«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX FRÈRES LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 23


CHAPITRE 23. — Étienne Boisnard dénonce l'Avertissement et l'Ordonnance, le 18 avril 1791. — Le conseil municipal refuse de poursuivre. — Arrêté du district. — La municipalité supprime l'Avertissement. — Réquisitoire de Garnier. — Lettre du département qui dénonce La Rochefoucauld. — L'Avertissement à Pons. — Avanie des Carmélites à Robinet. — Arrêté de la municipalité qui leur enjoint de le respecter. — Notes de bas de page, y compris la pièce justificative n° 5 : «Une Émeute à Archiac en 1793».


La parole vraiment digne, vraiment évangélique de La Rochefoucauld dut avoir un immense retentissement en Saintonge. Elle ne contribua pas peu à maintenir les orthodoxes dans leurs idées et à leur inspirer l'horreur du parjure et de l'apostasie, la haine de l'intrusion et du schisme. Le procureur de la commune s'en émut. Le 18 avril, on le voit venir à l'hôtel de ville requérir les foudres de la municipalité contre l'Avertissement et l'Ordonnance du pontife : «Aujourd'hui dix-huitième avril 1791, la municipalité assemblée, à laquelle a présidé M. le maire, M. le procureur de la commune est entré et a dit qu'il étoit informé qu'il se répondoit avec profusion dans cette ville et ses environs un écrit intitulé : Avertissement et ordonnance de M. de La Rochefoucauld, cy devant évêque de Saintes, contenant des principes inconstitutionnels et propres à allumer le flambeau du schisme et de la discorde parmi les citoyens ; qu'entre autres maximes, qui étoient contenues dans cet écrit, il auroit remarqué que le cy-devant évêque déclaroit nuls et inéficaces pour le salut tous les secours spirituels qui seront conférés par les ministres qui se sont soumis à la loi du serment. En conséquence de ces principes aussi erronés que contraires à l'ordre public, requiert le dit procureur de la commune, pour tarir dans sa source les abus qui se sont déjà introduits dans cette ville relativement à cette doctrine perverse, ce qui détourne de leur vrai devoir des citoyens paisibles en leur faisant rechercher d'autres sanctuaires que ceux de leurs paroisses, qui est le vrai centre d'unité de notre foi, qu'il soit défendu à tous les religieux de cette ville, qui ont accoutumé d'avoir tous les jours dans leur chapelle une messe conventuelle pour les besoins particuliers de leurs maisons, ainsy que des hôpitaux pour leurs malades, de faire célébrer dans leur église d'autre messe que celle d'usage ; que deffences soient également faites de permettre dans les dites chapelles aucun autre exercice de religion ; que les dites maisons religieuses soient dirigées par des ministres qui auront satisfait à la loi du serment, par la raison que leur direction peuvent perpétuer dans les esprits le schisme et l'erreur, sous toutes les peines telles que de droit. BOISNARD, procureur de la commune.» (1)

Cette proposition du théologien-procureur n'eut aucun effet. Plus tolérant, le conseil municipal, composé du maire Robert de Rochecouste, Senné, secrétaire, Louis Moreau, Martain, Mareschal, Canolle et Apert, déclara que rien dans la loi ne l'autorisait à prendre une pareille mesure, aussi vexatoire qu'arbitraire (2).

J'aurais assurément mieux aimé avec cet appel à la loi une déclaration énergique en faveur de la liberté de conscience et des cultes, un refus bien motivé de commettre un tel acte d'arbitraire. Dans ce moment c'était beaucoup que ce refus. D'autant qu'il n'y eut pas unanimité et que Gout mit après sa signature : «pour le réquisitoire» (3).

Battu à la municipalité, le procureur de la commune se tourna vers le directoire du district. Il lui envoya son réquisitoire. Le 20, le district le signale au département en lui recommandant de l'énergie, surtout contre les religieuses.

«Le directoire assemblé, qui a pris communication d'une expédition du réquisitoire du procureur de la commune de Saintes et de la délibération, prise sur iceluy par la municipalité ;

«Considérant que le dit réquisitoire renferme des vues qui ne sauraient être plus sages ni plus prudents, puisqu'elles tendent à ramener au bercail des brebis égarées par le faux zèle des ecclésiastiques réfractaires aux lois de l'empire et à empêcher le trouble et la révolte que les ennemis du bien public cherchent à semer parmi les citoyens ;

«Considérant qu'il est étonnant que la municipalité, qui est spécialement préposée pour prévenir tout ce qui peut tendre à intervertir l'ordre et la tranquillité publique et qui ne cesse de donner des preuves de son zèle et de son activité à cet égard, n'ait pas secondé dans cette occurrence par sa délibération les motifs louables du procureur de la commune, puisqu'ils étaient puisés dans l'article 7 de la loi du 26 décembre sur le décret du 27 novembre précédent ;

«Considérant enfin qu'il est notoire que l'Avertissement et l'Ordonnance du sieur de La Rochefoucault mentionnés au dit réquisitoire, existent, et qu'il est pressant de prévenir les maux qu'ils peuvent occasionner ;

«Ouï le procureur syndic ;

«Est d'avis qu'attendu l'urgence du cas dont il s'agit, le directoire du département prenne sur-le-champ l'arrêté que sa sagesse et sa prudence lui suggéreront pour maintenir l'exécution des articles 6, 7, et 8 de la loi du 26 décembre dernier ; qu'au surplus le dit arrêté porte notamment inhibition et défense à tout religieux et religieuses, qui ont accoutumé d'avoir, tous les jours, dans leur église, une messe conventuelle pour les besoins particuliers de leur maison, d'y faire célébrer d'autre messe que celle d'usage, et qu'il leur soit enjoint de n'avoir pour aumôniers que des ecclésiastiques qui ayent prêté le serment exigé par la loi du 27 novembre dernier, attendu que ce ministère les range dans la classe des fonctionnaires publics, le tout à peine que de droit contre les dits religieux et religieuses, et à peine contre les ecclésiastiques réfractaires d'être poursuivis comme perturbateurs de l'ordre public.

«ARDOUIN. DUGUÉ. ESCHASSERIAUX. DUBOIS. GODET, secrétaire

Fort de son succès au district, Boisnard, trois jours après (23 avril), revient à la municipalité ; cette fois il apporte triomphant l'écrit incriminé. La nuit a porté conseil ; les réflexions sont venues ; et ce braves conseillers municipaux qui n'y avaient rien trouvé de blâmable, qui s'étaient d'ailleurs jugés incompétents, le déclarent illégal et «incendiaire». La belle chose que la peur !

«A l'instant le procureur de la commune, ayant donné lecture de l'Avertissement donné par M. de La Rochefoucauld, ci-devant évêque de cette ville, au clergé séculier et régulier et à tous les fidèles de son diocèse, et d'une Ordonnance par lui rendue au sujet de l'élection faite, le 28 février dernier, de M. Robinet, curé de Saint-Savinien, par MM. les électeurs du département de la Charente-Inférieure, à la dignité d'évêque du département, l'une et l'autre pièces datées de Paris le premier de ce mois, signées : «Pierre-Louis, évêque de Saintes», après laquelle lecture la municipalité ayant entré en délibération, elle a unanimement décidé que les faits contenus dans les susdits avertissement et ordonnance sont calomnieux et incendiaires, tendent à détruire dans les âmes faibles et timorées, la confiance qu'elles doivent avoir dans M. Robinet, leur nouvel évêque élu constitutionnellement.»

Et la municipalité fit afficher son arrêté imprimé par Toussaints :

«Ordonne que les susdits écrits demeureront supprimés comme contraires au bon ordre et à la discipline de l'Église ; à l'effet de quoi elle fait inhibition et défense à tous libraires, imprimeurs, marchands, colporteurs et autres particuliers de les vendre ou distribuer, sous telle peine que de droit ; enjoint la même municipalité à tous citoyens résidant dans son étendue de rapporter et remettre, sous trois jours pour tout délai, au greffe de la municipalité, les exemplaires qu'ils peuvent avoir par devers eux du dit Avertissement et Ordonnance ; au surplus fait inhibition et défense la dite municipalité à tous ecclésiastiques qui n'ont pas satisfait au serment ordonné par le décret de l'assemblée nationale du 27 novembre dernier, d'exercer aucunes fonctions publiques dans l'étendue de cette municipalité ; et le présent arrêté sera imprimé, lu et affiché partout où besoin sera.

«Fait à l'hôtel commun de la ville de Saintes, les jour et an que dessus.

«ROBERT DE ROCHECOUSTE, maire. C.-A. GOUT. SUIRE. MOREAU. LESACQUE. CRUGI. CANOLLE. MÉTAYER. APERT. MARTAIN, officiers municipaux. BOISNARD, procureur de la commune. SENNÉ, secrétaire (4).

Ces poltrons rachetaient ainsi et au centuple leur essai de résistance ; ils donnaient plus qu'on ne leur demandait. Il leur fallait se faire pardonner leur honnêteté.

Le directoire du département avait eu la main plus heureuse que le procureur de la commune. Dès le 19, le lendemain du jour où Boisnard avouait ne pas avoir en sa possession le mandement de Mgr de La Rochefoucauld, le procureur général syndic en déposait deux exemplaires sur le bureau du directoire. Garnier en fit lecture (5). À peine put-on l'écouter. L'indignation était à son comble. Les diatribes des clubs et les profanations ne soulevaient aucune réprobation. Mais un langage ferme au service de la vérité, une revendication solennelle du droit audacieusement violé devait indigner ces âmes égarées.

«Aujourd'hui dix-neuf avril 1791, le directoire assemblé, il a été fait lecture d'un imprimé ayant pour titre : Avertissement de M. l'évêque de Saintes au sujet de l'élection faite, le 28 février dernier, de M. Robinet en qualité d'évêque du département.

«Le directoire, indigné du contenu de ces écrits, susceptibles de porter partout le trouble et la division, a unanimement arrêté qu'à la diligence du procureur général syndic, l'un des deux exemples déposés sur le bureau, seroit dénoncé à l'accusateur public, avec invitation de le joindre aux autres pièces précédemment adressés, et d'y donner suite ; et que l'autre seroit envoyé à l'Assemblée nationale, avec prière de rendre un décret qui puisse imprimer une salutaire terreur aux mal intentionnés, et anéantir leurs perfides complots.

«Délibéré en directoire, les jour et an que dessus.

«RONDEAU, président. BRÉARD, vice-président. ESCHASSERIAUX. C. RABOTEAU. DURET. J.-J. JOUNEAU. Par le directoire : EMOND, secrétaire.»

L'effet suivit les paroles. Le même jour, le directoire du département écrivait à l'Assemblée nationale la lettre ci-après. À Rouen, le tribunal du district avait été plus sévère pour l'Instruction pastorale du cardinal de La Rochefoucauld. Par un jugement du 24 mars 1791, il l'avait condamnée à être lacérée et brûlée par l'exécuteur des jugements criminels au pied du grand escalier du palais. À Saintes, on se contentait de remettre l'affaire entre les mains de l'Assemblée.

«Il y a quelque temps que M. de La Rochefoucauld, ci-devant évêque de Saintes, fit distribuer dans notre département une lettre prétendue pastorale, portant adoption d'un mandement de l'évêque de Boulogne. Ce mandement et cette lettre contiennent des principes opposés à la Constitution civile du clergé, décrétée par l'Assemblée nationale et sanctionnée par le roi. Fidèles à nos devoirs, nous avons dénoncé ces écrits à l'accusateur public. Lors de la session de l'assemblée électoral pour l'élection de l'évêque constitutionnel du département, le sieur abbé Taillet, ci-devant vicaire général de l'Église de Saintes, fit remettre à un électeur un paquet contenant trois lettres, l'une de lui et les deux autres de MM. de La Rochefoucauld et Couci, se disant, l'un évêque de Saintes, l'autre de La Rochelle ; par ces lettres ils déclaroient à l'assemblée électorale qu'elle n'étoit point compétente pour élire un évêque du département ; qu'aucune puissance temporelle ne pouvoit lui en donner le droit ; qu'ils protestoient contre tout ce qui y seroit fait à cet égard, et qu'ils seroient toujours les seuls légitimes évêques de Saintes et de La Rochelle. L'assemblée arrêta que, sans avoir égard à ces protestations illégales et qui ne pouvoient être regardées que comme une production délirante de l'entêtement et de l'ambition, elle rempliroit sa mission, et que ces trois lettres seroient remises à l'accusateur public. Cet arrêté fut exécuté ; et M. Robinet, curé de Saint-Savinien, fut élu et proclamé évêque du département de la Charente-Inférieure.

«Les électeurs se sont ensuite réunis dans leurs districts respectifs, et ont procédé au remplacement des curés qui avoient refusé de prêter le serment prescrit par la loi aux fonctionnaires publics ecclésiastiques ; toutes les élections se sont faites sans troubles.

«Notre vénérable pasteur, après avoir été consacré à Paris, a été mis en possession du siège épiscopal ; et depuis ce moment il s'occupe avec zèle de l'organisation du clergé de son Église et du soin de pourvoir au service du culte dans toute l'étendue du département.

«Tout paroissoit, messieurs, nous donner lieu d'espérer que rien ne troubleroit notre tranquillité, et qu'en continuant d'user, comme nous l'avons toujours fait, d'une fermeté prudente et d'une sage tolérance, nous jouirions de la douce satisfaction de voir les esprits égarés rentrer en eux-mêmes et qu'éclairés par le temps et par l'expérience, ils reconnoître bientôt l'erreur dans laquelle les ont entraînés des hommes intéressés à perpétuer l'existence d'abus révoltants que vous avez eu le courage d'anéantir.

«Déjà nous nous flattions du doux espoir de voir nos concitoyens réunis de cœur et d'esprit avouer que la religion et le civisme n'ont rien d'incompatible entr'eux et servir en paix Dieu et la patrie, lorsque nous avons été informés qu'ils circuloit dans la ville et dans les campagnes deux imprimés dans le nom de La Rochefoucauld, se disant évêque de Saintes, l'un ayant pour titre : Avertissement de M. l'évêque de Saintes au clergé séculier et régulier et à tous les fidèles de son diocèse, et l'autre : Ordonnance de M. l'évêque de Saintes, au sujet de l'élection faite le 28 février 1791 de M. Robinet en qualité d'évêque du département.

«Des exemplaires nous ont été remis. Après en avoir pris lecture, nous sommes demeurés convaincus qu'ils contiennent des assertions contraires aux lois, et dont le but est évidement d'alarmer les consciences, de semer partout le trouble, et d'exciter la division dans le sein même des familles. Nous avons arrêté qu'à la diligence du procureur général syndic, ces pièces seroient remises à l'accusateur public près le tribunal de Saintes pour être jointes à celles qui lui ont déjà été dénoncées, avec invitation d'y donner suite.

«Nous croyons devoir, messieurs, vous faire aussi la dénonciation de cette nouvelle infraction à la loi ; elle est d'autant plus condamnable qu'elle paroît commise par M. de La Rochefoucauld, l'un des députés de ce département à l'Assemblé nationale.

«Placés trop loin des lieux où l'hypocrisie et le fanatisme s'efforcent d'exciter la guerre civile, il ne vous est pas aussi facile qu'à nous d'apercevoir tous les maux qui résulteroient infailliblement de ces attentats, s'ils restoient impunis ; nous vous conjurons donc, messieurs, au nom de la patrie, d'employer promptement les moyens que dans votre sagesse vous juger convenables, pour mettre un terme aux manœuvres sacrilèges que des hommes, qui ont la lâcheté de ne pas vouloir être bons citoyens, osent mettre en pratique pour élever autel contre autel, et allumer, comme le firent autrefois les prêtres ambitieux et perfides, les torches infernales du fanatisme pour embraser l'empire et opérer sa ruine.

«Tandis qu'il en est temps encore, messieurs, hâtés-vous de prévenir, par une loi rigoureuse mais nécessaire, les coupables entreprises des ennemis du bien public et des profanateurs de la religion qu'ils osent se vanter de servir. Trois fois déjà, M. La Rochefoucauld a tenté par des incitations criminelles de soulever le peuple contre son devoir et de l'éloigner de la soumission qu'il doit à la loi ; et c'est dans le temps même qu'il siège au rang des législateurs qu'il cherche à élever une barrière contre la loi même. Faut-il donc que nous soyons sans cesse en garde contre les perfides entreprises, et, malgré notre zèle infatigable, pourrions-nous toujours répondre de préserver de la séduction des citoyens qu'on cherche à abuser par le plus dangereux des prestiges, celui d'une piété feinte et simulée, sous le masque de laquelle se cache la passion et l'intérêt personnel ? Prenés un party vigoureux, messieurs ; nous le croyons nécessaire ; nous vous jurons de faire de notre côté tout ce qui sera en notre pouvoir pour contenir les malveillans, et coopérer au maintien des loix salutaires que la France vous doit, et qui ont acquis pour toujours notre reconnoissance.»

À Pons, le maire Deluc brûla solennellement, un dimanche sur la place publique, l'ordonnance de Mgr de La Rochefoucauld. On la recherchait partout. Le 30 avril, la municipalité composée de Dumas, de Pelligneau (6), et du maire Deluc, apprend que Charles Barraud, curé de Saint-Vivien, plus tard en 1801 fondateur du petit séminaire de Pons et de l'établissement des Dames Ursulines du Sacré-Cœur, distribue l'écrit prohibé. Vite il est mandé. Il déclaré qu'il ne connaît pas la pièce. Les municipaux l'arrêtent (7).

On pouvait bien déclarer supprimée l'ordonnance de l'évêque, la brûler, la pourchasser partout ; on pouvait bien dénoncer le prélat et aiguiser la pique qui lui allait percer le cœur. Mais donner des fidèles à l'intrus, obliger au respect, imposer la déférence, voilà ce que les arrêtés n'obtenaient pas. Aussi les couvents transformés en prisons ne tardèrent pas à se peupler de gens qui refusaient d'assister aux messes des assermentés. C'est ainsi que Mme de Bremond d'Ars (Marie-Eutrope-Melanie de Sartre) y fut enfermée avec toute sa famille à l'âge de huit ans, parce qu'elle ne voulait pas entendre le prône de Perrineau, curé constitutionnel de Vénérand. À Pons, les curés refusèrent unanimement de lire au prône l'instruction pastorale de Robinet, ainsi que le constate une délibération du 21 mai 1791. À Jonzac, même conduite de la part du curé, Simon-Pierre de Ribeyreys, qui périt, en 1794, sur l'échafaud à Rochefort (8).

Les ordres mêmes contre le culte, pour être exécutés par les autorités constituées, avaient parfois besoin d'être visés par la Société des Amis de la Constitution. Le 14 mai 1791, le registre municipal de Pons dit : «MM. les Amis de la Constitution nous ayant adressé une ordonnance de M. Robinet, évêque du département de la Charente-Inférieure, donnée à Saintes le onze de ce mois, qui prononce interdiction d'église des cy-devant Jacobins de cette ville et d'y exercer aucunes fonctions du ministère, il a été arrêté qu'afin qu'aucun citoyen ne pût en prétendre cause d'ignorance, la dite ordonnance serait publiée et affichée dans tous les lieux accoutumés de cette ville.»

On ne fut pas partout aussi pacifique. À Arthenac, quand le maire d'Archiac voulut, selon l'arrêté du directoire du district de Pons et l'ordre du directoire du département, faire transporter les effets «de la ci-devant église d'Arthenac», — on avait enlevé la cloche — dans l'église d'Archiac, il trouva une opposition énergique. La foule, hommes et femmes, résista : on leur a ôté la cloche ; ils la veulent reprendre ; on veut leur ôter les effets de leur église ; ils ne le souffriront pas. On prétend aussi les empêcher d'entendre la messe dans l'église de Sainte-Eugène. En vain, le maire, en vain le greffier s'efforcent de leur lire l'arrêté du département ; des huées leur couvrant la voix. Ils envoient promener le district et le département : «ils veulent prier Dieu dans leur église, y avoir leur cloche et leur cimetière pour y être enterrés». L'émeute gronde. On va se battre. «Par prudence, raconte le maire, nous nous sommes à l'instant retiré pour nous en revenir à notre maison commune (9).»

D'après ces faits, on juge de quel œil étaient vus les nouveaux curés. Aussi les administrateurs craignaient tout. Sur la proposition d'un membre qui prétendait que les curés réfractaires et remplacés légalement par l'assemblée électorale, affectaient dans des discours débités en chaire «d'insinuer à leurs paroissiens que les curés nouvellement nommés sont incapables de célébrer la messe et d'administrer aucun sacrement, et que, ces discours pouvant avait fait quelques sensations sur les esprits et crédules, il serait possible qu'il y eût de la rumeur lorsque les nouveaux curés iront prendre possession de leur cure», le directoire du district de Saintes écrivit «à toutes les municipalités qui éprouvent un remplacement de curé, pour qu'elles redoublent de vigilance et de zèle dans cette occurrence, afin de prévenir toutes les insurrections et maintenir l'ordre et la tranquillité publiques». Ce seul acte montre bien l'empressement qu'on mettait à recevoir les jureurs (10).

Quant aux sentiments qu'inspirait Robinet lui-même, on put bientôt les connaître. C'était le jeudi saint. En dévot catholique, il crut devoir faire ses stations dans les diverses églises qu'il n'avait pas encore interdites. Les curés, jureurs comme lui, l'accueillirent très bien. Il alla plus loin. Se considérant, malgré l'ordonnance du légitime pasteur, comme le supérieur des maison religieuses, comme le chef, même de ceux qui ne l'avaient pas nommé et ne voulaient pas de lui, il se présenta dans la chapelle des carmélites. Elle était ouverte au public. Il entra avec la foule. Mais les sœurs l'aperçurent. Aussitôt elles fermèrent avec bruit la clôture de la grille pour lui ôter l'idée de la franchir. Grand scandale parmi les patriotes ! On les dénonce au conseil municipal. Aussitôt le conseil municipal s'assemble. Le cas est grave. La patrie est en danger. On requiert contre les mutines. Leur procédé est jugé inconvenant, déplacé, blâmable. Il faudra que désormais elles aient un peu plus d'égards pour «le dit sieur Robinet», et s'il leur fait l'honneur de se présenter dans leur église, elles devront le recevoir avec respect et honneur sous peine de châtiment.

L'abbé Briand qui a oublié cette anecdote en raconte une autre d'un goût douteux (11) : «L'apostat Robinet, dit-il, fut instruit de l'estime qu'il inspirait. Une caisse lui arriva par la messagerie ; il la reçut comme un présent. A l'ouverture, il n'y trouva qu'un agneau en putréfaction avec ce titre : «Tel pasteur, tel troupeau !...» Condamnation sévère de l'évêque intrus et de ses adhérens.»

Le fait est-il authentique ? Peut-être ; Robinet dut être exposé à plus d'une avanie. Aussi comprend-on que la municipalité ait imprimé et affiché l'histoire des carmélites. C'est une leçon qu'elle voulait donner aux récalcitrants (12) ; il était urgent «d'arrêter le scandale sa source».

«Sur quoi la municipalité ayant délibéré, il a été unanimement reconnu et déclaré que le procédé des dites religieuses carmélites était à tous égards déplacé et blâmable ; en conséquence ordonne qu'il leur sera fait inhibition et défense de se comporter à l'avenir de pareille façon, et à elles enjoint de recevoir avec honneur et respect le dit sieur Robinet, et le reconnaître pour leur évêque chaque fois qu'il se présentera dans leur église ou maison, et ce, sous telle peine que de droit ; en outre il a été ordonné que la présente délibération et arrêté leur seraient notifiés du consentement du procureur de la commune et sur sa réquisition, copie à elles délivrée le plus tôt possible par le greffier de l'hôtel commun, comme un témoignage certain de l'improbation et désaveu de leur conduite de la part de la municipalité.»

Voilà le respect ordonné par décret.

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[Notes de bas de page.]

1.  Étienne Boisnard, maître ès-arts et en chirurgie, prévôt de la communauté des maîtres en chirurgie de la ville de Saintes, fut maire en l'an II. L'abbé Taillet, L'Église de Saintes depuis 1789 jusqu'à la fin de 1796, dit de lui : «Le sieur Boisnard, chirurgien, devenu procureur de la commune, puis maire, s'est annoncé l'implacable ennemi des couvents, des prêtres non jureurs, de tous les catholiques. Il se plaisoit surtout à écraser les nobles, ne leur pardonnant pas d'avoir été au-dessus de lui. Sa haine contre le trône étoit si exaltée que, peu de temps après la mort du roi martyr, un député de la Convention ayant passé à Saintes, il le félicita, dans une harangue aussi basse qu'extravagante, de ce qu'il étoit membre d'une assemblée dont la céleste sentence avoit fait tomber la tête du tyran.»

2.   Archives municipales de Saintes (Registre des délibérations du conseil municipal, 1791, II, p. 41) : «Sur quoy la municipalité, après avoir ouï lecture du réquisitoire du procureur de la commune, a délibéré que, d'autant qu'il n'a point été rapport l'écrit ou ordonnance de M. de La Rochefoucauld, sur lequel il s'est fondé dans les motifs de son réquisitoire, et que d'ailleurs il n'a pu citer ny rapporter aucuns décrets de l'Assemblée nationale qui attribue aux municipalités une jurisdiction sur les évêques, les ecclésiastiques, les religieuses cloîtrées, les officiers municipaux ont déclaré ne pouvoir, quant à présent, prendre un party sur le réquisitoire du procureur de la commune.»

3.  Claude-Antoine Gout — qu'on appelait Ca Gout, parce qu'il signait C. A. GOUT — né le 2 août 1744 de Jean Gout, marchand, et de Marie Mouchar, fut un des six membres du Tiers, choisis le 20 août 1789, pour faire partie du comité de 24 personnes, Tiers, Noblesse et Clergé, chargé d'aviser aux moyens d'empêcher la disette ; élu un des onze officiers municipaux, le 7 février 1790, il devint en 1791 le premier ; juge à la juridiction consulaire de 1772 à 1789, échevin en 1784 — voir Louis Audiat, Études, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, par M. le Bon Eschassériaux,... (Saintes, Orliaguet, 1876 ; p. 85 et 153), — il fut maire du 13 juin 1791 au 11 août 1792, date de sa mort. Bourignon a fait dans la chaire de Saint-Pierre son oraison funèbre. Il fut enterré aux frais de la ville, et son nom donné à la rue du Ha. L'abbé Taillet, L'Église de Saintes..., dit de lui : «Un sieur Gout, maire, qui jusqu'alors avoit eu des sentiments très modérés, et s'étoit concilié l'estime des citoyens, mais qui une fois revêtus de l'écharpe municipale s'est déchaîné contre les amis du roi et de la relligion avec une colère habituelle qui approchoit de la frénésie. Il connaissoit tous les mouvements populaires, il les approuvoit quelquefois, il les excitoit, et s'il n'eût pas trouvé ordinairement de grandes résistances, il eût occasionné de terribles malheurs ; il est aujourd'hui dans le tombeau. Gardons-nous de troubler sa cendre, comme il a troublé le repos de ses concitoyens.»

4.  Cette délibération est signée par onze membres : la première l'avait été par sept, qui signèrent aussi la seconde.

5.  L'abbé Taillet, L'Église de Saintes..., dit de lui : «Le sieur Garnier, procureur syndic du département, s'est toujours occupé à sapper, tantôt sourdement, tantôt publiquement, les fondements de l'autel et du trône ; il travailloit de toutes les manières possibles à dégoûter les peuples de la relligion catholique, et même de toute relligion ; il les soulevoit contre le roi par de noires calomnies et par des déclamations fougueuses. On l'a vu, durant quelqu'une des assemblées électorales, monter dans la chaire même de vérité et crier que Louis XVI étoit un tyran ; qu'il falloit le tuer. Aussi ayant été député à la Convention, non seulement il a eu part au régicide, mais il en a été l'apologiste et le panégyriste. Homme sans talents, sans caractère, incapable de jouer un rôle dans tout autre temps que dans un temps de révolution ; il avoit lu qu'Erostrate s'étoit rendu célèbre en brûlant un temple ; et lui aussi il a voulu être célèbre et d'une célébrité plus honteuse encore ; il a surtout voulu arriver à la fortune et il y est arrivé, mais il n'a pas assez réfléchi que le chemin qu'il prenoit, étoit aussi le chemin de l'échaffaud.» Voir aussi note 7 au chapitre 13.

6.  Son frère, Louis-François Pelligneau, chanoine, vicaire général et archidiacre de Bourges, né à Pons le 9 mars 1739, de Jean Pelligneau, juge de la châtellenie de Pons, et d'Agnès Heudebourg, mourut dans un cachot souterrain du Paté à Blaye, le 28 mai 1794 ; voir Bulletin de la société des Archives (VIII, 82).

7.  Charles Barraud, né à Saintes le 29 décembre 1747, fut nommé curé de Saint-Vivien à Pons en 1774 par l'abbé de Saint-Florent de Saumur; plus tard il devint chapelain de l'hôpital de Pons (1784) et de Saint-Roche en la paroisse de Saint-Martin de Pons (1785). Ayant refusé le serment, il fut persécuté. Il se cacha à Bordeaux — voir 20 au chapitre 17 — et ne quitta la France qu'en 1797 pour aller en Espagne rejoindre son frère qui se trouvait depuis 1791 à Astorga. Il reprit son ancienne paroisse de Saint-Vivien, où il établit les Ursulines et fonda le séminaire. Il mourut à Pons le 27 février 1842 ; voir Pierre-Damien Rainguet, Biographie saintongeaise (Saintes, Niox, 1851). Il était frère (?) de Jean-Baptiste Barraud, né en 1748, curé d'Arthenac en 1784, où il refusa le serment le 4 février 1791 en ces termes :

«Aujourd'hui quatre février mil sept cent quatre vingt onze. Je soussigné, pour me conformer à la loi, me suis transporté au greffe de la municipalité de cette paroisse, où j'ai déclaré que mon respect et ma soumission aux décrets de l'Assemblée nationale n'auroit jamais de bornes dans tout ce qui seroit conciliable avec les lumières et les droits de ma conscience ; mais que le serment à exiger des prêtres fonctionnaires publics n'étant pas de ce genre, je ne pouvois ni ne devois le prêter.

«A Arthenac le quatre février 1791.

«BARRAUD, curé d'Arthenac.»

Il partit pour l'Espagne. Il eut pour successeur l'intrus Sicard, qui se maria et se fit aubergiste à Gemozac. Il devint curé d'Archiac en 1803 et mourut le 20 novembre 1825. À Saint-Aulais était aussi curé un Barraud.

8.  Simon-Pierre de Ribeyreys fut nommé curé de Jonzac, le 7 fevrier 1777 ; il refusa le serment, et fut dénoncé par Parenteau, et par le curé intrus de Réaux, prêtre marié, Jacques-Alexis Messin, qui fut lui-même détenu à Brouage. Voir Le Cri de la vérité par J.-A. Messin, (Saintes, Mareschal, s. d.)¹. Messin avait été vicaire de Chaniers. «Pessimus sacerdotum, totus in perscutione promovenda... cædes tentavit et fecit.» Voir Revue de Saintonge (X, p. 379). [¹ Pas en la base de données en ligne de la Bibliothèque nationale de France, sous ce titre, en 2003.]

9.  Voir la pièce justificative ci-dessous (Registres des délibérations de la commune d'Archiac, arrondissement de Jonzac.) :

UNE ÉMEUTE À ARCHIAC EN 1793.

«L'an mil sept cent quatre-vingt treize et le vint cinquième d'avril, à trois heures après midy, l'an 2e de la république française, les maire, officiers municipaux et notables d'Archiac, canton du dit lieu, assemblés en conseil général dans notre chambre municipale, lieu ordinaire de nos délibérations, en activité permenante et de surveillance, d'après le requisitoire du citoyen Duret, procureur de notre commune, du vingt-deux, qui à nécessité notre arrêté du vingt-trois, pour que l'arrêté du directoire du district de Pons du 18 eut son exécution conformement à l'arrêté du département du 13 du mois dernier, qui porte que les effets de la ci-devant église serait dans les 24 heures transportés dans l'église d'Archiac, nous nous serions déterminés d'employer tous les moyens que la prudence peut sucgérer pour que que l'exécution s'en fit sans trouble, et pour y parvenir le citoyen maire se serait rendu individuellement chez le citoyen Gendre, un de nos officiers municipaux habitant de la cure d'Arthenac, pour prendre les renseignements nécessaire sur ce qu'on lui avait dit qu'on avait entendu la caisse au dit lieu vers les onze heure du matin ; il aurait trouvé un grand rassemblement d'hommes et de femmes qui l'avait entouré ; le citoyen Gendre l'aurait invité d'entrer chez lui pour se rafréchir, et y étant entré, le dit Gendre ayant fermé la porte, le peuple lui a dit de l'ouvrir. On leur a répondu qu'on était à même de délibérer pour voir le parti qu'il y aurait a prendre pour les contenter ; les attroupés non contents de cette réponse leur observèrent qu'ils pouvaient délibérer devant eux ou qu'ils enfonceraient la porte, s'il ne l'ouvrait pas. La porte étant ouverte, ils dirent au citoyen Longueteau, maire, de marcher à leur tête, qu'ils voulaient se transporter à Archiac pour y aller chercher leur cloche qui était dans l'église paroisiale du dit Archiac. En chemin faisant le citoyen maire, accompagné des citoyens Juin et Georgeon, ces deux derniers habitants du lieu d'Arthenac, employèrent tous les moyens possibles les calmer et leur faire appercevoir en même temps que leur conduite était des plus répréensibles. Enfin, après plusieurs supliques ils parvinrent à obtenir qui n'avancerait pas plus loin que le champ de foire d'Archiac. Tel est le rapport que le citoyen maire nous faisait de la conduite sage et patriotique qu'a tenu dans cette occasion le nommé Juin et Georgeon, qui ont entré à l'instant accompagné de trois à quatre personnes, où il nous ont confirmé que la populace était bien animée et qu'il fallait agir avec beaucoup de circonspection ; nous leur avons fait voir les lois pour les convaincre que ce ne nous était pas possible de nous empêcher de nous transporter en corps pour les dissiper ; à quoi les dit Juin et Georgeon nous ont prié de leur confier les dites lois : ils allait aller leur en donner connaissance et qu'il espérait les faire retirer étant sans armes. Au même instant est entré le nommé Jules Houmié, masson, demeurant au village de Chez-Charmet, en disant qu'il était venu avec les autres pour enlever leurs cloches, ou qu'il y laisserait plutot sa tête s'il ne les enlevait pas, et qu'il n'avait qu'une mort à souffrir ; et c'es retiré de suite après les remontrances que nous lui avons fait, et ne l'avons pas vu depuis. Ensuite nous nous sommes transportés en conseil général sur le lieu du dit rassemblement. Nous avons percu que l'atroupement se retirait du côté de la ci-devant église d'Arthenac. Malgré les instances réitérées des citoyens Juin et Georgeon qui n'ont pu réussir à les dissiper, nous avons continué notre route jusqu'au devant la porte d'église d'Arthenac où nous avons trouvé rassemblé, où il y avait plus des femmes que d'hommes : une partie des hommes était retirée. Nous leur avons demandé qui était les motifs de leur rassemblement. Elles ont toutes demandée qu'elles voulaient leur église et leur clocher. Le citoyen Coflin ayant demandé la parole au citoyen maire pour expliquer à ces gens égarés les lois et les inviter à nous laisser remplir la mission dont nous étions chargés, malgré toutes les exhortations pacifique, à paine commençaient-ils à leur parler que plusieurs hommes et femmes parlaient tous à la fois et l'interrompait et surtout la citoyenne Joussaulme, fille aînée, du village de Chez-Rureau, qui lui dit avec beaucoup de colère : «Vous avez été faire une motion à la porte de l'église de la paroisse de Saint-Eugène, pour qu'on nous ferme la porte de l'église, quand nous irions entendre la messe.» A quoi le dit Coflin lui a répondu qu'il était trop pénétré des vrais principes de la loi pour s'opposer à la liberté qu'ont tous les citoyens d'exercer quel culte que bon leur semble. N'ayant pas eu l'art de pouvoir leur persuader de l'écouté, il a été obligé de garder le silence. Un des membres les ont prié de se dissiper. Elles nous ont répondu qu'elles voulaient prier le bon Dieu dans leur église et y avoir leur cloche, et qu'elles voulaient leur cimetière pour y être enterré. Elle était appuyée dans leur discours et menaces par les citoyens Grimard, d'Arthenac ; Grimard, de Taule ; Colombeau, de Chez-Poussard ; Lerne, du Maine Sablon ; Pasquier aîné, d'Arthenac ; Barabeau fils, de Chez-Giraud ; Lesné, domestique du citoyen L'hommeau, et Marot dit Maron. Indépendement de leur opiniâtreté, on a voulu tenter tous les moyens possibles pour les faire revenir de leur égarement, le citoyen Ferrant, notre secrétaire greffier, leur a dit : «Je vais vous donner lecture de l'arrêté du directoire du district de Pons.» A peine a-t-il commencé à lire, la majeure partie des dénommé et autres ce sont mis à le huer, et qu'il ne le voulaient pas écouter, en disant qu'il ne soucient pas plus des arrêtés du directoire de Pons que de ceux du département ; qu'ils ne reconnaissent que ceux de la convention nationale ; ce qui nous déterminé à nous retirer à sept ou huit pas. Dans l'instant, le citoyen Barrier fils nous arrêta en nous priant de lui confier le dit arrêté pour leur en donner lecture. Cette proposition nous parut de bon augure, ce qui nous fit acquiéser à sa demande, persuadé que, d'après la lecture qui leur en serait faite, qui ne s'opposeraient plus à l'exécution du dit arêté. Malgré nos espérances qui ont ont été infructueuses, nous les avons sommé verbalement de se retirer en leur demandant néanmoins s'ils entendaient s'opposer à l'exécution du dit arrêté, à quoi ils ont répondu que oui, qu'il ne voulaient pas y consentir. Tel est la réponse que nous ont fait les attroupés, principalement les nommés Grimard, d'Arthenac, et Marot dit Maron. Par prudence nous nous sommes à l'instant retiré pour nous en revenir à notre maison commun. En chemin faisant nous avons rencontré le nommé Pierre des Roches, capitaine de la garde nationale de la compagnie d'Arthenac, dans la rue ci-devant récollets. Le citoyen maire l'a invité de se rendre avec nous pour nous donner des renseignements nécessaires et de savoir de lui qui avait ordonné de battre de la caisse ; à quoi il nous a répondu qu'il l'ignorait, puisqu'il n'était pas chez lui, quand on a été le chercher ; qu'il était à cet époque au bourg d'Archiac, chez le citoyen Tetard, et qu'il offrait de le justifier. — Un de nos membres nous a observé que le citoyen Gendre, officier municipal, qui demeure au lieu d'Arthenac, aurait dû donner connaissance à la municipalité des attroupements et même de s'y opposer, ce qu'il n'a pas fait, et que son devoir lui commandait impérieusement ; il lui avait même été écrit de se rendre à son poste, et la lettre lui a été remise à 7 heures du matin, au bourg d'Archiac, par notre secrétaire greffier, pour qu'il eût à se joindre à nous pour nous rendre à Arthenac pour la translation des effets qui se trouvent dans la dite église ; il n'a paru à la municipalité qu'après que le citoyen maire est revenu, sans être décoré de son écharpe ; non content de ce, il ne nous a pas accompagné quand nous avons été pour dissipé l'attroupement. Arrivé au bourg d'Arthenac, un des nos membres l'ayant rencontré chez lui pour qu'il eût à nous rapporter les clefs de l'église, et l'invita de se joindre à nous et de se décoré de son écharpe ; à quoi il répondit qu'il aimait mieux qu'on lui passât un sabre à travers le corps que de se rendre, mais qu'il allait nous faire passer les clefs. Ses qu'à notre retour le citoyen Barabeau, administrateur, nous a observé qu'il avait été provoqué dans sa maison par la nommée Bernard, femme Coulombeau, du lieu de Chez-Poussarts, en lui disant qu'il était continuellement au département et au district, et que c'était lui qui leur avait fait voler leur cloche, et qu'il aurait éprouvé une rixe, s'il ne se fut contenté d'écouter les mauvais propos de cette femme et de ne rien répondre, attendu que le rassemblement était devant sa maison. De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal pour être, à la diligence du procureur de la commune, en donner avis au procureur sindic du district de Pons. Fait en séance publique, les jours mois et ans que des autres part.

«LONGUETEAU, maire. COFLIN, offi. m. HERVOIRE ÉNÉ offi. m. VIROLLEAU, offi. m. ANDRÉ DUBREUIL, notable. GEORGFON, notable.»

10. «Le directoire assemblé, un membre a exposé que plusieurs des curés qui n'ont pas prêté le serment prescrit par la loi, et au remplacement desquels l'assemblée électorale vient de pourvoir, affectent par des discours qu'ils débitent en chaire, d'insinuer à leurs paroissiens que les curés nouvellement nommés sont incapable de célébrer la messe et d'administrer aucuns sacrements ; que ces discours pouvant avoir fait quelques sensations sur les esprits faibles et crédules ; il serait possible qu'il y eût de la rumeur, lorsque les nouveaux curés iront remplacer les anciens et prendre possession de leurs cures ; que, dans ces circonstances, il croit qu'il serait prudent que le directoire écrivit à toutes les municipalités qui éprouvent un remplacement de curé, pour qu'elles redoublent de vigilance et de zèle dans cette occurrence, afin de prévenir toutes les insurrections, et maintenir l'ordre et la tranquillité publiques.

«Cette proposition mise aux voix, le directoire l'a adoptée à l'unanimité.»

11. L'abbé Briand, Histoire de l'Église santone et aunisienne depuis son origine jusqu'à nos jours (La Rochelle, Boutut, 1843 ; tome III, p. 69).

12. «Aujourd'hui vingt-trois avril 1791, les officiers municipaux assemblés à la manière accoutumée, environ les deux heures après-midi, un de MM. a dit qu'il demeure averti que M. Robinet, actuellement évêque du département de la Charente-Inférieure, s'étant présenté jeudi dernier, jour de jeudi saint, avec son clergé, environ les cinq heures du soir, dans l'église des carmélites de cette ville, pour y faire sa station devant le Saint-Sacrement, les religieuses qui étaient dans le chœur, occupées à réciter l'office ou en oraison, avait affecté, au moment où il entra dans leur église, de fermer avec bruit et violence la clôture de leur grille, qu'elles rouvrirent au moment de sa sortie de la dite église ; et comme cette affectation de leur part témoigne leur indifférence et même leur mépris pour ce respectable prélat, elles excitèrent un scandale caractérisé dans l'esprit de tous ceux qui étaient présents, scandale qu'il est intéressant d'arrêter dans sa source.»



«Deux victimes des Septembriseurs» :
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[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]