maire offre le bras à Monseigneur de La Rochefoucauld, marque d'alliance et signe de patronage. Le premier de la ville présente au peuple son chef spirituel. Et l'évêque, appuyé sur le bras du maire, s'avance à travers les rues de la ville jusqu'à Saint-Pierre. Ici a lieu une nouvelle prestation. Le chapitre a, lui aussi, ses privilèges, et il entend les conserver (5).

Devant la porte de l'église cathédrale sont les chanoines Delaage, doyen ; Louis Mossion de La Gontrie ; Jean-Pierre Croizier, théologal ; Jean-Louis-André de Luchet, archidiacre d'Aunis ; Charles-Marie-Antoine d'Aiguières ; Hilaire-Marie d'Herisson ; Louis Capdeville ; Pierre-Louis Bégole, ancien curé de Saint-Pierre ; Jean-Pierre Pichon ; Jean-François Dudon ; Louis-Jean de Luchet, minor ; Pierre-Marie-André Grenet ; Thomas Bourdeille ; Jean-Pierre-Gabriel Grellet du Peirat ; Élie-François-Dominique Castin de Guérin de La Magdeleine (6) ; Michel-Dominique de Luchet de Lamotte (7), junior ; Pierre Dangibeaud ; Joseph Gémit de Luscan, ancien curé de Saint-Pierre ; René-Antoine de Saint-Légier d'Orignac, mort curé de Jonzac ; Claude-Furcy-André Legrix, auteur du Journal (1781-1791) de cette époque qui a été publié en 1867 ; Félix-Maximin Déguillon, ancien vicaire de Chaniers (8), qui tous ont signé le procès-verbal, sauf Louis Capdeville.

La porte est fermée. Le doyen adresse au prélat «très éloquemment» quelques paroles de bienvenue. Le pontife répond. On lui apporte un missel sur lequel il étend la main, et jure de maintenir les doyen, chanoines et chapitre «en tous leurs droits, privilèges, exemptions, libertés, franchises et immunités qui leur ont été accordées par les bulles de nos saints pères les papes.» Delaage lui présente deux clefs d'argent attachées en croix par un ruban violet. C'est l'investiture. Les clefs sont l'emblème du chapitre, qui portait D'azur à deux clefs d'argent en sautoir. Liées en croix par un ruban violet, couleur de l'épiscopat (9), elles symbolisent l'union, fondée sur le signe rédempteur, qui va désormais régner entre l'évêque et le chapitre (10).

J'ignore si la phrase du tabellion, relative à la concorde prêchée par le pontife et promise par les chanoines, traduit une harangue ou raconte un fait. Mais voici ce qui avait lieu autrefois et ce à quoi peut-être fait allusion le passage bref du procès verbal. Sous le porche, devant la croix portée par un enfant, le nouveau prélat disait : «Que la paix soit avec vous ! Pax vobis.

— Est-ce bien la paix que vous apportez ? interrogeait le doyen.

— C'est bien la paix, répondit l'évêque.

— C'est bien la paix ? reprenait le doyen :

— Oui, c'est bien la paix.

— La paix véritable ? demandait une troisième fois le doyen.

— La paix véritable,» répondait une troisième fois l'évêque (11).

Alors, on ouvre les portes. La Rochefoucauld reçoit de l'eau bénite, en asperge les assistants. Sous le clocher il se revêt de ses habits pontificaux, puis entre, mitre en tête, crosse en main, au bruit des cloches sonnant à toutes volées et au son des instruments. Il suit le doyen, les deux archidiacres tiennent sa chape, celui de Saintonge à droite, à gauche celui d'Aunis. On chante le Te Deum, «qui fut accompagné de la plus belle symphonie». Et pendant ce temps la milice bourgeoise fait devant l'église trois salves de mousqueterie. Le chant fini, «tous les chanoines sont allés ad osculum pacis». Le prélat donne sa bénédiction solennelle. «Après quoi, mondit seigneur l'évêque fut reconduit toujours en ses habits pontificaux par le chapitre et le corps de ville dans son palais épiscopal, où le dit corps de ville, après lui avoir réitéré ses assurances de respect, offert tout ce qui pouvait dépendre de lui et demandé ses ordres, s'est retiré à l'hôtel de ville pour y dresser le présent procès-verbal (12).»

Involontairement en voyant cette fête, dont le dernier évêque de Saintes est le héros, on se reporte par la pensée à dix-sept siècles en arrière. Cette fois, c'est le premier évêque de Saintes qui entre dans sa ville épiscopale. Il y a sans doute moins d'enthousiasme pour le recevoir. Il n'y aura pas moins d'acharnement à le poursuivre. Quand le pasteur envoyé de Rome par saint Clément, pénétra dans Saintes, «il vit de toutes parts des remparts antiques qui la défendaient, des tours élevées qui l'ornaient ; et contempla son site admirable, le vaste espace qu'elle occupait ; il remarqua ses riches productions naturelles, ses prés et ses vignobles, son air pur, l'agrément de ses rues et de ses places, et ses beautés de tous genres (13).» Quelques années après, dans cette ville à l'aspect si calme, au site si plaisant, et dont les habitants auraient dû être aussi doux que la campagne était charmante, le pieux voyageur Eutrope, l'apôtre de la bonne nouvelle, succombait sous la hache des forcenés.

Une des premières visites du nouveau prélat fut pour le collège de Saintes. Le 3 avril, il s'y présenta. Outre une douce obligation, son penchant le poussait vers les jeunes gens et les enfants. Et puis cette jeunesse était l'espoir de son diocèse et la pépinière de son clergé (14). Un élève de rhétorique, L.-A. Gallonde, le harangua au nom de ses condisciples. La pièce est curieuse, véritable amplification d'écolier, toute farcie de souvenirs classiques. On y parle des Scipion. Encore quelque temps, et on exaltera les Brutus (15).

Des soins plus pressants allaient occuper le prélat.

Dans la succession de Germain de La Chastaigneraye se trouvait un procès. Sa vie n'avait été qu'une plaidoirie. Il en restait quelque chose. Pierre-Louis de La Rochefoucauld dut suivre l'instance engagée. Il s'agissait encore de la lutte entre l'épiscopat et le parlement, lutte ridicule, mais qui allait devenir horrible quand une assemblée, toute-puissante et souveraine, prit en main la cause des cours qu'elle proscrivait.

Un curé de Saint-Bonnet (16), Jean-Baptiste David, déjà à Bordeaux condamné à rayer les imputations injurieuses dont il s'était permis de charger les registres baptistaires, une seconde fois, en juin 1780, poursuivi par le lieutenant criminel de Saintes, Louis-Nicolas Lemercier, à raison d'injures graves qu'un habitant de la paroisse, Baudran, l'accusait d'avoir proférées contre lui, le jour de la Fête-Dieu, et lorsqu'il tenait en main le Saint-Sacrement, avait, en décembre 1780, du haut de la chaire, lancé des paroles inconvenantes contre François Fourchaud (17), lieutenant particulier de la sénéchaussée de Saintes, dont les métayers n'avaient point voulu voiturer les fagots du curé (18).

Cité, sur la plainte de Fourchaud, à comparaître devant le lieutenant criminel de Saintes le 28 décembre, David fut suspendu par l'officialité. Il en appela au Parlement de Bordeaux qui leva la suspense. David fut revendiqué comme prêtre par l'officialité, et le 15 février suivant, sur le réquisitoire du promoteur, l'official Daniel Casey, licencié en théologie, qui venait d'être nommé à la place de Delord démissionnaire, le 14 janvier (19), «attendu que le prévenu a commis injures publiques et plusieurs excès de violence en chaire, dans l'administration des sacrements et les fonctions du ministère les plus saintes (20)», suspend David de ses fonctions. Sans tenir compte de l'interdit, David empêche un religieux (21) que le vicaire général, l'abbé de Luchet, avait envoyé, de dire la messe dans son église et interjette un double appel au Parlement de Bordeaux, appel simple de l'ordonnance du lieutenant criminel, et appel comme d'abus du décret de l'official.

Le parlement, comme c'était l'usage à cette époque, heureux de trouver l'occasion d'intervenir dans des affaires ecclésiastiques, et fier qu'on voulût bien avoir recours à lui dans une question religieuse, rend, le 28 avril 1781, en la chambre de la Tournelle un arrêt ainsi conçu : «La cour ordonne que, sur les appels simples et comme d'abus, les parties viendront plaider. Cependant, ayant égard à la partie du curé de Saint-Bonnet, du consentement du procureur général du roi, a levé et lève l'interdit par elle encouru, le renvoie à ses fonctions, etc.»

Fort de cette singulière décision qui rendait à un prêtre le pouvoir d'absoudre et de communier, David, de retour à Saint-Bonnet, 3 mai, chasse Guillaume Ferret que l'évêque y avait envoyé exercer le ministère depuis le 2 mars. Ferret, qui fut ensuite curé de Saint-Martin de Pons, qui émigra après en Espagne, «et dont la mémoire est en bénédiction», dit l'abbé Briand (22), fut traité de gueux, d'insolent et de drôle. L'évêque eut sa part dans cette avalanche d'injures.

Sur ces entrefaites, Germain de La Chastaigneraye était mort. Son successeur ne pouvait pas assister impassible à la scandaleuse conduite d'un prêtre qui, interdit par l'autorité épiscopale, continuait à exercer le ministère. La Rochefoucauld était d'humeur paisible ; il lui en coûtait, à peine arrivé dans son diocèse, d'occuper les tribunaux de démêlés religieux et d'entrer en lutte avec la magistrature. Par des démarches courtoises il essaya donc d'amener la cour de Bordeaux à réformer elle-même son arrêt, dont il lui démontra toute l'illégalité. Ce parlement, qui ne pouvait sans motif casser lui-même le jugement qu'il venait de porter, indiqua en quelque sorte à l'évêque l'autorité du souverain comme le seul pouvoir capable d'anéantir la sentence rendue. C'est donc au roi que Pierre-Louis eut recours, mais par l'entremise du clergé. L'assemblée, qui se réunit le 10 octobre 1782, fut saisie de l'affaire. Le 25 novembre, le rapport fut fait par l'archevêque d'Arles, Jean-Marie du Lau. La question était grave ; elle intéressait le clergé tout entier. L'assemblée déclara que «monseigneur de Saintes était en droit d'attendre de la compagnie les démarches les plus éclatantes et même une intervention en forme, si le cours des événements requérait une semblable procédure» (23).

La cause fut déférée au conseil des dépêches, composé légalement du roi, du dauphin, du duc d'Orléans, du chancelier et des quatre secrétaires d'état, qui rendit, le 14 avril 1783, un arrêt signifié le 17 et rétablissant les choses dans l'état où elles étaient avant celui de Bordeaux. Restait le fond du procès lui-même. L'affaire fut appelée à Bordeaux en juillet 1783. La Rochefoucauld avait pour procureur Pierre Dupré (24), procureur en la cour du parlement, et pour avocat Raymond-Romain de Sèze, le futur défenseur de Louis XVI (25), L'avocat général était Élie-Louis Dufaure de La Jarthe, qui périt, le 10 juillet 1794, par jugement de la commission militaire de Bordeaux, comme s'étant toujours, depuis la Révolution, montré ennemi de la liberté. On ne peut faire un pas dans cette biographie lamentable sans trouver à chaque instant l'échafaud.

Le plaidoyer pour Mgr de Saintes fut prononcé le 12 juillet, en audience de la Tournelle (26). Il concluait que l'évêque fût reçut «partie intervenante dans l'instance sur l'appel comme d'abus interjeté par le sieur David ; que l'appel et ce dont était appel fût mis au néant, qu'il fût déclaré n'y avoir abus, et en conséquence que David fut renvoyé, pour son procès lui être fait conformément aux ordonnances, condamné à l'amende et aux dépens. Le parlement, par arrêt du 19 juillet, admit toutes ces conclusions. Que devint David ? Il disparaît de Saint-Bonnet en 1783 et meurt en novembre 1787 (27).

Voilà quelles formalités il fallait alors pour arriver à interdire effectivement un curé récalcitrant. Trois ans de débats, un parlement, le conseil du roi, l'assemblée du clergé mis en mouvement, tout cela pour arriver à ceci que, dans l'ordre spirituel, un tribunal laïque ne peut pas ôter, donner ou rendre à un prêtre le pouvoir d'officier ou d'absoudre.

On comprend les tracas que devait causer l'administration d'un diocèse comme celui de Saintes. Comprenant alors une partie du bas Angoumois, il comptait en 24 archiprêtrés, 291 cures, en tout 565 églises, paroisses ou succursales. Ce qui augmentait encore la difficulté, c'était que l'évêque, seigneur temporel avec haute, basse et moyenne justice sur les quatre cinquièmes de la ville (28), pendant un mois de l'année, et sur quelques paroisses rurales, n'avait que la moitié des cures à sa nomination. Le chapitre de 24 chanoines, qui pourvoyait seul aux canonicats, prébendes et vicariats, prétendait en outre à une juridiction épiscopale sur 26 cures. Celle de Saint-Michel à Saintes était dans la juridiction du doyen. De là des conflits continuels. L'autorité du chef était singulièrement restreinte. Il ne pouvait conférer dans le chapitre que les quatre dignités, à savoir : les deux archidiaconats, la chantrerie et la scolastique. De plus les bénéfices se transmettant à peu près comme des propriétés, exactement comme nos charges d'avoués et de notaires, il n'avait guère qu'une autorité nominale sur un très grand nombre d'ecclésiastiques. Les embarras pour cela n'étaient pas moindres ; avec les ennuis de la puissance il n'avait pas le pouvoir de les diminuer.

La Rochefoucauld fit pourtant ses efforts pour améliorer la situation. Dès le commencement de son épiscopat, il se mit à l'œuvre avec une sage énergie, agissant prudemment, mais avec constance, donnant l'exemple de la régularité et du zèle. Son premier soin fut la visite de son vaste diocèse, peut-être un peu négligé par son prédécesseur. Nous avons trouvé çà et là quelques traces de son passage qui suffisent à prouver sa sollicitude.

Le 23 mai 1783, il est à Gemozac, où le curé de Villars en Pons lui amène 157 de ses paroissiens à confirmer ; le 24, à Bois, où il confirme 246 personnes. En 1784, au fort de la chaleur de juillet, nous le voyons confirmer, à Médis près Royan, 357 personnes (29). Le 4, il est à Mornac, où il confirme 110 personnes (30), et 280 le 17, à Meschers.

L'année suivante, nous le voyons à l'extrémité du diocèse, à Barbezieux, dont l'arrondissement presque entier faisait autrefois partie du diocèse de Saintes (31). Il y est harangué à la porte de l'église par le curé et au presbytère par les pères cordeliers, par M. de La Maurine, procureur du roi en l'élection, plus tard subdélégué de l'intendant Reverseaux en 1788, et par Drilhon, juge du marquisat et subdélégué de l'intendant (32).

Et ce qui prouve son activité, le 5 de ce même mois, il est à l'autre extrémité de son diocèse, au fin bout de l'île d'Oléron, à Saint-Denis, où il est reçu par Pierre Babinot, curé, né à Saintes et qui plus tard, le 21 juillet 1794, épousa Marianne Quéré. En 1787, le 16 juin, il est à Magné-Niort, où il est harangué par l'abbé Allaire de La Sablière, avocat au parlement, prieur commendataire, curé chanoine de la dite église (33).

Ainsi il allait partout, évangélisant les paroisses rurales de son diocèse. C'est ce que l'historien raconte de saint Eutrope : Per plateas et vicos pergens, verbum Dei constanter prædicabat. Lui aussi prêchait la parole de Dieu avec constance.

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[Notes de bas de page.]

1.  L'abbé Briand, Histoire de l'Église santone et aunisienne depuis son origine jusqu'à nos jours (La Rochelle, Boutut, 1843 ; tome II, p. 296), qui la met au mois de juin 1782, ce qui ne l'empêche pas, quinze lignes plus bas, de montrer La Rochefoucauld en visite solennelle, le 3 avril, au collège de Saintes.

2.  François-Marie-Hilaire d'Hérisson était abbé de Masdion de 1755 à 1787 ; son prédécesseur était Simon-Pierre de Lacoré, évêque de Saintes de 1744 à 1762, et son successeur était l'abbé de Luchet. Les d'Herisson, famille aujourd'hui éteinte en Saintonge, étaient originaires de Champagne. Marie-Hilaire maria, le 19 décembre 1768 à Saintes, Marie d'Aunis de Meursac, fille de Louis et de Marie Berthomée Pinsonnet de Belfont, avec Jean Bernard de Montsanson. Il était frère de Charles-Honoré d'Hérisson, écuyer, seigneur de Beauregard, chevalier de Saint-Louis, capitaine au régiment royal de Navarre cavalerie, chevalier de Saint-Louis, qui, le 21 février 1764 à Saintes, épousa à Marie-Jeanne d'Aunis, veuve de Claude Bérand du Pérou, fille de Louis d'Aunis, seigneur du Vignand, et de Marie Pinsonnet de Belfont.

Lire dans les Archives historiques de Saintonge et de l'Aunis (II, 245 et VII, 441), l'histoire d'un soufflet que le bouillant abbé de Masdion donna au médecin François-Antoine de Nicastro, et l'acte de l'offre de réparation qu'il lui en fit, le 26 octobre 1778 : «Il eut le malheur, par un premier mouvement dont il ne fut pas le maître, de lâcher un coup de main qui porta sur le visage de cette personne (qui l'avait vivement repoussé en passant dans la rue), laquelle personne s'est trouvée être un sieur de Nicastro», et finalement l'acceptation (5 novembre) des excuses par-devant témoins et moyennant 1000 livres : 200 aux pauvres de Saint-Michel, 200 aux pauvres de Saint-Pierre, 300 à la fabrique de Sainte-Colombe, 200 aux pauvres de l'hôpital Saint-Louis, 100 aux prisonniers, et tous les frais.

3.  Il en est souvent question dans nos annales, mais il en restait fort peu de chose, quelque pages que j'avais retrouvées. Il contenait le serment du maire à son entrée en fonctions, de l'évêque, du sénéchal, des échevins, du roi des arbalétriers, puis le cérémonial de la réception de l'évêque, de l'élection annuelle du maire, enfin les différents droits de la ville, les chartes accordées par les rois, et bien d'autres pièces qu'il serait important d'avoir. Le livre rouge a péri avec les livres et manuscrits dans l'incendie de l'hôtel de ville et de la bibliothèque en 1870.

4.  «Ego Petrus, episcopus Sanctonnensis, promitto observare libertates, consuetudines et usus laudabiles istius civitatis Sanctonnensis, in animam nostram, sicut ea observaverunt predecessores nostri episcopi Sanctonnenses et fuerint hactenus observata, quantum spectat ad jus episcopale et dominium nostrum.»

5.  L'abbé Briand a raconté, Histoire de l'Église... (tome II, p. 693), d'après «un contemporain, qui avait seize ans» lorsque La Chasteigneraye mourut, que ce prélat n'avait jamais voulu se laisser lier les mains avec un ruban symbolique, comme c'était l'usage. Aussi «n'officia-t-il jamais pontificalement dans sa cathédrale, et lorsqu'il assistait au chœur, la dernière place, après les chanoines, du côté de l'épître, lui était réservée. Il ne se trouvait point à l'office canonial. Pendant le sermon, il occupait le banc de l'œuvre, et se retirait avant la bénédiction.» Cette histoire me paraît apocryphe, malgré l'autorité de ce témoin de seize ans. La Chasteigneraye n'était pas d'humeur à endurer ces taquineries. Nulle part je n'ai trouvé trace de cette ligature des mains. Le procès-verbal dressé le 11 mars 1782 par le notaire royal apostolique, Jean Bigot, et signé de dix-neuf chanoines, n'en dit pas un mot.

6.  Élie-François-Dominique Castin de Guérin de La Magdeleine, baptisé le 4 août 1742 aux Touches de Périgny, canton de Matha, était fils de Philippe-François Castin de Guérin, chevalier, seigneur de La Magdeleine et Les Touches du bourg Saint-Pierre, qui mourut le 24 mai 1746, et de Henriette-Louise de Lescours. Il avait un cousin, Pierre-Maurice, baptisé le 12 septembre 1767, enterré aux Touches, le 10 octobre 1788, clerc tonsuré, chanoine de la cathédrale de Poitiers, fils de messire Castin de Guérin, seigneur de La Magdeleine du bourg Saint-Pierre, et de Henriette Robert ; voir Revue de Saintonge (VII, 81).

7.  Michel-Dominique de Luchet de La Motte — frère du célèbre ami de Voltaire et de Frédéric — né à Saintes le 4 août 1734 ; comme deux de ses frères, il avait appartenu à la Compagnie de Jésus. En 1773, Louis de Saint-Pierre, abbé commendataire de l'abbaye royale de Notre-Dame de Chastres, grand prieur de Saint-Brice, vicaire général et chanoine de Valence, résigna son canonicat dans l'église cathédrale de Saintes en faveur de Michel-Dominique, dont l'abbé Briand, Histoire de l'Église... (tome II, p. 665), fait son neveu. Sur 24 chanoines, treize furent d'avis de lui refuser le visa parce qu'il n'avait pas prêté serment de 1762, ne voulant pas placer «aucun jésuite dans la juridiction du chapitre, afin de se prémunir contre les surprises des partisans des Jésuites.» On plaida. Le 1er mai, Thibault de Romans, Béraud, les trois Bourdeille, Mossion de Lagontrie, Capdeville, Bégole, Dudon, Grelet du Peirat et Castin de Guérin de La Magdeleine signèrent une énergique protestation contre Luchet de La Motte, qui «tient encore à une société dont le lien est réprouvé par les arrêts des cours souveraines». Malgré tout, le 28 juin, le nouveau chanoine fut installé par neuf de ses confrères moins récalcitrants. Puis tout se calma, et Luchet de La Motte, dit l'abbé Briand, Histoire de l'Église... (tome II, p. 675), «devint un des plus honorables membres de la société capitulaire». Plus tard, il refusa le serment à Constitution civile du clergé, fut déporté sur le ponton les Deux Associés, mouillé en rade de l'île d'Aix, et mourut le 20 août 1794 ; son corps repose en cette île.

8.  Le 14 octobre 1781, l'abbé Déguillon fut nommé chanoine par le chapitre «à la place de Delaage de Vibrac frère du doyen», qui était mort le 12, et regretté pour «les aumônes abondantes qu'il répandait» sur «beaucoup de familles indigentes et honteuses dont il était le soutien.» ; il signa toujours Déguillon.

9.  Est-ce ruban liant deux clefs qui a donné lieu à la légende des mains de l'évêque liées par une faveur rose ? Peut-être.

10. Voici du reste la pièce authentique de l'installation. Elle est signée, outre les chanoines énumérés, du notaire Bigot, de Thomas Boyer et de Jean Poitevin, tous deux «praticiens demeurent audit Saintes, paroisse de Saint-Pierre, témoins», et de l'évêque. Les chanoines, y lit-on, «ont dit et remontré à illustrissime et révérendissime seigneur monseigneur Pierre-Louis de La Rochefoucauld, conseiller du roi en tous ses conseils, évêque et seigneur du dit Saintes, abbé commendataire de l'abbaye de Notre-Dame de Vauluisant, ici présent, que ses prédécesseurs nos seigneurs les évêques, lors de leurs entrées et réceptions dans la dite église, avaient toujours fait le serment et promis à MM. les doyens, chanoines et chapitre de cette ditte ville, de les protéger, maintenir, entretenir et conserver en tous leurs droits, privilèges, exemptions, libertés, franchises et immunités, concédés à mes dits sieurs doyen, chanoines et chapitre, par les bulles de nos saints pères les papes, et suivant leurs transactions, ratifications, arrêts, statuts et coutumes de la ditte église et pour cet effet, prient très humblement, mondit seigneur l'évêque, de vouloir faire le dit serment, à la manière et selon la forme accoutumée ; ce que mondit seigneur l'évêque leur a accordé, et à l'instant a juré la foi de prélat, mettant sa main sur les saints évangiles, sur un missel, qui lui a été présenté par monsieur Delaage doyen, les maintenir, entretenir et conserver en tous leurs droits, privilèges, exemptions, libertés, franchises et immunités, qui leur ont été accordées par les bulles de nos saints pères et suivant leurs transactions, ratifications, arrêts, statuts et coutumes de la ditte église ; après quoi, mon dit seigneur évêque a prié mes dits sieurs doyen et chanoines de vouloir vivre en paix, union et concorde avec lui ; ce qu'ils lui ont promis, et que de sa part il en usera de même ; ensuitte toutes les autres cérémonies accoutumées de l'église ont été observées. ... ...»

11. Voir Louis Audiat, Les entrées épiscopales à Saintes (Paris, Impériale, 1869 ; p. 3).

12. Ce procès-verbal, dont nous avons reproduit la substance et souvent les expressions, est signé par Gaudriaud, maire ; Guenon, lieutenant du maire ; Duchaine, échevin ; Mollet, avocat, procureur du roi ; Faurès, second échevin ; Riquet, procureur-contrôleur ; Laurent, syndic-receveur, et Senné, procureur-greffier. Dans le cours de cette histoire nous assisterons à une autre intronisation d'évêques. Il était bon d'avoir vu celle-là avec quelques détails.

13. Société des Bollandistes (Bruxelles), Acta Sanctorum aprilis 1675 (Antwerp, Cnobarum, 1675 ; tome III, p. 735) : «Cumque urbem, quæ Xanctona dicitur intraret, eamque videret undique muris antiquis optime septam, excelsis turribus decoratam, cunctis felicitatibus affluentem, pratis ac vineis uberrimam, salubri aera opertam, plateis ac vicis amœnam, multisque modis venustam, cepit bonus æmulator excogitare si ab idolorum cultura convertere eam Deus dignaretur. Itaque per plateas et vicos ejus pergens, verbum Dei constanter prædicabat.»

14. L'évêque aimait à encourager par sa présence les solennités scolaires. Le Journal de Saintonge et d'Angoumois du 20 août 1788 (XVII, p. 127), à propos de la distribution des prix au collège de Guienne à Bordeaux le 11, où Magistel, «l'un de nos concitoyens, a obtenu deux prix en rhétorique», ajoute : «Une autre distinction, c'est qu'avant de recevoir la couronne des mains de Mgr l'archevêque de Bordeaux, il a été arrêté au passage par Mgr l'évêque de Saintes, qui l'a aussi couronné en lui donnant l'accolade».

15. «Monseigneur, quand les grands de la terre reçoivent des honneurs, quand le pompeux appareil dont ils sont environnés attire sur leur personne mille regards curieux, quand la renommée semble se plaire à faire voler leur nom de bouche en bouche, on peut dire que souvent ils ne sont redevables de ce brillant éclat qu'à leur naissance et à leur dignité. Mais lorsqu'il leur arrive avec cela de voir se tourner vers eux les cœurs les plus soumis à leur autorité, c'est alors un précieux avantage qu'ils ne doivent qu'à leur mérite personnel ; et c'est ce que vous avez éprouvé, monseigneur, dans ce jour, où votre entrée dans cette capitale a été un triomphe accompagné des cris de joie que faisait entendre de toutes parts une population nombreuse, avide de contempler enfin celui qui, depuis longtemps était l'objet de son amour comme de sa plus vive attente. En effet, quel plus beau jour ! Que de vœux sincères ! que d'expressions naïves d'admiration, de tendresse et de respect sont parvenues jusqu'à vous ! Non, ce jour fortuné ne s'effacera pas de notre mémoire. Nous nous souviendrons à jamais que tout concourait à la splendeur de cette auguste fête ; qu'une joie pure remplissent tous les cœurs ; que l'étranger même prenait part aux doux transports de la cité. Tous étaient heureux de posséder un chef disposé à faire le bonheur de son troupeau. Pour nous, témoins de cette pompe solennelle, il nous a semblé qu'elle retraçait à nos yeux, les triomphes de Paul Emile et de Scipion. Oui, monseigneur, elle nous les retraçait, mais sous des dehors infiniment plus flatteurs...» Un Gallonde, vicaire de Saint-Vaize, fut curé constitutionnel de Saint-Romain de Benêt. Est-ce l'orateur de 1792 ?

16. Saint-Bonnet, canton de Mirambeau, arrondissement de Jonzac, surnommé Bonnet-Rouge pendant la Révolution.

17. François Fourchaud, avocat en parlement et subdélégué de l'intendant de La Rochelle au département de Mirambeau, était fils de François Fourchaud, sénéchal de Mirambeau et subdélégué de l'intendant, et de Marie-Anne Seguin. Il habitait Saint-Bonnet. Le 2 février 1779, il épousa en troisièmes noces, à Saintes, Marguerite-Louise-Suzanne Pichon, fille de Pierre Pichon, bourgeois, et de demoiselle Suzanne de Coudre, de la paroisse de Bussac, en présence de René-François d'Aiguières, chevalier de Saint-Louis, d'Eutrope-Barnabé Pichon, écuyer, seigneur de Saint-Thomas, de François Seguin, ancien commissaire de la marine, de Joseph Massiot de La Motte, chevalier, et de Joseph Bonnerot, professeur de philosophie au collège, qui officia.

18. Selon l'accusation, il aurait dit qu'il ne se souciait pas plus de Fourchaud, de la Fourchaude et toute sa race, que de la boue des rues, et qu'il leur refuserait les sacrements. Selon la défense, il s'était seulement plaint que des gens dans sa paroisse ne lui voulaient rendre aucun service : que les métayers du nommé Fourchaud lui avaient refusé de lui charroyer ses javelles, parce que le nommé Fourchaud le leur avait défendu : mais que si jamais le nommé Fourchaud avait besoin de ses services, il ne les aurait pas. Le nommé Fourchaud était lieutenant particulier, ne l'oublions pas : et cette expression paraissait légèrement dédaigneuse pour un aussi haut personnage. Le curé en convenait bien, mais la faute ne lui semblait pas grave.

19. Daniel Casey ne resta pas longtemps official du diocèse. En 1784, l'évêque lui ôta ce titre. Il en conserva un long ressentiment. En mars 1789, à l'assemblée du clergé des États provinciaux de Saintonge, il fit une motion en faveur des curés, et demanda pour eux plus d'argent et plus de dignités. Sa proposition fut repoussée à l'unanimité, et l'évêque la traita de ridicule. Casey, pour prouver qu'il était raisonnable, publia, en 1790, une brochure in-12° de 100 pages, Jugez si j'ai tort ou motion en faveur de M.M. les curés¹, où il essaie de la justifier : «Au milieu des clameurs qu'on élevait contre moi dans tout le diocèse, en me supposant comblé de bienfaits par M. l'évêque, et me prêtant les procédés les plus ingrats et les plus extravagants, je n'ai point écouté la juste indignation que ces imputations, aussi fausses qu'odieuses, devaient faire naître dans mon âme» ; page 7. On voulut le faire évêque, il refusa le serment à la Constitution civile du clergé et se montra fidèle. [¹ Pas en la base de données en ligne de la Bibliothèque nationale de France, sous ce titre, en 2003.]

20. Procès-verbal de l'assemblée du clergé (1782, p. 213).

21. Ce devait être Pierre Dalidet, supérieur des Récollets de Mirambeau, qui, après le départ de David en 1783, desservit la paroisse pendant quelque temps.

22. L'abbé Briand, Histoire de l'Église... (tome III, p. 411).

23. L'abbé Briand, qui dit quelques mots de ce procès, Histoire de l'Église... (tome II, p. 621), termine prestement l'affaire par cette phrase : «En définitive l'arrêt parlementaire portant main levée de l'interdit fut annulé, et l'officialité de Saintes, reconnue compétente pour l'application de la peine canonique, comme pour le droit exclusif d'absolution de censure.» Et il renvoie aux Mémoires — il veut dire Procès-verbal de l'assemblée du clergé de France de 1782 — qui n'existent pas. Tout ne fut pas ainsi fait.

24. Constitué par acte du 15 juin, passé par-devant Bigot, notaire à Saintes. — Le même jour, l'évêque faisait à Daniel Casey, officiel du diocèse de Saintes, une pension annuelle et viagère de 150 ducats¹, tirée sur son abbaye de Vauluisant. Acte signé : «Pierre-Louis de La Rochefoucauld, évêque de Saintes et abbé de Vauluisant», et Bigot, notaire. Daniel Casey, né à Jonzac, mourut à Saintes le 11 juin 1795, âgé de 67 ans. [¹ 1 ducat @ 20 livres.]

25. Raymond-Romain de Sèze, fils de Jean de Sèze, avocat célèbre au Parlement de Bordeaux, en 1750, et frère entre autres de Paul-Romain, conseiller au Parlement de Bordeaux, mort président de la Cour royale de Bordeaux ; de Constantin, vicaire général de Bordeaux sous Mgrs d'Aviau et de Cheverus ; de Jean-Casimir, premier président de la Cour royale d'Aix ; de Victor, qui fut père d'Aurélein de Sèze, né le 25 septembre 1799, avocat renommé à Bordeaux et à Paris.

26. Imprimé in-4° par Simon de La Court, imprimeur du roi, à Bordeaux.

27. En 1790, la cure de Saint-Bonnet fut occupée par Fontreau de Saint-Martin, qui mourut le 22 août d'une chute de cheval. Il a pour successeur Valérie Buisson, remplacé par Jean-Baptiste Gasse, jeune prêtre assermenté, qui, avant sa messe, déposait sur l'autel ses deux pistolets et était toujours éperonné. Au commencement de 1793, il s'engagea comme volontaire. Son successeur Durand, minime de Bordeaux, se maria et, l'église fermée, se fit instituteur. Mort à la fin du siècle, il fut enterré dans l'église en habits sacerdotaux, ce qui ferait croire qu'il s'était repenti. Après lui le ministère à Saint-Bonnet fut exercé jusqu'en 1807 par Dibon, qui n'était que diacre. Durand avait un verre pour calice et un devant d'autel pour chasuble. Lui, acheta pour 3000 francs d'ornements que la commune refusa de payer. Il fallut que les gendarmes de Mirambeau vinssent chasser ce prêtre sans mission. Il est mort à Bordeaux après y avoir été longtemps chantre. Valérie Buisson, né en 1758, fut nommé curé de Pont-Labé en 1803.

28. Voici quels étaient les droits de l'évêque de Saintes sur sa ville épiscopale. Je les mentionne ici parce que personne ne les a encore indiqués.

L'évêque était seigneur direct et foncier de la plus grande partie de la ville de Saintes. Le reste appartenait au roi. Il y avait tout droit de juridiction haute, moyenne et basse, «mesme de faire tenir sa cour en les maisons qui sont au fond du roy», mais seulement pour celles-ci depuis le jour de saint Augustin (28 août) «à vespres qui sonnent en saint Vivien», jusqu'au jour de saint Cosme et saint Damien (27 septembre) aussi à vêpres. Pendant ce temps l'évêque perçoit les droits qui reviennent au roi pour les ventes ; ce sont ses officiers qui font «toutes provisions de tutelles, inventaires et autres actes de justice», et qui sont chargés de «punir les malfecteurs». En outre, il a des droits sur toutes marchandises et denrées qui entrent à Saintes pendant les mois d'août et de septembre, excepté sur le grain qui se porte au minage, où il n'a que deux deniers par sac. Il a aussi la jouissance «de tous les droits dont jouit le roy sur la coustume antienne de Charente», depuis la fête de saint Vivien (28 août) jusqu'à celle de saint Cosme (27 septembre).

La juridiction de l'évêque s'étendait en tout temps sur tout l'espace de la ville compris entre une ligne qui partant de la Porte-Évêque à La Bertonnière, «où sont éfigiés la grosseur de la pipe et barrique qui font cognoistre le droit de guerlande que le dit seigneur a à Saintes,» irait par le quai Reverseaux jusqu'à l'église des Récollets, passerait au canton¹ de la Poissonnerie, la ruelle du canton aux herbes, la Grande-Rue, la rue Sainte-Colombe, la Porte Aiguière et en suivant les murailles, c'est-à-dire le cours national, le cours Reverseaux, la Bertonnière, rejoindrait la Porte-Évêque, sauf quelques maisons, l'hôtel-de-ville et les halles réservées au roi. Voir la pièce entière dans Louis Audiat, Saint-Pierre de Saintes,... (Saintes, Mortreuil, 1871 ; p. 132). [¹ C'est-à-dire section.]

29. Registres paroissiaux de Médis : «Aujourd'hui 14 du mois de juillet 1784, entre huit et neuf heures du matin, Mgr Pierre-Louis de La Rochefoucauld, évêque de Saintes, a fait son entrée publique dans cette paroisse pour y faire sa visite, et après avoir célébré la sainte messe dans la dite église de Médis, il a donné le sacrement de la confirmation à 357 tant paroissiens que paroissiennes. Il était assisté de M. l'abbé de Luchet, grand archidiacre et vicaire général, de M. son aumônier, de M. Labole, curé de Saint-Georges de Didonne, et de M. Turenne, curé de Saint-Sulpice près Mornac. En foi de quoi j'ai signé le même jour et an que dessus. FRÈRE LÉOBON BOUNAUD, curé de Médis

30. Registres paroissiaux de Mornac, canton de Royan : «Le 4 de ce mois de juillet, monseigneur Pierre-Louis de La Rochefoucauld, évêque de Saintes, a fait son entrée solennelle et sa visite épiscopale dans ma paroisse et dans mon église, où il a célébré et administré le sacrement de confirmation à cent-dix de mes paroissiens. En foi de quoi j'ai signé le présent enregistrement, pour en transmettre le souvenir à la postérité. L. DROUET, curé de Mornac

31. Le prieuré de Notre-Dame de Barbezieux était alors possédé, depuis 1780, par Charles-François de La Rochefoucauld du Breuil, vicaire général d'Aix, bénéfice qu'il tenait de l'archevêque de Rouen, abbé général de Cluny.

32. La pièce, extraite des registres de la paroisse de Barbezieux pour l'année 1785, est signée par Châteauneuf, archiprêtre de Barbezieux, qui mourut près d'Irun en Espagne, exilé avec son vicaire Barbot, par Pierre-François-Étienne Réveillaud, alors aussi son vicaire, un peu après curé de Saint-Fort de Conac ; le dernier, également chassé de France en Espagne, devint curé de Saint-Pierre à Saintes sur son retour de l'exil, et y mourut le 21 mars 1855, âgé de 97 ans :

«Le dimanche premier mai 1785, Mgr de La Rochefoucauld donna la confirmation dans l'église de cette paroisse, à deux mille cent personnes. Il avait fait son entrée solennelle à Barbezieux la veille, jour de saint Eutrope. Le magistrat du siège et de l'élection, les troupes et le clergé avec tout le peuple allèrent au devant de lui jusques Chez-Batalier ; il descendait là de sa voiture, adora la croix et se mit sous le dais porté par les MM. du siège ; il reçut l'eau bénite et l'encens à la porte de l'église et ensuite le compliment du curé auquel il répondit fort obligeamment. Après le Te Deum chanté à l'église, monseigneur fut conduit au presbytère avec les mêmes cérémonies qui l'avaient suivi à l'église ; il fut alors complimenté par les pères Cordeliers, par M. le juge Drilhon et par M. de La Maurine, procureur du roi de l'élection.»

33. Le compliment de l'abbé Allaire de La Sablière est reproduit dans le Journal de Saintonge et d'Angoumois du 29 juillet (XXX, 235) : «Monseigneur, votre présence fait éclater l'allégresse du pasteur et du troupeau de cette église. Le zèle que vous témoignez ajoute une activité nouvelle à celui qui nous inspire. Dépositaire des dons du Saint-Esprit, vous allez convertir les âmes. Que celui qui vient au nom du Seigneur soit béni. Que les biens sacrés de la charité unissent les coopérateurs à leur chef pour goûter le bonheur du régime pacifique de la religion sainte que nous professons ; tels sont, monseigneur, les vœux que nous adressons au ciel et les hommages que nous vous rendons.»



«Deux victimes des Septembriseurs» :
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[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]