«FAVERNEY, SON ABBAYE ET LE MIRACLE DES SAINTES-HOSTIES» ; 5e PARTIE - CH. 3


CINQUIÈME PARTIE

La Sainte-Hostie de Faverney depuis la grande Révolution jusqu'à nos jours


CHAPITRE TROISIÈME

Tricentenaire du Miracle de Faverney et le Congrès national eucharistique en 1908

Le diocèse de Besançon était en deuil depuis plus d'un an quand, au mois de juillet 1894, eut lieu l'intronisation du nouvel archevêque Mgr Fulbert Petit, déjà évêque du Puy durant sept ans. La paroisse de Faverney, en deuil elle-même depuis le 18 novembre de son «bon curé Clerc», dut attendre jusqu'au mois d'avril 1895 l'arrivée du prêtre intelligent et du pasteur plein de foi que la Providence lui destinait. L'abbé Joseph Cramillet, compatriote de Mgr Besson évêque de Nîmes et émule de Mgr Labeuche évêque de Belley, à peine installé comme curé dans sa belle église de Notre-Dame la Blanche, malgré les appréhensions de son âme légèrement timorée, «se donna tout entier à ce pays distingué, à cette population aimable» qui lui rappelaient un peu Baume, sa ville natale. Son ferme bon sens, sa rectitude de jugement, sa bonté avec le prestige d'un sourire mélancolique qui était le résultat d'une organisation maladive et impressionnable, surent bien vite conquérir les esprits et les cœurs.

La question de la Sainte-Hostie dont l'histoire complète était à faire et dont l'endroit précis du miracle depuis plus de trente ans, était devenu incertain, le préoccupa dès lors. Il fit sienne cette question et je me souviens qu'en juin 1902 il eut, dans son église même, une vive discussion à ce sujet avec l'éminent archiviste Jules Gauthier : celui-ci affirmant que c'était dans le transept, vers la nef latérale du côté de l'évangile et en dehors de la grille qui, selon lui, devait enferme tout le carré de la plate-forme où se trouvaient les stalles des moines ; et l'abbé Cramillet affirmant encore mieux que ce devait être devant la grande grille du chœur des prêtres ou du presbytéral, au côté de l'évangile, vers la table sainte actuelle.

Son grand esprit de foi, sa brillante intelligence, sa ténacité discrète qui lui permettaient de préparer avec un soin judicieux et de poursuivre à travers mille obstacles toutes ses entreprises, apparurent encore mieux dans ce double projet qui résuma toute sa vie curiale : parachever l'œuvre commencée par son saint et zélé prédécesseur en faisant publier une histoire de Faverney, puis restaurer artistement son église. Dans sa modestie il ignorait que la Providence le destinait à un troisième œuvre grandiose auquel alors personne ne songeait. Quoiqu'il en soit, en un deuil mémorable de sa vie au mois de novembre 1905, cédant à un sentiment d'affection qui datait du petit séminaire de Marnay en 1864, il supplia l'auteur de ces lignes d'assumer la tâche redoutable d'historien, tâche que seule une mort imprévue empêcha Jules Gauthier, mon maître vénéré, d'accomplir. Ce fut donc sous la direction de l'abbé Cramillet que les premières notes et les premiers renseignements de cet ouvrage furent recueillis en juin 1906 (1).

Or un an après, à Metz le 11 août 1907, au matin de la grande fête de clôture du magnifique congrès eucharistique international, le comité permanent des congrès tint sa dernière séance. Son Éminence le cardinal Vannutelli, légat du Saint-Siège, quoique obligée de rester à jeun à raison de la grande cérémonie finale, avait tenu à la présider ; et c'est alors que Mgr Heylen, évêque de Namur et président du comité international, fit part de la demande de Mgr Petit, archevêque de Besançon, d'avoir à Faverney, en 1908, un congrès eucharistique international, à cause du troisième centenaire du grand Miracle de 1608. Malheureusement la capitale de l'Angleterre avait été choisie depuis un an, et les membres du comité permanent, à leur grand regret, ne purent céder aux instantes sollicitations de l'archevêque bisontin présent à Metz. Toutefois il fut statué : 1° que l'on pourrait y faire un congrès eucharistique national ; 2° que le comité national français serait incessamment saisi de la question ; 3° que le comité permanent international y apporterait son concours pour le promouvoir, donner tous les renseignements utiles et s'y faire représenter ; et 4° que les indulgences accordées aux congrès eucharistiques internationaux seraient communiquées, selon le droit, au congrès national par le président du comité permanent (2).

Le jour où, pour la première fois, le public apprit le projet de Mgr l'archevêque de Besançon de réunir à Faverney un congrès eucharistique et d'y convier la France entière, il l'accueillit avec un sourire de douce ironie et un sentiment d'inquiétude pour le succès final. Comment, avec les seules ressources locales, du modeste bourg favernéien, abriter des foules pendant cinq jours entiers ? Où trouver de quoi les nourrir ? Par quels secrets magiques pensait-on les occuper, les intéresser, les retenir attentives et satisfaites jusqu'à la dernière minute ? Il n'est pas jusqu'à l'éclat merveilleux du récent congrès de Metz qui ne fit naître dans tous les esprits une comparaison pleine d'angoisses. Combien on serait plus sûr du succès si les séances des trois jours de travail se tenaient à Besançon, grande ville aux sites délicieux, aux monuments remarquables, aux hôtels nombreux, et si les congressistes et les fidèles étaient conviés à Faverney pour une grandiose manifestation le dimanche de clôture ! Ainsi raisonnait la prudence humaine.

Mais le pontife éminent qui gouvernait le diocèse depuis quatorze ans, et dont tous ses collègues en épiscopat se plaisaient à vanter la science théologique, la prudence et l'habileté dans le règlement des affaires, avait raisonné autrement avec la vivacité de sa foi et son ardent amour pour le Cœur de Jésus-Hostie. À Faverney, humble bourgade de la Comté, choisie de préférence entre toutes pour un miracle eucharistique, le plus grand peut-être, en tout cas l'unique en son genre dans tout l'univers ; à Faverney, boulevard providentiel où la foi de nos ancêtres comtois vint se retremper pour arrêter l'hérésie envahissante ; à Faverney, dont la vieille abbaye, relevée merveilleusement de ses ruines matérielles, est peut-être appelée par Dieu à devenir un foyer de régénération spirituelle dans le diocèse, «il convenait de venir sur le lieu même où le miracle fut accompli, afin d'y retrouver là les inspirations dominatrices qui convertirent au Dieu de l'Eucharistie le protestant Vuillard, après trente hésitations vaincues» (3).

Il est de toute évidence que la restauration magnifique de l'ancien monastère bénédictin venait bien à son heure opportune. Pour le visiteur émerveillé il est difficile actuellement de se rendre un compte exact de ce qu'était encore, il y a vingt ans à peine, cet immense bâtiment dégradé à plaisir par ses trente-six co-propriétaires. Le couloir supérieur de 98 mètres avec sa large baie vitrée n'avait plus ni planchers, ni plafonds, ni cloisons, ni portes, ni fenêtres. Dans la cour intérieure, deux côtés du cloître avaient disparu : pilastres et voûtes, logements et toiture de l'étage, voire même le grand escalier de l'entrée, tout avait été démoli. C'était le résultat d'une gageure stupide, tenue par le propriétaire sans-culotte de cette partie de l'abbaye. Quant au troisième côté du cloître qui est adjacent à la sacristie de l'église, et quant au reste du grand bâtiment, ils étaient divisés en plusieurs étages où s'accumulaient des chambrettes, des cloisons et des escaliers. On pénétrait dans cette partie des habitations par une sorte de terrasse surnommée l'asphalte. Tel était le triste état des anciens locaux bénédictins que j'ai encore vus, ainsi que celui du jardin des moines, pareillement divisé en trente-six portions avec murailles et palissades de tous côtés (4).

Déjà en 1863, les zélés religieux de la Société de Marie qui avaient fondé au château de Saint-Remy vers Amance, en juillet 1823, un établissement d'instruction primaire et secondaire, puis en juin 1824 une école normale, et enfin en 1830 une ferme école, avaient voulu acheter les bâtiments de l'abbaye de Faverney dans le but d'y transporter leur collège déjà fort prospère ; mais les nombreux «propriétaires de ces bâtiments, a écrit l'historien Mantelet, leur firent des conditions si exorbitantes que les religieux durent renoncer à leurs projets». Ce simple trait nous aidera à imaginer tous les prodiges d'habileté, toute la ténacité de volonté, et toutes les dépenses que représentent l'acquisition successive, l'agencement progressif, les constructions anciennes démolies, les arceaux du cloître rétablis, et la reconstitution complète de cet immense bâtiment dont la seule façade sur la Lanterne mesure 100 mètres et comprend 81 portes et fenêtres. Et toute cette œuvre gigantesque était accomplie par le travail fécond et la générosité chrétienne de Mme Marie Devoille, veuve de M. François Garret de l'antique et pieuse paroisse de Menoux. Commencée en 1896, la restauration de l'abbaye en sa splendeur primitive était achevée vers février 1908. C'est alors que l'archevêque de Besançon, sachant prêt le local destiné aux séances des congressistes et assuré du concours matériel et de l'hospitalité de bienfaitrices dévouées, annonça à ses diocésains «qu'un Congrès Eucharistique National en l'honneur du miracle de la Sainte-Hostie conservée dans les flammes en 1608», s'ouvrirait à Faverney même le mercredi soir 20 mai prochain et se continuerait les 21, 22, 23 et 24 mai, pour commémorer le trois-centième anniversaire. Il ajoutait : «De nombreux évêques daigneront y assister. Plusieurs y prendront la parole. Le Comité permanent des Congrès nationaux y assistera. Le Comité international et son éminent Président perpétuel, Mgr Heylen évêque de Namur, seront présents. La population de Faverney et les autorités locales que Nous remercions de leurs sympathies, Nous prêteront leur bienveillant concours. Le croisement de plusieurs grandes lignes de chemins de fer et la proximité des villes de Vesoul, Luxeuil et Plombières rendent l'accès, le séjour et les communications faciles. La vieille abbaye sortie de ses ruines, restaurée avec une intelligence, un désintéressement et un zèle que le ciel bénit, ouvrira largement ses portes aux congressistes. Nous sommes persuadé qu'en cette année du troisième centenaire l'affluence sera bien plus considérable qu'au premier congrès de 1878. Nous faisons donc appel à tous les catholiques de Franche-Comté comme à tous les catholiques de France. Des prières qui seront faites, de la ferveur qui se développera, de la foi et du zèle qui se dégageront dans ce rapprochement d'âmes ardentes, de ces solennités exceptionnelles, pieusement célébrées, nous avons le droit d'espérer que nous recueillerons les grâces les plus signalées» (5).

Cet appel si vibrant de foi et de piété de Mgr Fulbert Petit avait été précédé, depuis plus quatre mois, d'une réunion générale à Besançon des membres les plus éminents du clergé, ainsi que des directeurs, présidents et résidentes des différentes œuvres catholiques du diocèse. Dès le 4 octobre 1907, on avait fixé en ses grandes lignes le programme des travaux qui seraient traités à ces assises nationales eucharistiques ; un comité sous la présidence du premier vicaire général M. le chanoine Humbrecht avait été formé afin d'assurer, par le moyen des quatre commissions de propagande, des travaux du congrès, du matériel et des cérémonies religieuses, le succès de cette entreprise quelque peu hardie humainement. La mission de centraliser tous les documents et de transmettre à chacun les notes et les indications utiles, fut confiée au jeune et ardent secrétaire général M. le chanoine Mourot.

On s'était mis à l'œuvre sans retard.

Il avait semblé que ce congrès national tenant ses assises pour commémorer l'un des plus stupéfiants miracles eucharistiques qui aient étonné l'univers, le prodige de 1608 devait donc fixer l'attention des congressistes et faire le principal objet de leurs études. Ainsi sans doute on s'éloignait de la manière ordinaire ; mais en notre siècle où l'on affecte de ne plus croire au miracle ni à l'action divine, il était nécessaire d'établir, au su et vu de tous, croyants ou incroyants, «l'absolue authenticité du fait, son caractère nettement divin, sa féconde et surnaturelle influence sur les populations de la contrée». Ne serait-ce pas souverainement ridicule de convoquer solennellement tous les catholiques de France pour fêter un événement qui ne pourrait être prouvé vraiment miraculeux dans tous ses détails ?

Tandis que les rapporteurs, désignée par Sa Grandeur sur l'avis de la commission des travaux, exhumaient des dépôts d'archives où ils dormaient ignorés, soit la plupart des pièces qui intéressent l'histoire du miracle soit des témoignages contemporains inédits et du plus grand intérêt, un grand courant d'opinion fut lancé par la commission de propagande. D'une part, M. l'abbé Bouquerel, secrétaire à Paris du Comité international des congrès eucharistiques, voulut bien gracieusement utiliser ses nombreuses relations avec la presse religieuse des régions plus éloignées, pendant que, d'autre part, M. le chanoine Lagardère faisait de même à Besançon et dans la région de l'Est. «Bientôt les Semaine religieuses, les revues, les quotidiens de Paris, de Lyon, d'Arras, de Besançon, attirèrent l'attention sur le miracle dont Faverney allait célébrer le tricentenaire, et la plume de leurs rédacteurs vibra d'une saveur évangélique sous l'émotion de ces récits que leur avait révélés le volume des Documents, récemment publié par le secrétariat du congrès à Besançon. Cette œuvre vraiment remarquable était dûe à M. l'abbé Brun, curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey et inspecteur des monuments historiques du Jura, en collaboration de M. le chanoine Joignerey, professeur d'histoire au grand séminaire archiépiscopal.

L'activité féconde du jeune secrétaire qui se signala bien vite «comme la cheville ouvrière du congrès», eut la louable pensée de rééditer et de répandre partout les pages instructives et édifiantes qu'avait jadis publiées Mgr de Ségur, dans une petite brochure sur la Sainte-Hostie de Faverney. Enfin et surtout une image, dessinée par l'artiste bisontin Luc Franceschi et tirée à cent mille exemplaires par la maison Desclée, porta jusque dans les plus humbles demeures l'invitation à prier pour le congrès. Et pour que rien ne fût négligé qui pût en assurer le succès, le R. Père Durand, ancien élève du séminaire de Luxeuil, religieux du Très Saint-Sacrement et membre du Comité permanent des congrès eucharistiques, invita les enfants à prier chaque jour à cette intention, et obtint du Saint-Père une indulgence de sept ans et sept quarantaines pour tous ceux qui prieraient durant cinq minutes devant le Saint-Sacrement.

La bénédiction divine ne tarda pas à s'annoncer abondante, et les demandes de cartes, de logements, de billets de chemins de fer, commencèrent à affluer. Dès le mois de mars, il parut certain que Faverney devait se tenir prêt à loger des milliers de congressistes, et à accueillir des pèlerins, pour la cérémonie de clôture, par dizaines de mille.

Faverney fut prêt. Ce fut l'œuvre surtout du comité local que dirigeait avec une bonté sans égale, une condescendance remarquarble aux idées des autres, le curé-doyen Cramillet. Puissamment appuyé par son maire aux pensées libérales et aux vues nobles et élevées, M. Druais, chef d'escadron en retraite ; bienveillamment aiguillonné et sollicité par le bouillant secrétaire général qui, selon l'expression de M. le chanoine Collin de Metz, «se joue des plus grandes difficultés avec autant d'esprit pratique que d'initiative et de bonne grâce», l'abbé Cramillet se fit tout à tous, s'effaçant le plus possible, approuvant avec son bon cœur tout ce que ses actifs collaborateurs entreprenaient soit pour le triomphe de la Sainte-Hostie soit pour la parure de son église. Durant deux mois, son presbytère fut l'hôtellerie du congrès... : c'était le bon confrère, il ouvrait sa porte avec un si bon sourire ! Les soucis et ils furent nombreux, le va-et-vient perpétuel de tout un essaim de travailleurs, prêtres et laïques enfiévrés, les demandes incessantes pour que rien ne manquât, ne lui enlevèrent ni son calme ni sa gaieté. Sa santé elle-même, habituellement chancelante, se soutint merveilleusement : Dieu assistait visiblement son humble prêtre !

Sous son impulsion donc, des chambres en grand nombre furent préparées et mises gratuitement à la disposition du comité par les habitants de Faverney, de Breurey, de Mersuay, de Fleurey, de Menoux, de Port-sur-Saône et d'Amance. De vastes locaux, appartenant à la municipalité ou à des particuliers, furent aménagés pour offrir les repas aux congressistes, venus nombreux chaque jour du dehors. Des garages spéciaux et couverts furent établis, au centre même de la cité, pour remiser les automobiles, voitures, bicyclettes et tous les véhicules des voyageurs, afin de laisser libre la circulation des rues et des places, en prévision d'une multitude possible.

Les villes de Vesoul, de Luxeuil, de Plombières, de leur côté, répondirent pleinement à l'attente du comité, et leurs vastes hôtels se tinrent prêts à absorber les pèlerins que la région circonvoisine de Faverney serait insuffisante à contenir. En même temps, les Compagnies des chemins de fer de l'Est, du Nord, de l'Orléans, de l'Ouest et de P. L. M. [Paris à Lyon et la Méditerranée], après avoir pris l'avis gouvernemental qu'un instant on put craindre n'être pas favorable, cédèrent à une intervention bienveillante en faveur des insistances de l'inlassable secrétaire général et accordèrent toutes les faveurs désirées : réduction de 50% sur tous les parcours, trains supplémentaires quotidiens dits trains de couchage, et trains spéciaux partant des points les plus éloignés de la Franche-Comté, de la Champagne et de la Lorraine.

Cependant le moment de l'ouverture du congrès approchait. La coquette petite ville de Faverney mettait la dernière main à la parure de fête qu'elle était fière de revêtir en l'honneur de Jésus-Hostie : on dirait l'activité d'une ruche bourdonnante. Partout des drapeaux agitent triomphalement leurs couleurs ; la mairie est pavoisée comme aux plus grands jours ; des guirlandes de mousse ou de papier multicolore décorent les façades des habitations. Sur le seuil des maisons, les habitants piquent des fleurs dans les motifs décoratifs : ce sont des calices, des ciboires surmontés de l'Hostie, des ostensoirs intacts au milieu des flammes. Et dans toutes les rues c'est le même entrain : rue Pascal, rue Bossuet, rue Arago. On dirait que ces grands hommes qui ont été aussi de grands chrétiens, tiennent à incliner leurs noms illustres devant le Dieu de l'Eucharistie.

L'église surtout est le triomphe de l'habileté artistique de M. l'abbé Mougeot, ancien voisin à Breurey-lès-Faverney et curé-doyen d'Ornans. Sur la sombre façade du porche extérieur deux anges gigantesques se détachent qui soutiennent cette devise : «Thronus ejus flammæ ignis — Son trône était comme des flammes ardentes». À l'intérieur du temple, le long des bas-côtés, à hauteur d'appui, court une grande draperie où alternent des ostensoirs triomphants et des chérubins aux ailes déployées. Dans la grande nef, en haut des colonnes, une large draperie de velours rouge aux franges d'or dessine les arcades romanes qu'encadrent des palmes vertes venues de Monaco. Là, au-dessus des douze piliers, sont suspendues en trophées trinaires de gracieuses bannières rouges et blanches, portant en lettres dorées les noms des paroisses comtoises d'Arc-et-Senans, Arc-lès-Gray et Autrey-lès-Gray, de Baulay et Beaucourt, de Clerval, Dampierre-sur-Salon et Delle, de Faucogney et Fontaine-lès-Luxeuil, de Giromagny et Gy, d'Héricourt, de l'Isle-sur-le-Doubs, de Jussey, de Morteau, d'Ornans et de la Visitation d'Ornans, de Pesmes et Poligny, de Quingey, de Salins, Saint-Amour, Saint-Loup-sur-Sémouse, Scey-en-Varais et Scey-sur-Saône, et enfin de Vercel.

Vers l'entrée du chœur, sous le milieu de l'arc triomphal du transept, voici le magnifique étendard de Dole, la ville-sœur par sa dévotion à la seconde Sainte-Hostie : c'est bien la place d'honneur qui lui revient de droit. Du reste, la générosité de la vieille capitale de notre Comté n'a pas dégénéré. L'architecte des Beaux-Arts ayant tenu, en raison du congrès, à restaurer dans son style sévère et primitif le monumental ex-voto de 1622, en enlevant le fronton demi-rond qui portait les armes et la devise de Dole ; et M. le chanoine Guichard, le zélé curé dolois, a pris au nom de sa paroisse l'initiative de faire redorer les 500 mots qui composent ce témoignage «de l'obligation qu'a la ville de Dole d'avoir reçu un si digne, si riche et si précieux trésor» (6).

Dans le chœur même, sur chacune des colonnettes du presbytéral et de l'abside, se détache une riche oriflamme en velours rouge bordé d'hermine. C'est Faverney et Besançon, Versoul et Gray, Baume-les-Dames et Pontarlier, Lure et Luxeuil, Montbéliard et Belfort. Idée touchante ! tous les arrondissements du vaste archidiocèse bisontin ont tenu à parer le sanctuaire du Miracle.

Dans le chœur absidial on voit un splendide autel en chêne teinté et ciré : il est de pur style gothique du XVIe siècle et a été offert généreusement pour le congrès. De chaque côté se dressent deux grands candélabres avec piédestaux en bronze doré qui font l'admiration de tous. Dessinés et placés par les Beaux-Arts sur la demande de l'humble bienfaitrice de l'église, ils complètent l'ornementation du maître-autel. Sur le pourtour du presbytéral sont édifiés les trônes des archevêques et évêques qui doivent assister aux fêtes tricentenaires.

À l'entrée même du chœur, du côté de l'évangile, au lieu précis et historique du grand miracle eucharistique, se dresse un petit autel surmonté d'un baldaquin où des merveilles de broderies et de dentelles de l'époque ont été réalisées pour le reconstituer aussi richement et aussi véridiquement que possible (7).

Cette reproduction, exécutée d'après les descriptions intéressantes et détaillées des témoins de l'enquête juridique, aurait gagné à être un peu plus grande, si le souci de cacher le moins possible les trônes des évêques et les cérémonies du chœur n'eut pas visiblement gêné son auteur. On aurait souhaité que ce gracieux reposoir en forme d'alcôve fût aussi adossé à un fragment de la grande grille, comme celui qui fut incendié dans la nuit du 25 au 26 mai 1608. Ainsi aurait apparu une plus réelle vision du lieu miraculeux, d'autant plus que le petit tabernacle, ouvert comme il y a trois siècles et reconstitué d'après les données historiques par les bénédictines (8) de Notre-Dame d'Incalcat (Tarn), contenait un nouveau reliquaire-ostensoir qui était la parfaite reproduction de celui de 1608. Cette merveille d'orfèvrerie avait été exécutée par l'orfèvre Falize et était le résultat des démarches fructueuses du zélé secrétaire-général (9).

Dans l'abbaye qui a vraiment grand air avec sa façade merveilleuse, avec ses vastes fenêtres, avec sa cour d'honneur, se concentre la vie directrice du congrès qui va s'ouvrir. Les élèves du grand séminaire de Besançon sont chargés de la police intérieure. Dans l'enceinte de l'ancien cloître reconstitué en grande partie, sous un immense velum, sont installés l'estrade et les bancs où des milliers de congressistes pourront s'asseoir à l'aise et assister, chaque matin, aux réunions publiques d'études sur le miracle, et, à trois heures après-midi, aux séances plénières solennelles. L'ancien réfectoire des moines bénédictins, avec ses voûtes et ses colonnes retrouvées, est réservé aux réunions de l'après-dîner pour la section sacerdotale, la section des dames et la section des œuvres de jeunesse. Cette vaste salle porte le vocable de Sainte Gude, la fondatrice de l'abbaye. Dans les anciens locaux de la bibliothèque monacale, au-dessus du perron à double rampe de la cour d'honneur, sont établis les services du secrétariat et une recette auxiliaire des postes, avec téléphones et appareils télégraphiques à transmission rapide. Dix journaux de Paris, en effet, ont envoyé des rédacteurs : L'Univers, la Croix, le Peuple français, l'Eclair, la Libre parole, le Soleil, le Gaulois, la Gazette de France et le Figaro. Toute la presse régionale, même celle qui est antireligieuse, a des représentants, tant est grand l'intérêt qui s'attache aux questions du fait miraculeux inscrites au programme.

Enfin le mercredi soir 20 mai a lieu l'ouverture solennelle du congrès eucharistique national. Toute la journée a été ensoleillée, bien que la chaleur soit un peu lourde. On espère cependant que le soleil durera. Le R. Père Durand religieux du Saint-Sacrement, le Père Deo Gratias comme il aime à s'appeler, n'a-t-il pas fait demander instamment le beau temps par les petits enfants ? Ces prières seront sans doute exaucées.

Cinq heures sonnent : très harmonieuse sonnerie d'une horloge neuve sur trois carillons d'Orléans. C'est un don de la bienfaitrice de l'église. À ce moment, le curé-doyen en costume de chœur place sur le marbre, dans le tabernacle ouvert du petit reposoir, la Sainte-Hostie de 1608, à l'endroit précis où il y a trois cents ans, presque jour pour jour, heure pour heure, Dom Sarron «prieur, accompagné de tous les religieux, avait transporté solennellement en procession, depuis le grand autel, après les Vêpres de quatre heures, le reliquaire-monstrance contenant les deux hosties». Jésus était chez lui, les adorateurs pouvaient venir. Aussi à cinq heures un quart, les cloches se mettent à sonner au branle, et le cortège épiscopal se déroule solennel. Deux longues files de prêtres en surplis, les chanoines, Mgr Outhenin-Chalandre ancien superieur de la Mission, les TT. RR. Pères abbés Dom Romain de Saint-Benoît de Dourgne (Tarn) et Dom Augustin Dupic de la Trappe de la Grâce-Dieu (Doubs), Mgr Monnier évêque de Troyes, Mgr Dubois évêque de Verdun, Mgr Delamaire coadjuteur de Cambrai et Mgr Dubillard archevêque de Chambéry précédaient Mgr l'archevêque de Besançon dont la dignité majestueuse et la physionomie rayonnante de joie frappèrent la foule déjà immense des congressistes.

Après le chant du Veni Creator, exécuté dans un style éminemment religieux par le grand séminaire, le chanoine Tanvier, l'éminent orateur des Carêmes de Notre-Dame de Paris, monte en chaire. Dès les premiers mots, la foule pressée qui remplissait l'église débarrassée de ses bancs et qui, débordant jusque le parvis, était assez peu silencieuse, se tait comme par enchantement. Bientôt dominée par les puissants accents de l'ancien prieur dominicain, silencieuse, haletante d'émotion, cette masse d'auditeurs entend proclamer les gestes de Dieu chez les Francs, et, parmi ces grâces de choix, la confusion de l'hérésie et spécialement de l'hérésie la plus subtile, la plus séduisante qui s'appelle chez nous le protestantisme de Calvin et qui a pour fille dernière le modernisme actuel. Or le miracle de Faverney a puissamment contribué à l'échec de cette hérésie fallacieuse qui prit autrefois le nom le Réforme. Après ce discours magistral qui, sans la sainteté du lieu, eut été couvert d'applaudissements, il apparut nettement que le brillant succès du congrès était assuré. Les jours suivants ne firent qu'y ajouter encore.

Dès trois heures du matin le jeudi, l'église s'est rouverte. Quatorze autels, disposés çà et là, sont à la disposition des prêtres pèlerins, tandis que l'autel de la Sainte-Chapelle, celui du petit reposoir, le maître-autel et l'autel de Notre-Dame la Blanche sont réservés à Nos Seigneurs les évêques et aux hauts dignitaires congressistes. À partir de cinq heures, les fidèles affluent dans le sanctuaire du Miracle et demandent à recevoir la Sainte-Eucharistie. C'est d'un bon augure pour le mouvement de piété eucharistique qui va se dessiner nettement à la messe de communion que célèbre à six heures et demie Mgr Dubois évêque suffragant de Verdun. Le lendemain vendredi, Mgr Dubillard archevêque comtois de Chambéry, et samedi Mgr du Curel eveque de Monaco auront la joie bien douce de constater à leurs messes une affluence de plus en plus considérable à la table sainte.

Chacun de ces trois jours, à huit heures, fut chantée la grand' messe du congrès dans une église littéralement comble par Mgr Delamaire coadjuteur de Cambrai, Mgr Monnier évêque jurassien de Troyes et Mgr Maillet évêque de Saint-Claude. C'est à cet office pontifical que le chœur des chanteurs se distingua sous l'habile direction d'un enfant de Faverney, M. l'abbé Louis Guyot, dont le beau talent musical est hors concours. Là aussi, tandis que dans le transept les élèves du grand séminaire font entendre avec sûreté et goût les belles mélodies grégoriennes que soutient avec talent M. l'abbé Brune, curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey, au grand orgue M. le chanoine Brune accompagne avec sa délicatesse et son brio bien connu le chœur des dames, des jeune filles et des artistes étrangers.

Après la messe, les congressistes s'engouffrent dans la salle du congrès qui se compose d'une toile immense soutenue par des poteaux décorés d'oriflammes et étendue au-dessus de l'enceinte spacieuse des cloîtres en reconstruction. Dès le jeudi matin à neuf heures, ils sont là plus de deux mille, parmi lesquels un très grand nombre de prêtres. À neuf heures dix minutes, Mgr l'archevêque Fulbert Petit ouvre la séance. À ses côtés, sur la vaste estrade adossée au mur voisin de l'église, ont pris place leurs Grandeurs NN. SS. Dubillard, Delamaire, Dubois et Monnier, ainsi que les Révérendissimes Pères Dom Romain, abbé de Saint-Benoît de Dourgne et Dom Augustin Dupic, abbé de la Grâce-Dieu. Demain à la seconde séance, NN. SS. les évêques de Saint-Claude et de Monaco, et samedi à la troisième séance, NN. SS. Altmayer archevêque dominicain de Sinnade, Turinaz évêque suffragant de Nancy, Foucault évêque suffragant de Saint-Dié, Sevin évêque de Châlons-sur-Marne, et Cardot évêque franc-comtois de Limyre et vicaire apostolique en Birmanie méridionale, ainsi que le Révérendissime Père Dom Gréa, supérieur des chanoines Réguliers de Saint-Augustin à Saint-Claude-du-Jura, formeront une couronne magnifique de pontifes autour de Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Besançon qui préside. Malgré ses soixante-seize ans il a très noble allure, et sa barbe donne à son visage intelligent l'air d'un patriarche. Sans tenir compte de sa santé si délicate, l'éminent prélat préside et présidera toutes les séances de travail, de la matinée, toutes les réunions générales de l'après-midi, tous les offices pontificaux et toutes les assemblées importantes pendant les cinq jours du congrès. Et Dieu sait avec quelle rare distinction de parole, quel parfait à-propos, quelle charmante courtoisie et quelle majestueuse dignité ! Tous les congressistes étrangers en étaient ravis, et tous les Comtois en étaient grandement fiers.

Cette présidence effective et fort remarquée ne subit d'exception que pour les premières heures de l'après-dîner qui étaient consacrées aux études spéciales du zèle le plus opportun à l'heure présente. C'est en premier lieu la section sacerdotale qui, sous la direction de M. le chanoine Marchand, le curé-ascète de Saint-François-Xavier à Besançon, recherche les moyens les plus propres à développer les vocations de séminaristes, — favoriser l'assistance quotidienne à la messe, — faire aimer et comprendre aux paroissiens la beauté du chant liturgique, — amener les fidèles à la communion fréquente et quotidienne, — déterminer les causes de la diminution du devoir pascal, — et enfin établir les congrès eucharistiques, cantonaux et diocésains. C'est en second lieu, la section des dames où va être étudié le rôle de la femme chrétienne pour augmenter le culte de la Sainte Eucharistie. Là, M. le vicaire général Hurlet s'ingénie, avec tour son talent d'habile praticien, à convaincre son auditoire d'élite que la femme vraiment chrétienne d'abord doit se dévouer à la tenue et à la décoration de l'église et des autels, — à l'entretien du linge et des ornements, — et à la propagande effective du denier du clergé ; ensuite qu'elle doit comme mère chercher dans la communion fréquente la force d'accomplir tous ses devoirs d'éducatrice ; enfin qu'elle doit s'intéresser activement à l'œuvre des catéchistes volontaires. C'est en troisième lieu la section de jeunesse où le doyen du chapitre et curé de l'église métropolitaine de Saint-Jean, M. le chanoine Perrin engagea, avec son éloquence habituelle et une ardeur toute juvénile, les nombreux membres de l'association de la Jeunesse catholique française à se grouper pour les œuvres d'apostolat laïque ou militaire, pour les œuvres de presse comme pour les cercles d'études et à devenir ainsi les auxiliaires du clergé par la Sainte Eucharistie, vrai foyer de charité, d'apostolat et d'œuvres sociales (10).

Toutefois l'intérêt primordial et palpitant des réunions du congrès se manifesta dès le jeudi matin. Il était visible que la foule des congressistes, laïques, prêtres et pontifes, journalistes cléricaux, neutres et anticléricaux, tous attendaient anxieusement la lecture des rapports annoncés au programme : 1° le fait du miracle ; 2° l'étude critique des documents et du fait miraculeux ; et 3° l'influence du fait miraculeux dûment constaté. Aussi, lors de l'ouverture de la séance à neuf heures dix minutes, la cour intérieure du cloître, transformée en magnifique hall, est comble ; tous les bancs du parterre sont garnis et déjà les couloirs se couvrent de rideaux humains. Après la prière récitée par toute l'assemblée debout, après le souhait de bienvenue à tous dans un discours ému et éloquent, le président Mgr Petit s'écrie : «Saluons Dieu d'abord qui par ses miracles manifeste sa présence ; saluons Notre Seigneur Jésus-Christ qui nous donna jadis ici une preuve de son amour ; saluons ensuite le vicaire du Christ, l'immortel Pie X qui a déjà mérité dans l'histoire le nom de Pape de Eucharistie et auquel notre première préoccupation doit être de lui adresser par dépêche l'hommage de notre religieuse vénération, puis l'affirmation renouvelée de notre union à la chaire indéfectible de Pierre, de notre dévouement à la personne sacrée du Pontife suprême et notre adhésion d'esprit et de cœur à toutes ses décisions et directions».

Aux acclamations de l'auditoire est adopté le texte de la dépêche au cardinal secrétaire Merry del Val, et Mgr l'archevêque termine son discours en saluant et remerciant Nos Seigneurs les Évêques, en saluant la cité hospitalière de Faverney, en saluant et félicitant les généreuses bienfaitrices du congrès et les organisateurs infatigables des belles fêtes qui déjà ont commencé, enfin en saluant «la France dont il ne faut jamais désespérer et qui nous permet de nous réunir librement pour chanter l'hymne de nos adorations !»

Puis Mgr Fulbert Petit donne la parole à M. Jean Guiraud, professeur d'Histoire à la Faculté des Lettres de Besançon et directeur de la Revue des Questions historiques. L'éminent rapporteur dont l'autorité incontestée et la compétence indiscutable font foi, présente le milieu dans lequel s'est produit ce miracle dont nous fêtons le troisième centenaire, miracle qui se distingue «de tous les autres par une véritable originalité». Aux exigences souvent sans limites de la critique moderne il offre le faisceau de toutes les preuves possibles : il ne se perd point dans la nuit du passé; il n'a pas été vu d'un petit nombre ; il n'a pas eu la durée fugitive et presque inappréciable d'un éclair ; il n'a pas été entouré d'obscurité et de mystère ; il ne se prête aucune explication plausible et naturelle. S'étant prolongé pendant trente-trois heures consécutives, il a été l'objet pendant cet intervalle des constatations les plus complètes et les plus variées comme des précautions les plus minutieuses pour éviter toute chance de supercherie ou toute cause d'erreur. Ce fait miraculeux qui, à cause des circonstances dans lesquelles il s'est produit, en implique plusieurs autres, est un miracle à part. Et, en sa qualité de fin polémiste qui connaît bien son époque et les pensées cachées de ses contemporains, M. Guiraud dévoile alors la vie des six bénédictins profès, avant, pendant et après le miracle ; et cette révélation qui stupéfie et scandalise tout d'abord l'assemblée, a pour but loyal de prouver que ce prodige vraiment extraordinaire de 1608 «n'avait nullement été préparé par eux et qu'on ne pouvait l'attribuer aux excès d'un mysticisme bien inconnu» dans cette abbaye, depuis longtemps et pour longtemps encore dégénérée.

Une fois établi l'impossibilité tant morale que matérielle de la suggestion du miracle par la triste peinture de la décadence monastique et séculaire des bénédictins de Faverney, il s'agissait de faire le récit du miracle proprement dit. Cet exposé, très simple et nécessairement fort abrégé, fut présenté par M. le chanoine Panier, vicaire général honoraire. En maître expert dans l'art d'écrire, il sut le composer «tout entier avec les extraits les plus significatifs des procès-verbaux ou des dépositions», et, par la netteté des documents contemporains, il réussit admirablement à le reproduire devant la pensée de ses auditeurs avec une lucidité qui allait jusqu'à l'évidence de la vérité.

Puis donc que le miracle s'est produit, où et en quel lieu exact de l'église s'est-il accompli ? Car «par un effet du temps qui fait oublier tout» et j'ajouterai aussi par une insouciance inexplicable, «personne même à Faverney, depuis plus de trente ans, ne peut indiquer avec certitude le lieu précis du reposoir de 1608 et partant l'endroit du miracle». Grâce à l'impulsion éclairée et à la protection d'outre-tombe de mon maître regretté, M. Jules Gauthier, «l'éminent archiviste défunt de Besançon», cette question historico-religieuse, si importante pour notre congrès national eucharistique, put être scientifiquement et matériellement solutionnée par l'auteur de ce livre. L'humble reposoir, édifié en forme de chapelle au côté de l'évangile, à mi-distance du pilastre et de la porte d'entrée du chœur, détermine l'emplacement historique. Or, malgré «la méthode d'une précision extraordinaire» du rapporteur, a écrit M. A. Brintet, chanoine d'Autun et membre du Comité permanent des congrès eucharistiques, il est resté alors un léger doute que provoqua la remarque d'un éminent congressiste sur l'emplacement de la grande grille ; il est donc bon aujourd'hui de préciser ce qu'on ne fit pas assez ressortir au moment de la discussion. C'est que 1° — dans les abbayes bénédictines, bâties en Franche-Comté d'après le style bourguignon, le savant Viollet-le-Duc indique que la grande grille séparait le presbitéral d'avec le chœur des formes établi dans le transept, tandis que dans les abbayes cisterciennes la grande grille était placée à l'extrémité du transept et enfermait le presbitéral et le chœur des formes. C'est que 2° — la preuve matérielle, indéniable, précise de l'emplacement de la grille, cette preuve palpable que tout le monde réclamait et qui jusqu'alors avait échappé à toutes les recherches, fut enfin découverte providentiellement le vendredi 28 juin 1912 par M. le chanoine Mourot : ce sont les entailles creusées dans le milieu des deux pilastres de pierre à l'entrée du sanctuaire actuel vers la table de communion, et qui consistent, celle de l'épître, en un trou de scellement, et l'autre, au côté de l'évangile, en une longue encoche pour enclaver et sceller la poutrelle supérieure de la grande grille en fer (11).

Et maintenant qu'il est bien avéré qu'un miracle réel, non suggestionné, clairement reproduit, a eu lieu en tel endroit précis de l'église abbatiale, l'enquête juridique s'imposait dans le double intérêt et de la vérité et de la religion ; elle s'imposait de suite, «pendant que le fait estoit encore récent, et avant que la presomption humaine le vint à deguiser, ou supposer en son lieu une chose pour une autre» ; elle s'imposait quant à la matérialité de l'incendie du reposoir, quant à la conservation des Saintes-Hosties entourées littéralement par les flammes de cet incendie, quant à la suspension et l'inclinaison et l'immobilité de l'ostensoir d'une façon permanente durant trente-trois heures, et enfin quant à la cessation de cette suspension par la descente spontanée, lente, droite et correspondante au même moment que l'abbé Aubry, curé de Menoux, «rabaisse le très sacré Corps de Dieu sur le maître-autel» où il disait la messe. Ces quatre points principaux, le rapporteur M. le chanoine Joignerey, professeur d'histoire au grand séminaire, les étudie avec la science et la précision qu'on lui connaît ; et, au moyen des vingt et un documents historiques et contemporains, au moyen des cent sept témoins appartenant à tous les degrés de l'échelle sociale, il «établit la réalité de leur constatation sur une base tellement solide que la critique la plus sévère est obligée de reconnaître que peu de faits en histoire se présentent à la créance publique avec de pareilles garanties».

Cette longue et intéressante séance du jeudi matin se clôtura par une courte communication, non inscrite au programme primitif et qui plut vivement aux congressistes. Un prêtre enfant de Menoux, M. l'abbé Jean-Marie Munier, curé de Ternuay, s'appuyant sur les traditions locales et les souvenirs des anciens du pays, retraça la physionomie de l'abbé Aubry, de cet humble curé de campagne, disgracié des dons de la nature, mais riche des dons de Dieu qui lui accorda «la faveur insigne de faire descendre l'ostensoir miraculeux» sur le corporal du petit reposoir, tandis qu'il accomplissait le rite de la première élévation de sa messe basse au maître-autel.

Le lendemain vendredi, le soleil se lève splendide et les trains de couchage versent dans la cité des flots de congressistes. Aussi, bien avant neuf heures, la salle des séances est bondée. L'assistance a visiblement augmenté, les couloirs sont garnis, et l'assemblée un peu houleuse commente les rapports de la veille ; surtout les congressistes prêtres se demandent si vraiment l'enquête, faite en 1608 par Mgr de Rye archevêque de Besançon, pourra sortir indemne des règles sévères de la critique actuelle. Enfin neuf heures sonnent au carillon harmonieux de l'église ; aussitôt le silence se fait comme par enchantement tant on est désireux d'entendre les rapporteurs, et Mgr Petit ouvre la séance par la communication de la dépêche du cardinal Merry del Val apportant la bénédiction du Souverain Pontife Pie X. Il rappelle ensuite qu'on indult de Rome supprime pour cette semaine l'abstinence du vendredi à Faverney et accorde à tous les prêtres du diocèse de Besançon le pouvoir de confesser ici les congressistes.

Puis il donne la parole à M. l'abbé P. Brune, curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey et inspecteur des monuments historiques du Jura. Avec une compétence que tout le monde admire, le savant archiviste déclare que, «le miracle des saintes Hosties de Faverney se présentant à nous tout d'abord comme un fait historique, il doit être soumis, comme tous les faits qui sont la matière de l'Histoire, aux règles de la critique historique, laquelle repose principalement sur l'examen des témoignages. Or, le miracle de Faverney a-t-il laissé des témoignages, et ceux-ci peuvent-ils être prouvés authentiques et sincères ? Telle est la question fondamentale dont la solution s'impose avant toute autre». Et alors le mandement de Mgr de Rye, premier document qui, par le fait de sa publicité immédiate, échappe à toute discussion ; puis le procès-verbal manuscrit de l'Arsenal et celui de Faverney qui lui est postérieur et absolument indépendant, et dont le parfait accord de ces deux versions «nous donne la preuve absolue d'une reproduction fidèle et sincère de la minute originale de l'enquête, disparue en 1793» dans le pillage de l'archevêché de Besançon ; ensuite l'identification historique de tous les principaux témoins interrogés ; enfin la lettre du président des notables à Besançon, comme les déclarations du Parlement, du Conseil et du chapitre de Dole, aussi bien que le procès-verbal de l'archevêque de Corinthe : tous ces témoignages aussi probants que multipliés sont examinés d'une facon péremptoire par le rapporteur qui, en homme du métier, conclut, à la satisfaction de tous les auditeurs, que «l'existence de l'enquête officielle du miracle et l'authenticité absolue des manuscrits» la relatant, ne peuvent être prouvées d'une manière plus évidente et plus manifeste.

L'existence du fait historique de Faverney étant ainsi reconnue scientifiquement, il s'agissait d'établir un point assez généralement mis en doute et que bien des fois déjà, dans ma vie sacerdotale, j'avais entendu critiquer. L'enquête archiépiscopale sur le prodige de Faverney a-t-elle été faite selon les règles du droit canonique ? La procédure suivie offre-t-elle les garanties nécessaires pour une information sûre et prudente ? En d'autres termes, les commissaires enquêteurs ont-ils été à la hauteur de leur tâche pour éloigner tout soupçon de supercherie ? Le rapporteur qui est licencié en droit canon, M. l'abbé Mauvais curé de Jougne, n'eut pas de peine à démolir tous les préjugés de son auditoire très attentif. Examinant la valeur de l'enquête de Mgr Ferdinand de Rye d'après le droit d'alors et d'après le droit actuel, il expose 1° avec une grande netteté l'interprétation que la jurisprudence donne du décret du Concile de Trente au sujet des miracles, produits par l'intervention ou de personnes ou de choses saintes déjà honorées d'un culte public dans l'Église. Pour ceux-là seuls, le droit laisse toute autorité et toute responsabilité à l'évêque du lieu. Envisageant 2° l'observation des règles du droit dans la marche de la procédure, il montre que, selon le droit strict et tel qu'il est encore actuellement en vigueur, «l'évêque doit s'informer de la vérité des faits, mais on ne lui fixe aucune procédure particulière à suivre ; il doit prendre l'avis d'hommes, compétents en théologie et en piété et réunis en conseil ; mais sans être obligé de suivre leurs décisions, il fera ensuite ce qu'il jugera conforme à la vérité et à la piété». Ainsi, selon l'unique règle tracée par le Concile de Trente, Mgr de Rye n'était nullement tenu de faire un procès à formes aussi solennelles que celui dont les documents existent encore. 3° Quant au procès solennel qui eut lieu sans être toutefois prescrit ni nécessaire, le rapporteur insiste avec raison sur l'omission de l'archevêque de Besançon «qui n'a pas prévenu Sa Sainteté par lettre ni envoyé de copie à la Sacrée Congrégation des Rites», mais qui se contenta de charger, au mois de septembre 1608, le nonce apostolique près la Cour de Bruxelles de faire parvenir à Rome la nouvelle officielle du «très grand miracle du Sainct Sacrement arrivé en Bourgogne pendant les dernières festes de Penthecoste». Cette omission était le grand grief que j'avais toujours entendu reprocher, depuis ma jeunesse cléricale, à l'enquête archiépiscopale. Or, d'un mot le docte rapporteur annule cette objection : «En 1608 cette obligation n'existait pas». La règle pour l'évêque diocésain d'avoir à informer par lettre Sa Sainteté du procès solennel qui a eu lieu et d'envoyer une copie authentique du dossier à la Sacrée Congrégation des Rites, n'a été édictée qu'en 1631 par le pape Urbain VIII. Comme conclusion de cette solide étude juridique, l'abbé Mauvais affirme donc «qu'étant donnée l'authenticité des documents du procès de l'Ordinaire, les faits signalés dans l'enquête doivent être tenus pour vrais et juridiquement prouvés».

Mais voici le nœud gordien de toutes ces richesses d'intelligence et de science, de ces longues et scrupuleuses recherches, de ces efforts puissants de la pensée que cette humble Hostie a suscitées depuis des mois et des mois en Franche-Comté afin de faire éclater aujourd'hui même, par des preuves certaines, par des documents vécus, par des témoignages incontestables, la force du miracle de Faverney en face de la science contemporaine. Oui, bien que le fait historique de 1608 soit reconnu scientifiquement, bien que les faits signalés dans l'enquête doivent être tenus pour vrais et juridiquement prouvés, ce fait est-il miraculeux ? Et avant tout qu'est-ce un miracle ? C'est, dit le fin rapporteur M. l'abbé Tuaillon, professeur de dogme au grand séminaire de Besançon, «la chose du monde la plus embarrassante, la plus inconcevable pour l'incrédulité, et c'est aussi la chose la plus simple aux yeux du chrétien qui croit à la divinité de Jésus et à l'amour de Dieu pour les âmes». Comme fait, le miracle est un fait comme les autres ; si extraordinaire soit-il, il est observable. Mais l'incrédulité de nos jours prétend qu'il est indiscernable. Pourquoi ? Parce qu'il est le résultat d'une force secrète, «d'une des nombreuses forces inconnues de la nature». Qu'il y ait eu une force secrète pour retirer, et préserver des flammes, et maintenir en air libre, contre une grille aux barreaux de fer branlants et rougis à blanc par le feu d'un incendie, un ostensoir pesant, penché, immobile, sans support, sans soutien d'aucune sorte, sans contact utile, pendant trente trois heures, au vu et su de milliers et de milliers d'observateurs curieux et minutieux, c'est indéniable. Mais si cette force secrète est reconnue immatérielle, libre, intelligente, attentive, religieuse, dévote, alors il faut aussi reconnaître que nous sommes en face d'une force divine, et non «du rôle d'un artiste ou d'un prestidigitateur humain ou de l'intervention d'un démon caché» ; et M. le directeur Tuaillon termine par cette phrase l'emporte-pièce : «Notre miracle de 1608 à Faverney est irrécusable ; donc il est une garantie irrécusable de nos miracles évangéliques ; donc c'est une arme de haute précision, une armé à la moderne contre l'incrédulité contemporaine».

À peine le rapporteur s'est-il tu, que toute l'immense assemblée éclate en d'unanimes applaudissements. On sent visiblement que tous les congressistes, prêtres et laïques, éprouvent une joie inénarrable de voir enfin établir une bonne fois, péremptoirement et publiquement, et la véracité et l'àuthenticité de «notre miracle», selon l'expression des habitants de la Comté. Aussi je comprends le vœu qui s'échappa alors de l'âme ardente du franc-comtois Mgr Monnier, quand il exprima le désir de voir étendre à toute l'Église l'office du Miracle de Faverney. Dès que fut un peu calmée l'émotion produite par ce rapport si lumineux et si convaincant, la parole fut donnée à M. l'abbé Maurice Perrod, aumônier du lycée de Lons-le-Saunier. Ce n'était pas chose facile que de se faire écouter par l'auditoire, et il ne fallut rien moins que l'autorité compétente et la savante réptutation du rapporteur, jointes au tour poétique et gracieux de sa parole, pour développer la force probante et manifeste du Miracle de 1608 contre toutes les erreurs du protestantisme, à savoir : «Présence réelle, messe, culte des reliques, pouvoir des indulgences, respect dû au Souverain Pontife, légitimation des ordres religieux et vénération due à la Sainte Vierge». Ce fut sur cette «belle et docte leçon que la sapience éternelle», selon l'expression du président Boyvin, «faisoit à ces ignorans protestants par les onze miracles lesquels se sont faits en même temps à l'endroit des deux sainctes hosties conservées entières au milieu du feu», que se termina ce savant rapport et que fut levée la séance du vendredi matin.

Désormais la cause est gagnée : «le congrès porte son vrai fruit qui consiste, a écrit le chanoine Brintet, à transformer en action vivante la force de l'idée fécondée par la science de la théologie et de l'histoire». Déjà la veille, à une heure et demie après-midi, la bénédiction des enfants, accourus au nombre de plus d'un millier d'Amance, Amoncourt, Breurey, Conflandey, Echenoz, Faverney, Fleurey, Fontaine-lès-Luxeuil, Fougerolles, Luxeuil, Menoux, Mersuay, Port d'Atelier, Port-sur-Saône, Purgerot, Saint-Loup, avait été fort touchante. Sous la présidence paternelle de Mgr l'évêque de Troyes, le R. Père Durand des Pères du Saint-Sacrement de Belgique, dans le langage imagé qui lui est si spécial et qui touche si bien le cœur de ceux auxquels il s'adresse, avait enflammé son petit monde ; et durant une longue procession à la Vierge de la place Vauban, très joliment entourée d'oriflammes, les chants d'innocence et d'amour avaient monté ardents et purs vers le Ciel.

Mais à partir de la séance du vendredi matin, un élan de foi vive et de piété eucharistique se manifesta d'un façon irrésistible. À tout instant de la journée, quiconque pénètre dans l'église est immédiatement frappé d'un spectacle saisissant. À droite de l'entrée du chœur, sous le dais orné des plus précieuses dentelles en imitation du reposoir de 1608 repose l'Hostie miraculeuse. Deux cierges de cire jaune, enluminés à l'antique, brûlent chaque côté du petit tabernacle sur des chandeliers de cuivre. Plus bas sur la table, deux chandeliers d'etain supportent d'antiques lampes de verre aux mèches fumantes plongées dans l'huile. Au bas du petit tabernacle en soie, au milieu de l'autel est placé un cadre-reliquaire en bronze doré dont la glace laisse voir l'extérieur du corporal sur lequel l'ostensoir miraculeux descendit le 27 mai : c'est la précieuse relique de l'église Notre-Dame à Besançon. Là, contemplant la Sainte-Hostie qui, enfermée dans sa lunule, semble réduite en poussière roussâtre, sont agenouillés sur les dalles des groupes de dévots pèlerins, venus peut-être des lointains coteaux du Jura ou du Doubs ; ils prient, vénèrent les saintes reliques et se succèdent en silence ; et cette succession de prêtres âgés, de laïques, de femmes, de jeunes gens, ne fera que grandir durant la journée du samedi (12).

Cette foi et cette piété de toute la foule des congressistes de plus en plus nombreux, cette conviction inébranlable en la véracité du Miracle de Faverney, devaient dès lors susciter la rage de l'enfer. Impuissant à provoquer des obstacles politiques, le démon chercha sa revanche dans les contre-temps et les éléments. Durant l'après-midi du vendredi, le ciel qui depuis plusieurs jours avait été resplendissant de soleil, s'assombrit ; sur le soir, l'horizon se rougit de fulgurants éclairs et bientôt le grondement d'un tonnerre lointain indiqua que l'atmosphère était profondément ébranlée. La nuit fut pluvieuse, et le samedi au matin, une pluie fine, froide, agaçante, désastreuse, remplaça l'ardeur du soleil. Quel changement brusque de température ! Le thermomètre qui, avant-hier, marquait 28° l'ombre, est descendu à 5° ou 6°, au plus. Est-ce que demain il pleuvrait ? Toutefois les congressistes, bien qu'un peu déconfits et légèrement de mauvaise humeur, se dirigent vers la salle du congrès. Une première surprise les attend. La grande toile qui couvrait la cour du cloître, étant ouverte au Nord, la pluie s'y trouve comme chez elle : il a fallu changer l'orientation des bancs, désormais tournés vers l'Est. De la sorte, l'estrade d'honneur se trouve à couvert sous le cloître, et les congressistes, le parapluie ouvert, errent à la recherche de leur place d'hier.

À neuf heures et demie, Mgr l'archevêque de Besançon, intrépide malgré le froid, malgré le vent, malgré la pluie, ouvre la séance par la récitation d'une dizaine de chapelet pour obtenir le beau temps. La motion est accueillie avec faveur et la prière récitée avec piété. Puis la parole est donnée à M. l'abbé Pacifique Tournier, aumônier des Sœurs de la Charité à Saint-Ferjeux. Tous les rapports de cette dernière matinée de travail sont consacrés à l'étude des conséquences et des suites du miracle, jusqu'à nos jours. C'est pourquoi, puisqu'il est prouvé qu'il y a eu un réel miracle à Faverney et que ce grand prodige était la réponse divine, directe et adéquate, contre toutes les erreurs du protestantisme, il était bon d'établir quels étaient les ravages de l'hérésie huguenote en Franche-Comté et comment notre miracle y mit un terme. Le rapporteur est vraiment passé maître-spécialiste sur cette matière. En sa qualité d'auteur du Protestantisme dans le pays de Montbéliard et de la Crise Huguenote à Besançon an XVIe siècle, il nous établit dans son étude très documentée qu'avant 1608, d'une part, Besançon par ses gouverneurs et ses notables, Pontarlier par ses prédicants domestiques, Dole par des voitures de mauvais livres, Salins, Nozeroyet Saint-Amour dans le Jura, sont envahis par le venin protestant ; d'autre part, la région du bailliage d'Amont où se trouve Faverney est surtout fortément attaquée. Depuis Demangevelle et Vauvillers, Rochère-lès-Passavant et Fontenois-en-Vosges, Luxeuil et Bouligney, Conflans et Saint-Remy, le prieur des capucins de Jussey et le seigneur d'Amance jusqu'au noble cité de Faverney même, partout dans plus de cinquante villages il y avait des prêcheurs ou des adeptes hérétiques. Or, à dater de 1608, on ne trouve plus de prêcheur luthérien dans le bailliage d'Amont. Immédiatement après le miracle, prêtres et fidèles comtois, religieux oratoriens, capucins et jésuites, catéchistes et prédicateurs de France, des Pays-Bas et d'Allemagne, aussi bien que les pontifes bisontins Ferdinand de Rye, Claude d'Achey et Antoine-Pierre Ier de Grammont, tous à l'envi se sentent surnaturellement enflammés de courage pour prêcher le «très grand miracle, permis de Dieu pour reprimer l'incredulite» et dont tous, comme le curé d'Amance, sont «tellement ravis d'admiration qu'ils sont contraints de larmoyer».

Après ce rapport qui intéressa vivement l'auditoire, M. l'abbé Camuset, curé-doyen de Scey-sur-Saône, tint toute l'assemblée sous le charme de sa parole par l'exposition de l'influence positive du Miracle sur la population catholique de la région. Avec une ardeur et une conviction qui rappelaient le zèle dévorant de son oncle, curé-doyen de Faverney, dont le souvenir est lié à la visite du R. Père Hermann, il exposa, avec une connaissance remarquable de l'histoire locale et preuves nombreuses à l'appui, le développement de la vie chrétienne d'abord par la réforme du monastère et l'accroissement du pèlerinage, puis par l'établissement des confréries du Saint-Sacrement et les fondations de bénédictions, ensuite par la diffusion de l'adoration perpétuelle, de l'assistance à la messe quotidienne et même de la communion fréquente.

Quand lui succéda à la tribune M. le Chevalier Pidoux de Dole, en cet instant la foule très nombreuse des congressistes, oubliant la pluie dont l'abondance persistante perçait çà et là l'immense velum, l'accueillit par des applaudissements frénétiques. La belle prestance de ce chevalier du Saint-Sépulcre, chanoine de Lorette, camérier de Sa Sainteté et décoré de la croix papale de Saint Grégoire-le-Grand, la large popularité que lui a gagnée au congrès, depuis trois jours, sa prodigieuse érudition d'archiviste paléographe pour tout ce qui a trait au miracle de Faverney, lui valaient bien cette ovation spontanée. Son rapport est consacré à montrer : 1° l'ardent désir de la ville de Dole à obtenir une des deux Hosties miraculeuses ; 2° les hommages vraiment royaux du culte eucharistique qui lui est rendu jusqu'à la révolution de 1793 ; 3° le don princier de l'archiduchesse Isabelle-Claire-Eugénie consistant dans un ostensoir-monstrance, en argent ciselé, surmonté d'une couronne élevée par deux anges volants, et entouré de flammes composées d'innombrables pierreries et soutenues par deux anges agenouillés ; 4° la délivrance miraculeuse de la ville, assiégée vainement pendant deux mois et demi par la magnifique et valeureuse armée française du prince de Condé ; 5° la disparition sacrilège de la Sainte Relique depuis 1794 ; 6° la restauration de son culte et de sa Sainte-Chapelle par les chanoines Lompré et de Vaulchier, curés-doyens de Dole ; et 7° enfin l'abolition, depuis bientôt un quart de siècle, de la chère et séculaire procession de la Pentecôte. La lecture de ce rapport, fort bien écrit et où débordait l'ardente piété de l'auteur, fut faite avec un esprit et une verve qu'on ne saurait reproduire. Aussi Mgr l'évêque de Verdun s'empressa-t-il de féliciter M. le chevalier Pidoux d'avoir «fait beaucoup pour les saintes Hosties de Dole et de Faverney, mais surtout d'avoir découvert et publié la lettre du protestant Frédéric Vuillard». Ce document irrécusable et unique en son genre, conservé aux archives de Dole sous la cote 1340 et publié en 1902, est «le meilleur témoignage qu'il ait rendu à la véracité du miracle».

Après le triomphe accordé au chevalier Pidoux, le rôle du dernier rapporteur n'était pas des moindres ni des plus faciles. La préséance donnée à l'étude magistrale sur l'une des deux Hosties miraculeuses qui a été transportée à Dole et qui, après avoir eu les plus beaux jours de gloire dans l'ancienne capitale de la Comté, totalement disparu dans la profanation la plus inique, ne nous fera que mieux apprécier la bonté de la Providence qui nous a permis de garder intacte durant la Révolution, de restaurer splendidement après la Révolution, et enfin d'exalter plus que jamais de nos jours la Sainte-Hostie de Faverney. C'est à ce triple point de vue, vraiment miraculeux, que s'attacha M. l'abbé Lachassine, curé-doyen de Champlitte et ancien directeur au grand séminaire de Besançon. Avec une compétence vraiment remarquable et une érudition historique qui dénote un travail consciencieux, l'éminent rapporteur sut retenir d'abord, puis captiver enfin l'attention de l'assemblée que la pluie abondante et glaciale ne cessait d'inonder et d'indisposer. Même de ce rapport «très précis et très intéressant», Mgr l'archevêque, nonobstant l'inclémence du temps et la hâte des congressistes à se retirer plus à l'abri, tint à préciser l'importance du mot relique dont s'était servi M. l'abbé Lachassine. «A l'heure actuelle et depuis longtemps, conclut Sa Grandeur, ces saintes espèces ne sont pas conservées dans leur état normal ni dans l'intégrité de leur nature première. En conséquence, nous ne faisons plus que vénérer la relique de la Sainte-Hostie, et nous ne pouvons plus y adorer notre Seigneur Jésus-Christ».

Enfin, avant de clore ces séances générales si glorieuses pour le Miracle de 1608, M. le chanoine Auguste Frotey, curé de Notre-Dame à Besançon, tint à prévenir les congressistes qu'il avait apporté du trésor de son église le corporal authentique sur lequel descendit jadis l'ostensoir miraculeux après sa suspension de trente-trois heures, et qu'il engageait les pèlerins à aller le vénérer sur le petit autel du reposoir. Il était onze heures et demie quand la clôture fut prononcée.

Ainsi s'achevait cette réunion d'études sur le miracle en cette matinée du samedi, comme elle s'était terminée les deux journées précédentes. Le nombre des congressistes, chacun de ces trois jours de travail, n'avait fait que s'accroître dans le vaste hall de la cour des cloîtres et déjà cette immense assemblée offrait vraiment un beau coup d'œil. Mais où le spectacle revêtait un caractère grandiose et magnifique, c'était aux séances solennelles de trois heures après-midi. «Elles débutaient par un résumé des travaux de la journée que présentait M. le premier vicaire général Humbrecht et qui permettait à tous les congressistes de bien suivre la marche progressive des études des quatre sections. Après quoi, la parole était donnée à quelqu'un des plus éminents représentants du laïcat catholique, pour dire, avec l'autorité particulière que donne l'expérience du monde, quels sont, en ce temps d'incrédulité et de persécution, les devoirs des laïques chrétiens envers Dieu et son Eglise».

On entendit, le premier jour, M. Séjourné, avocat à la Cour d'appel d'Orléans et membre du conseil d'arrondissement de cette ville. Doué de tous les dons de l'orateur, extérieur sympathique, voix prenante, accent de conviction qui va au cœur parce qu'il en vient, et avec cela une phrase impeccable, il montra, dans un discours vibrant et de haute envolée, fréquemment interrompu par des explosions d'applaudissements, que l'Eucharistie est la seule source de vie, vie divine qui consiste à lutter contre les ennemis de Jésus-Christ et à lui conquérir des âmes. Tâche immense de restaurer toutes choses en Jésus-Christ, tâche pour laquelle il faut refaire à la patrie une âme nouvelle par la communion fréquente et quotidienne, et à ce prix la France demeurera.

Le vendredi, ce fut le tour de M. Émile Prüm, chef du parti catholique dans le grand-duché de Luxembourg. Industriel à la tête d'une grande fortune, il s'occupe avec beaucoup de dévouement des œuvres sociales et ouvrières. Bourgmestre de Clervaux sa ville natale, membre de la Chambre de Commerce, député à la Chambre luxembourgeoise, orateur de première force et en pleine vigueur, il a toute l'énergie et la fierté d'un leader puissant ; aussi est-il la bête noire des socialistes, ce qui est un honneur pour un député catholique. Abordant un sujet déjà entrevu par S. Augustin, il prouve que l'Eucharistie est un remède social pour le salut du monde. C'est le signe de l'unité et le lien de la charité ; aussi les congrès eucharistiques sont-ils un des moyens les plus puissants de régénération sociale. Et comme l'Eucharistie est pour le christianisme le centre d'où tout part et vers lequel tout converge, ce qui est donc nécessaire avant tout c'est un retour confiant à l'Eucharistie, et le premier mouvement de notre relèvement social doit être de restaurer le Dimanche qui nulle part dans le monde n'est aussi mal observé qu'en France. Les paroles ardentes de l'orateur, autant que sa conviction d'apôtre, provoquèrent d'unanimes acclamations ; et ses austères leçons furent pieusement recueillies, non seulement par tous les congressistes, mais par tous les ouvriers et agriculteurs du petit bourg favernéien qui étaient venus par centaines se masser sous le cloître en une couronne compacte et robuste.

Le samedi à trois heures, la salle des séances solennelles est comble, malgré la pluie persistante depuis le matin. C'est devant cette grandiose assemblée qu'eut lieu la lecture du rapport final sur les travaux et les conclusions des quatre sections du congrès. M. le chanoine Laurent, directeur de l'école supérieure de théologie au grand séminaire de Besançon et à qui incomba, comme président, la lourde tâche de diriger et de reviser les travaux si importants des treize rapporteurs sur la question primordiale du miracle, fit ressortir le double but et le double caractère de «ce très grand miracle, de cet évident miracle advenu : 1° pour la confusion des incrédules et hérétiques, et la consolation et utilité du peuple vivant en la foy de nostre Mère la Sainte Eglise apostolique et romaine» ; et 2° pour une leçon de respect, leçon de rénovation pieuse, leçon de réforme morale qui découlent de ce «tant haut mystère», comme parle l'archevêque Ferdinand de Rye. Et il conclut son rapport, écrit dans un style parfaitement lucide, en insistant sur un point, peut-être trop tôt oublié ou trop négligé, je veux dire : dans la résolution prise par toutes les sections de continuer l'œuvre de renovation eucharistique dans le diocèse par des congrès d'arrondissement, voire même de canton, où les réunions étant moins nombreuses deviendraient plus pratiques et plus fécondes.

Puis le dernier orateur laïque, M. Jenouvrier, avocat breton, sénateur catholique d'Ille-et-Vilaine et apparenté à une honorable famille qui habite Breurey, village voisin de Faverney, commença son discours. Sa parole ardente et convaincue subjugua bien vite les auditeurs très attentifs, et il obtint le succès le plus vif en demandant nettement aux catholiques de ne pas garder l'attitude trop commode «des bras croisés», ni de se réfugier dans ce qu'il nomme, d'un mot piquant, «l'héroïsme des lamentations», mais de se jeter dans la lutte pour agir, souffrir, accomplir le devoir coûte que coûte et jusqu'au bout, assurés que leur triomphe est certain s'ils savent combattre avec union, avec discipline, avec ténacité, et si chacun d'eux peut dire en toute loyauté : «J'ai fait ce que j'ai pu pour Dieu et pour la Patrie !»

Au soir de ces trois journées si bien remplies, un salut solennel réunissait les congressistes à l'église pour la prière et l'adoration du Saint-Sacrement. Là, peu ou point de musique, mais quelques morceaux de chant grégorien exécutés avec une perfection et un sentiment de piété qui en faisaient autant de prières dignes des anges. Puis l'un des évêques montait en chaire et faisait entendre les hautes leçons de renovation morale et les prudentes directions pratiques, nécessaires dans la vie individuelle et la vie sociale. Par une suite extraordinaire de contre-temps, qui devait faire pendant à la pluie aussi extraordinaire du dimanche, aucun des évêques, conviés par l'archevêque de Besançon à prononcer un discours, ne put donner satisfaction à l'attente générale. Ce fut peut-être la cause diabolique que l'attente des fidèles qui remplissaient l'église se manifesta chaque soir, avant le salut, par un recueillement assez bruyant.

Ainsi le jeudi, Mgr Heylen, évêque de Namur, devait prendre la parole comme président général des Congrès eucharistiques internationaux. Retenu loin de Faverney par le Chapitre général sexennal de l'ordre canonial des Prémontrés auquel il appartient, il dut être remplacé par Mgr Delamaire, coadjuteur de l'archevêque de Cambrai. Le vendredi soir, tous les congressistes se réjouissaient d'entendre l'éloquent évêque de Dijon, Mgr Dadolle. Celui-ci est arrêté soudain par un accident sans gravité survenu en tournée de confirmation et c'est Mgr Sevin, le nouvel évêque de Châlons-sur-Marne, qui apparait en chaire à sa place. Le samedi enfin, les Comtois étaient fiers de voir l'un des leurs accourir depuis les confins du Midi pour chanter les gloires tricentenaires de leur miracle, et voilà qu'à la dernière heure on apprend que Mgr de Beauséjour, évêque de Carcassonne, est retenu par une indisposition subite dans son pays natal à Vesoul. Ces contre-temps, hélas ! n'étaient qu'un faible prélude de ceux qui nous attendaient le dimanche même.

Pourtant vers les quatre heures du soir du samedi 23 mai, la pluie, Dieu merci ! semble vouloir s'arrêter. Un bon nombre de congressistes se disposent alors à se rendre à la gare au-devant de Son Éminence le cardinal Luçon, archevêque de Reims, qui arrivait à cinq heures à Faverney pour présider la clôture du congrès. Mais le temps, toujours maussade et incertain, ne se prêtant pas à une manifestation convenable, il fut décidé que le cardinal, arrivant de Port d'Atelier en voiture, serait reçu à la salle des séances solennelles. La foule donc s'y précipite. Déjà à la porte d'entrée, sous le cloître, se tient M. Druais, chef d'escadron en retraite, chevalier de la Légion d'honneur et maire libéral depuis 21 ans à Faverney (13). Il est entouré de tous les membres du Conseil municipal. Sur l'estrade, la brillante fanfare favernéienne, un peu avant l'entrée de Son Éminence, joue avec entrain un pas redoublé. Dès que le cardinal Luçon arrive sur le seuil de l'abbaye, M. le maire lui souhaite, en termes très courtois, la bienvenue au nom de la ville et se réjouit de recevoir Son Éminence parce qu'elle est «le représentant de Celui qui a dit : Aimez-vous les uns les autres». L'archevêque de Reims lui répond avec une bonne grâce et un à-propos charmant, et bénit l'assistance.

Puis, précédé de la foule nombreuse qui va compléter l'église déjà remplie de congressistes, le cardinal fait son entrée solennelle. Il est vraiment beau ce défilé des abbés mitrés, des évêques et des archevêques qui font escorte à Son Éminence. Ce sont d'abord Dom Augustin Dupic abbé des Trappistes de la Grâce-Dieu, Dom Romain abbé des Bénédictins de Dourgne et Dom Gréa supérieur des chanoines Réguliers réformés de Saint-Laurent ; puis ce sont Nos Seigneurs les évêques de Châlons-sur-Marne, de Belley, de Verdun, de Saint-Claude, de Limyre, de Saint-Dié, de Nancy ; enfin ce sont les archevêques de Chambéry, de Sinnade et de Besançon. Ces quatorze pontifes prennent place dans le chœur, chacun à leur trône ; et cette forêt de crosses et de mitres qu'encadrent les riches oriflammes en velours rouge bordé d'hermine, don pieux des villes comtoises, forme une couronne vraiment princière à cette humble hostie du Miracle, cachée dans son petit reposoir de dentelles. Ce fut Mgr Petit, qui, merveilleusement inlassable après tant de fatigues et de préoccupations, monta en chaire à la place de Mgr de Beauséjour indisposé. Sa Grandeur, joyeusement émue du plein succès du congrès eucharistique qu'elle a organisé, fit monter sa reconnaissance à Dieu, puis, gracieusement et sans en oublier un seul, remercia et félicita tous les artisans de ce succès. Après quoi, Monseigneur en un langage fort éloquent détermina d'une façon très précise le sens de ces grandioses manifestations de Faverney. Un salut solennel, dont le programme musical des plus variés fut délicieusement exécuté, clôtura cette journée du samedi.

Et la nuit vint, ramenant la pluie triste et désolante. À huit heures du soir commença l'adoration nocturne, prévue au programme. Ah ! c'était l'heure où le 25 mai 1608, (14) jour de la grande fête de Pentecôte, comme le samedi après souper, «sur semblables huit heures du soir» le sacristain Dom Garnier, «ayant delaissées ardentes sur la table» du reposoir les deux lampes pleines d'huile, était allé «resserrer les portes de l'église» et s'était retiré dans sa chambre. Cette fois, en cette pieuse veillée de réparation, ce ne furent pas seulement «quelques personnes de la ville laissées en dévotion à l'église», ce furent les évêques, les prêtres, les laïques hommes et femmes, les jeunes gens de la Jeunesse catholique et les petits enfants qui voulurent tour à tour s'échelonner dans cette nuit mémorable du 23 mai 1908. Prosternés humblement devant la petite Hostie du miracle, à cette même place où trois siècles auparavant «Dieu est apparu au milieu de nous», tous sentaient vraiment le frisson divin passer sur leurs têtes, courbées dans la contemplation et la prière. On pria beaucoup pour avoir le beau temps. À nous tous qui, même dans nos prières les plus ferventes, raisonnons le plus souvent à la manière humaine, il apparaissait qu'une condition, pour ainsi dire indispensable, du succès de ce beau congrès jusqu'alors si réussi, et donc de la glorification solennelle de la divine hostie qui en était le but principal, c'était le beau temps ; oui le beau temps, le beau soleil qui permettrait à l'innombrable foule des fidèles, comtois ou autres, annoncés pour demain dimanche, de faire une escorte triomphale au Dieu de l'Eucharistie.

Certes oui, elle eût été un magnifique régal pour les yeux, une joie intense pour les cœurs catholiques, une satisfaction bien légitime pour les organisateurs du congrès de Faverney, d'abord cette messe en plein air, célébrée dans la grande cour d'honneur du monastère par le cardinal-archevêque de Reims, puis cette immense procession de trente à quarante mille pèlerins qui devait, à une heure et demie de l'après-midi, descendre autour de l'antique enceinte de l'abbaye plus que millénaire, suivre l'avenue du Breuil qui conduit à la station du chemin de fer et se dérouler ensuite sur la route d'Amance pour gravir enfin par des zigzags à pente douce le gracieux coteau des Aigremonts qui fait face à la gare. De là, l'œil embrasse toute la vallée de la Lanterne avec son immense prairie, bordée de collines boisées et de villages champêtres. Au point culminant des Aigremonts, à 18 mètres au-dessus du sol devait s'élever une croix gigantesque qu'encadreront deux anges, porteurs de magnifiques palmes de la Côte d'Azur. Un ostensoir aux proportions à la fois vastes et élégantes servirait de centre au monument que formeront de longs panneaux, offerts par les six paroisses de Besançon. La chaire d'où devait parler Sa Grandeur l'évêque de Nancy, avait sa place marquée à quelque distance du reposoir monumental, au centre même de l'esplanade, le dos tourné au soleil et faisant face à l'innombrable foule répandue sur le gazon des pâturages. Du haut des gradins très élevés, le cardinal Luçon donnerait la bénédiction du Saint-Sacrement à cette terre privilégiée où la dévotion quasi millénaire de Notre-Dame la Blanche avait préparé le froment divin des Saintes-Hosties de 1608. Depuis la station de Faverney, les masses populaires, échelonnées dans la prairie et sur les talus de la voie ferrée, auraient joui d'un spectacle féerique, et c'était ce triomphe extraordinaire pour Jésus, le roi des nations, et le vainqueur, trois fois séculaire, des flammes de l'incendie comme des flammes de l'hérésie, qu'avait rêvé l'infatigable décorateur du congrès, M. l'abbé Mougeot.

Mais hélas ! Dieu ne l'a pas voulu. Toute la nuit il a plu, et au réveil il pleut encore ! Dès la première heure, les messes recommencent et les communions se distribuent nombreuses et ferventes. On redouble de prières pour le beau temps, car voici déjà les pèlerins qui affluent et en automobiles et en voitures et à pied de tous les villages voisins des Vosges, et voici bientôt l'heure des deux trains de couchage de Luxeuil et Vesoul et des dix-sept trains spéciaux de la Haute-Saône, du Doubs, du Jura et du Haut-Rhin. Aux abords de la gare, les membres les plus connus et les plus dévoués de la Jeunesse catholique bisontine, sous l'habile conduite de leurs chefs MM. Jacques et Mairot, ne dédaignent pas, malgré la pluie battante, de porter eux-mêmes pour les planter les poteaux indicateurs des directions à prendre. Enfin les trains arrivent des deux côtés à la fois et se succèdent à intervalles rapprochés. C'est Besançon, Belfort, Delle, Dole, Gray, Les Vosges, Montbéliard, Morteau, Saint-Hippolyte avec un train spécial ; c'est aussi Lure, Luxeuil, Pontarlier et Vesoul avec deux trains spéciaux. Même un train supplémentaire repart au plus vite pour ramener de Vesoul 500 personnes restées sur le quai. Puis les quatorze trains réguliers de la matinée déversent de nouveaux flots de voyageurs ; et ces milliers et milliers de pèlerins sortent facilement de la gare, tant a été bien compris et ordonnancé le service de dégagement des voies. À chaque débarquement d'un train, un commissaire de la Jeunesse catholique groupe les pèlerins auprès de leur étiquette respective, il leur adresse quelques indications indispensables sur la route à suivre pour aller à l'église, et sur l'heure de la messe à laquelle ils doivent assister.

Et comme la pluie tombait toujours, et que nulle enceinte ne pouvait contenir une pareille multitude accourue, malgré l'eau, malgré la boue, malgré le froid, de tous les points de l'horizon, il fut résolu que cinq grandes messes seraient celebrées successivement par les Éveques, trois dans l'église et deux dans la vaste salle du congrès. Elles ne suffirent pas, et de nombreux pèlerins n'assistèrent au saint sacrifice que du dehors, abrités tant bien que mal sous leurs parapluies. L'encombrement des arrivants devant le porche de l'église fut tellement considérable qu'aucune sortie devint bientôt impossible pour les fidèles qui remplissaient le sanctuaire du Miracle ; il fallut songer à une issue par le jardin du presbytère, et dès lors s'établit à travers les nefs de l'église un mouvement continuel de va-et-vient qui permit aux groupements de pèlerins de traverser au moins la maison de Dieu, d'en contempler la splendide ornementation et de baiser ardemment la Sainte-Hostie miraculeuse devant le petit reposoir.

À dix heures, la messe pontificale devait être chantée par Son Éminence le cardinal Luçon dans la grande salle du congrès. Mais déjà une heure auparavant et bien qu'au même moment une autre grand' messe était célébrée à l'église paroissiale archicomble, les congressistes affluent en masse. On monte à l'assaut des portes, d'ailleurs trop rares et trop étroites pour une pareille foule. Les cris s'entrecroisent, l'animation est extraordinaire, et les poches d'eau qui boursouflent la toile de la tente, venant à se vider sous les efforts des commissaires, déversent leurs cascades sur les pèlerins plus ou moins réjouis.

L'autel, improvisé sur l'estrade, est surmonté d'une grande croix rouge avec inscription en lettres d'or. Sur les deux côtés sont placés des massifs de verdure et des tentures rouges. Ça et là dans la salle se dressent des bannières paroissiales. Devant l'autel un vaste demi-cercle est réservé aux habitants de Dole. Quand le cortège épiscopal se déroule solennel, il est salué par les trois sociétés : l'Harmonie belfortaine de Saint-Joseph, l'Espérance de Saint-Sauveur et les Trompettes de Belfort ; mais le silence à peine à s'établir parmi les cinq mille personnes qui sont là debout, pressées les unes contre les autres, dans une salle ouverte d'un côté et imparfaitement protégée par un velum que la pluie continuelle transforme en une série de sacs d'eau. Douze évêques et trois abbés mitrés faisaient cortège au cardinal de Reims. Son Éminence officie, assistée des chanoines Pheulpin et Louvot. La messe pontificale est chantée avec une incomparable maestria où la schola du grand séminaire, par sa musique au style éminemment religieux, rivalise avec la très jolie messe de Dom Perosi sous la direction du virtuose enfant de Faverney. À l'Évangile, l'illustre évêque de Nancy, Mgr Turinaz, bravant toutes les difficultés, fait entendre un éloquent discours, résumé de toutes les gloires et de tous les effets de la Sainte Eucharistie. Sa péroraison vibrante fut saluée par d'unanimes applaudissements que la gravité de la cérémonie fut impuissante à retenir. À la fin de la messe, tous ensemble, le cardinal, les évêques et les abbés mitrés bénissent la foule : c'est le plus beau geste de la journée et le plus impressionnant.

La sortie ne s'effectue pas toute seule. Mais enfin, grâce à l'énergie des commissaires du congrès qui, portant au bras les couleurs de Franche-Comté, rouge, noir et jaune, se multiplient avec un dévouement et une patience inaltérables, une majeure partie des pèlerins, sous la pluie toujours et dans la boue ruisselante, s'en vont dîner, tandis que les autres s'installant ici et là, chacun avec sa famille et ses amis, transforment bientôt la cour du congrès et les longs cloîtres en une immense salle de restaurant.

À deux heures, la pluie diluvienne continuant à tomber par torrents, il fallut décidément renoncer à la procession pour l'après-midi et se contenter de trois saluts du Saint-Sacrement, dont deux à l'église paroissiale et un dans la salle du congrès. Ce furent des heures terribles pour la foule, toujours plus dense et cherchant sans cesse à se frayer un passage, soit à l'église qui ne désemplit pas, soit dans la salle de l'abbaye complètement envahie. Durant les saluts solennels donnés dans le temple du Miracle, M. l'abbé Garnier à la voie puissante et Mgr Saint-Clair missionnaire apostolique adressent à la foule quelques paroles vibrantes. Tous les assistants renouvellent publiquement leurs promesses de baptême en levant la main pour attester la sincérité de leurs serments, et l'on chante le cantique de M. le Chanoine Perrin, devenu traditionnel à Faverney depuis le pèlerinage de 1878 :

O Sainte Hostie
Auprès de toi,
Je viens puiser la vie
Et ranimer ma foi.

Enfin dans la salle du congrès, à trois heures, les seize pontifes paraissent, crossés et mitrés, précédés du Très Saint-Sacrement. L'immense hall est archicomble. Toute l'assistance chante les prières liturgiques, et cette prière collective donne une impression de force majestueuse et sereine qui console un peu du sacrifice que l'on a fait en renoncant à la belle procession espérée. Après le salut, Mgr l'archevêque de Besançon «sut trouver d'abord des mots pleins de grâce pour tous», congressistes fidèles, rapporteurs éloquents, organisateurs infatigables, habitants de Faverney et des pays circonvoisins qui reçurent leurs hôtes, avec une parfaite bonne grâce, puis de consolantes paroles pour les pèlerins courageux que le mauvais temps n'avait pu arrêter. Comme conclusion, il demanda à tous les assistants de prendre la résolution de ne jamais renier Jésus-Christ, d'être toujours fidèles, quoiqu'il arrive, à ses lois et à son Église; et tous, heureux, s'écrièrent avec leur archevêque : «Oui, nous le jurons!»

Comme corollaire de ces fêtes inoubliables et pour honorer la cité si hospitalière du Miracle et l'abbaye bénédictine si artistement restaurée, Mgr Petit, à l'applaudissement général, eut la délicate pensée de nommer chanoines honoraires de la métropole de Besançon M. le curé-doyen de Faverney, l'humble président du comité local, et M. le curé de Beaucourt, l'instigateur-conseil du congrès qui finissait. Enfin le cardinal et les évêques donnèrent ensemble leur solennelle bénédiction à la foule qui y répondit par une dernière et chaleureuse acclamation.

Subitement, au moment de la sortie et déjà plusieurs fois, en des points opposés sous les cloîtres, durant le salut, il y eut une poussée formidable et irrésistible dans les groupes déjà fort compacts. On n'eut pas à regretter d'accidents de personnes, mais on eut à enregistrer au secrétariat du congrès la disparition de plus de 200 porté-monnaies et les vols multipliés de petites sommes qui dépassaient 3000 fr. Ainsi le contre-temps désastreux des pickpockets venait compléter celui de la pluie torrentielle et ininterrompue qui, commencée le samedi matin, ne s'arrêta que le lundi matin, empêcha la venue de plusieurs milliers de pèlerins des villages voisins, et rendit impossible l'incomparable manifestation de la foi populaire catholique. Les ennemis de notre sainte religion parurent triompher de l'inclémence du ciel ; pour nous, catholiques, Dieu nous refusa la joie peut-être trop naturelle de la grandiose procession annoncée pour la clôture du congrès. Peut-être aussi, remarque le chanoine Brintet d'Autun, «durant les jours consacrés à l'étude historique et critique du miracle des 26-27 Mai 1608, l'adoration de l'hostie vivante au tabernacle a-t-elle été apparemment un peu trop délaissée. La prière ardente et continue doit être l'âme des congrès eucharistiques, et les discours les plus éloquents, les études les plus sagaces ne sont qu'une préparation à la conversation intime avec le Dieu de l'Eucharistie». Peut-être avons-nous plus discuté que prié, plus joui intellectuellement et curieusement qu'agi en esprit de foi et de recueillement.

Le vrai triomphe que Jésus a voulu a été la journée du dimanche désastreuse au point de vue humain ; mais c'est sans doute le moyen précisément voulu par Dieu pour donner au congrès toute son efficacité. Que de générosité et, on peut bien l'écrire, que d'héroïsme n'a pas manifesté cette foule de catholiques de toute classe, de toute condition, partis de leurs demeures à minuit ou une heure du matin, et arrivant à jeun pour communier dans l'église du Miracle ! Près de 20.000 étrangers avaient envahi la petite ville de Faverney. Comment manier cette foule, énervée par le froid, par le jeûne, par la pluie, par la fatigue du voyage et le désenchantement de ne pouvoir, ni entrer, ni reculer, ni communier, ni s'asseoir, ni voir, ni prier avec calme ? Et pourtant, a écrit M. le chanoine Brintet, nul incident fâcheux, peu de plaintes, beaucoup d'actes de patience, «et surtout cette abnégation prolongée durant toute une journée qui fut réellement» une preuve plus touchante et presque héroïque de leur dévotion à la Sainte-Hostie miraculeuse. De ce désastre voulu par Dieu il est sorti un nouvel adage populaire qui le rappellera aux générations futures de la Haute-Saône et surtout du Doubs. Désormais, lorsqu'il fait une grande pluie, on dit: «Il pleut comme à Faverney pour la clôture du congrès !»

Il était cinq heures du soir, et la pluie tombait toujours. «Il restait à réembarquer ces multitudes dans les vingt-sept trains speciaux ou supplémentaires qui devaient les emporter dans toutes les directions, et ce n'était pas chose ni simple ni facile dans une station modeste, munie des deux seuls quais réglementaires. Ce fut l'œuvre de M. Delinot, l'inspecteur principal des chemins de fer de l'Est à Vesoul, et de ses trois adjoints MM. Roger, Roy et Schirner, sous-inspecteurs de section. Avec autant de tact et de délicatesse dans la direction de la foule, que de ferme précision dans les ordres donnés à un personnel d'élite, ils réussirent en quelques heures à écouler plus de 15.000 voyageurs, sans erreur, sans accident d'aucune sorte».

À l'inverse de l'inoubliable pèlerinage à Domremy, le soir du jeudi 23 août 1895, où les barrières et les portes de la gare furent brisées, les trains les plus opposés à leur direction furent pris d'assaut par les pèlerins affolés, et les voyageurs, emmenés à des centaines de kilomètres, ne purent être rapatriés que vingt-quatre heures après, ici à Faverney, le 24 mai 1908, tout s'est passé sans incident, sans cri, sans coup, sans blessure. Grâce à l'empressement fort intelligent de M. Charles Tousset, chef de station alors comme il y est encore aujourd'hui ; grâce à l'obligeant dévouement des 66 agents placés sous ses ordres; et aussi, je dois le dire et il m'est doux d'accomplir ce devoir d'historien impartial à l'égard d'un frère et ami en sacerdoce, grâce à l'esprit d'heureuse initiative et à l'action décisive et énergique de M. le chanoine Mourot, le véritable organisateur du congrès ; malgré la cohue inévitable dans une pareille foule, tous les départs s'effectuèrent normalement et sans à-coups. «Il est inouï, a écrit M. le chanoine Collin de Metz, que dans une localité comme Faverney on ait pu faire aussi bien les choses. Ce centenaire sera mémorable presque à l'égal du miracle, et c'est pourquoi je me permets d'appeler votre beau Congrès de Faverney, le Congrès de l'Espérance. C'est le blé qui lève ! Courage et confiance !» (15).

Durant cette époque grandiose, où son pays recevait avec tant d'urbanité les princes de l'Église et les notabilités catholiques, durant les cinq jours où sa paroisse fut le centre d'une vie religieuse unique qui fit l'admiration même des ennemis de l'Église, si le curé-doyen de Faverney n'eut pas d'abord en ces fêtes la place qui paraissait s'imposer, il n'en recueillit que plus de soucis, de mérite et de respect. Aussi tout le diocèse applaudit-il joyeusement à sa nomination bien méritée de chanoine honoraire et ses paroissiens s'empressèrent-ils de lui offrir gracieusement le riche costume d'été. Il avait vraiment grand air et belle prestance sous sa magnifique cappa de nouveau chanoine ; mais il ne changea ni de sentiments ni d'attitude. Sa santé, du reste, qui providentiellement avait été excellente pour supporter les fatigues du congrès, commença bientôt à donner de légitimes inquiétudes. Il parut s'en douter ; aussi crut-il devoir s'attacher désormais et de préférence au dernier article de son programme : il voulait voir la restauration artistique de son église. Dans les mois de novembre et décembre 1910, grâce à la lumière électrique dont jouit la ville de Faverney et grâce au puissant calorifère, récemment installé dans son église, il put faire exécuter ces travaux considérables de réfection complète des voûtes, des murs, des colonnes et des pilastres avec les nervures relevées en ton de pierre. La dépense totale s'élèva à 6.000 fr.

Hélas ! il eut à peine la joie de jeter sur ces voûtes et ces piliers si chers un regard déjà voilé par la mort. Le dimanche avant Noël, dans la nuit il dut aller auprès d'un malade au Port d'Atelier. Il ne put rentrer qu'au premier train de cinq heures du matin. Il s'alita immédiatement et il mourait à 60 ans, le lundi 20 février 1911 à deux heures après-midi. Le lendemain, on se hâta d'achever la réparation de la jolie piscine trilobée du chœur, en posant les arcatures à jour que Dom Vincent Duchesne avait fait construire en 1687 et que les révolutionnaires de Faverney avaient mutilées en 1794. L'église était achevée pour les funérailles de l'humble et bon curé Joseph Cramillet, chanoine du Congrès national eucharistique de 1908 (16).

_____________________________________

[Sources bibliographiques et Notes de bas de page.]

1. Mgr Joseph-Alfred Foulon, évêque de Nancy, fut le 108e archevêque de Besançon et le successeur de Mgr Paulinier (1882-1887). Transféré alors à l'archevêché de Lyon il fut créé cardinal. Son successeur fut Mgr Arthur-Xavier Ducellier, évêque de Bayonne depuis 1878 et notre 109e archevêque (1887-1893). Mgr Fulbert Petit, évêque du Puy en 1887, fut le 110e archevêque de Besançon (1894-1909). — L'abbé Henri-Joseph Cramillet, né à Baume-lès-Dames le 27 juillet 1851, prêtre en 1875 et professeur au petit séminaire de Marnay, vicaire de Pont-de-Roide en 1877, curé de Brussey vers Marnay en 1881 et curé-doyen de Faverney en avril 1885. — C'est le mardi 10 juin 1902, que M. Jules Gauthier, archiviste départemental du Doubs, avec ses amis MM. de Lurion et de Sainte-Agathe et moi, se rendit depuis Amance, dans l'après-midi, au bourg de Faverney pour revoir l'église abbatiale dont il avait déjà commencé l'histoire qu'il se promettait bien alors de mener à bonne fin. — Semaine religieuse de Besançon, 20 mai 1911 (article nécrologique sur l'abbé Cramillet, chanoine honoraire). — M. Jules Gauthier, conservateur départemental des achives si importantes de Dijon, y mourut le 16 octobre 1905 et la tante bien-aimée de l'abbé Cramillet mourut au mois de novembre suivant.

2. Voici la liste complète des Congrès eucharistiques internationaux dont le congrès de Faverney, 4 septembre 1878, fut «l'ébauche et le prélude», et dont notre congrès national de 1908 aurait eu l'honneur d'être le XIXe international, sans la circonstance exceptionnelle de Londres : I° Congrès de Lille, France (28-30 juin 1881) ; II° Congrès d'Avignon, France (13-17 septembre 1822) ; III° Congrès de Liège, Belgique (5-10 juin 1883) ; IV° Congrès de Fribourg, Suisse (9-13 septembre 1885) ; V° Congrès de Toulouse, France (20-25 juin 1886) ; VI° Congrès de Paris, France (2-7 juillet 1888) ; VII° Congrès d'Anvers, Belgique (16-21 août 1890) ; VIII° Congrès de Jérusalem, Orient (14-21 mai 1893) ; IX° Congrès de Reims, France (25-29 juillet 1894) ; X° Congrès de Paray-le-Monial, France (20-24 septembre 1897) ; XI° Congrès de Bruxelles, Belgique (13-17 Juillet 1898) ; XII° Congrès de Lourdes, France (7-11 août 1899) ; XIII° Congrès d'Angers, France (4-9 septembre 1901) ; XIV° Congrès de Namur, Belgique (3-7 septembre 1902) ; XV° Congrès d'Angoulême, France (20-24 juillet 1901) ; XVI° Congrès de Rome, Italie (1-4 juin 1905) ; XVII° Congrès de Tournai, Belgique (15-19 août 1906) ; XVIII° Congrès de Metz, Alsace-Lorraine (6-11 août 1907) ; XIX° Congrès de Londres, Angleterre (9-13 septembre 1908) ; XX° Congrès de Cologne, Prusse rhénane (4-11 août 1909) ; XXI° Congrès de Montréal, Canada (7-11 septembre 1910) ; XXII° Congrès de Madrid, Espagne (23 juin-1er juillet 1911) ; XXIII° Congrès de Vienne, Autriche (11-15 septembre 1912) ; XXIV° Congrès de Malte, île anglaise (23-27 avril 1913) ; XXV° Congrès de Lourdes, France (22-26 juillet 1914) : dans ces 25 congrès, la Belgique en a 5 et la France 10. — Cette œuvre prodigieuse des congrès eucharistiques a été conçue et réalisée en France par une humble fille, Mlle Tamisier, née le 1er novembre 1834 dans une famille très modeste à Tours où elle est pieusement décédée le 20 juin 1910.

3. Compte rendu du Congrès national de Faverney, Avant-propos, p. VII. — Discours de clôture de Mgr Fulbert Petit, ibid., p. 582.

4. La bibliothèque du séminaire de philosophie possède un album des dessins de l'artiste peintre Petitgnat qui reproduit quelques coins de ces constructions de l'Asphalte, avant la restauration par Mme Garret. Les matériaux de cette partie démolie de l'abbaye ont servi, dit-on, à édifier le pavillon Bardenet, établi en bordure de l'ancienne rue Vannoise, à l'entrée de la cour d'honneur.

5. Sous l'épiscopat de Mgr de Villefrancon, prédécesseur du cardinal de Rohan et qui fut le 103e archevêque de Besançon (1823-1828), M. l'abbé Bardenet, économe des missionnaires diocésains à Beaupré, avait acheté le domaine splendide et le château princier, mais sans meubles, de Saint-Remy, que le marquis d'Argenson avait mis en vente. Le chanoine Chaminade de Bordeaux, en 1823, y envoya huit frères du nouvel Institut qu'il venait de fonder. Cette œuvre fut grandement éprouvée dès son début, mais aucun des bons religieux ne se découragea, jusqu'en juillet 1903, où ils furent chassés de France, et Dieu bénit leur dévouement ; le R. Père Joseph Simler, Guillaume-Joseph Chaminade, chanoine honoraire de Bordeaux, fondateur de la Société de Marie et de l'Institut des filles de Marie (1761-1850), Paris, Lecoffre, 1901. — L'abbé Léopold Loye, Histoire de l'église de Besançon, Besançon, Jacquin, 1903, IV, p. 264 ; Émile Mantelet, Histoire politique et religieuse de Faverney depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris, chez l'auteur, 1864, p. 511. — Instruction pastorale de Mgr l'archevêque de Besançon à l'occasion du Congrès national eucharistique, 11 février 1908.

6. Pour les détails de l'ex-voto de Dole, voir au chapitre 3 en 3° partie. — André Pidoux, Histoire populaire du Miracle des Saintes Hosties de Faverney et de leur culte à Dole et à Faverney, Dole, 1908, p. 94.

7. Les détails et les modèles de ces broderies de l'époque du Miracle m'ont gracieusement été fournis par Mlle de Marmier, noble fondatrice de l'œuvre L'aiguille à la campagne, 13, rue Pasquier à Paris, et par sa digne collaboratrice Mlle Dimanche.

8. C'est Mme Vve Marie Garret, restauratrice de l'abbaye et bienfaitrice du congrès, qui se chargea encore de faire confectionner par les religieuses bénédictines, très habiles en ornements d'église, le petit tabernacle à quatre colonnes en chêne et fermé sur trois côtés par plusieurs voiles de prix. Les magnifiques broderies formant les rideaux ou custodes, la pièce de lassis ou large baptisoir, la longue pièce de satin rouge à bordure de passements d'or d'après les dessins du XVIe siècle fournis par Mlle de Marmier, provenaient aussi des ateliers de broderie de Mme Vve Garret.

9. Sous le pied du reliquaire-ostensoir actuel qui fut reconstitué par l'orfèvre Falize selon le dessin du procès-verbal de l'enquête du Miracle (Manuscrit de l'Arsenal, Paris, folio 125), j'ai découvert une plaque octogonale, en argent qui porte cette inscription : ANNO. Dni. M° CM° VIII°. FULBERTO BISUNTINO ARCHIEP°. FAVERNIACEN, MIRACULI CCC° INCIDENTE ANNIVERSARIO. HÆC EUCHARISTICA THECA ANDREÆ ET JOHis FALIZE Frum PARISIEN. AURIFABROR. ARTE JUXTA AUTHENTICAM IMAGINEM IN ARMAMENTARIANÆ BIBLIOTHECAE CODICE MANUSCRIPTO PARISIIS SERVATAM RESTITUTA EST. Voici la traduction : L'an du Seigneur 1908, Fulbert archevêque de Besançon, au troisième centenaire du Miracle, les frères André et Jean Falize, orfèvres parisiens, ont reconstitué ce reliquaire de la Sainte-Hostie d'après le dessin authentique du procès-verbal manuscrit qui est conservé dans la bibliothèque de l'Arsenal à Paris.

10. Voici les noms des rapporteurs à la section sacerdotale : Culture des vocations ecclésiastiques par M. le chanoine Boillot, archiprêtre de Pontarlier ; Le chant liturgique par M. l'abbé Henri Humbrecht, curé de Saint-Joseph à Belfort ; La dévotion au Cœur eucharistique de Jésus par le R. Père Masquelier, rédemptoriste et directeur de l'Archiconfrérie du Cœur Eucharistique érigée en l'église Saint-Joachim à Rome ; L'assistance à la messe en semaine par M. le chanoine Guichard, archiprêtre de Dole ; La communion fréquente et quotidienne par M. le chanoine Trépy, aumônier des Sœurs de la Charité à Besançon ; Rapport complémentaire sur le même sujet par le R. Père Louis Baille, jésuite de Besançon ; La communion pascale par M. le chanoine Lourot, archiprêtre de Gray ; Les congrès eucharistiques diocésains et cantonaux par M. l'abbé Jacquot, curé d'Audincourt. — Voici les noms des personnes chargées de présenter des rapports à la section des dames : La femme et le soin de l'église par Mme de Bussières ; La femme et le denier du clergé par Mlle Guéniot ; La femme et la vie chrétienne par M. le chanoine Bouhelier, supérieur des missionaires diocésains ; La femme et le rôle de la mère dans l'éducation de l'enfance par M. le chanoine Penotet, archiprêtre de Lure ; La femme et les œuvres par Mlle Laroche ; L'œuvre des catéchistes volontaires au diocèse du Puy par Mlle Reynaud ; L'œuvre des catéchistes dans le diocèse de Besançon ; Les Dames adoratrices de Montmartre. — Voici enfin les noms des rapporteurs à la section de jeunesse : Les divers groupes de jeunesse par M. Georges Mairot, président de l'Association de la Jeunesse catholique française [A. C. J. F.] de Franche-Comté ; Les œuvres militaires par M. le chanoine Pattinger, aumônier militaire à Belfort ; Les œuvres d'apostolat par M. Jacques, vice-président de l'A. C. J. F. de Besançon ; L'apostolat de la presse par M. l'abbé Garnier, curé de Mollans ; Les cercles d'études par M. l'abbé Simonin, aumônier du patronage central à Besançon ; Formation intellectuelle, morale et ascétique de la jeunesse par M. l'abbé Bidoz, curé de Noironte ; La jeunesse auxiliaire du clergé dans le culte et dans ses œuvres par M. l'abbé Moine, aumônier de l'A. C. J. F. à Besançon ; L'Eucharistie est un foyer de charité, d'apostolat et d'œuvres sociales par M. l'abbé Ch. Marmier, vicaire à Sainte-Madeleine de Besançon.

11. Pour les détails précis sur cette importante découverte des trous de scellement de la grande grille du presbytéral, voir à la page 106 dans Notes et documents la note 1 et aussi au chapitre 2 en 3° partie.

12. C'est la bienveillance fraternelle de mon ancien confrère à Besançon, M. l'abbé Joseph Genet, curé de Sainte-Marie-en-Chanois (doyenné de Faucogney), qui m'a procuré gracieusement 20 cierges en cire jaune du poids d'un quarteron (125 gr. chacun). Ces très gracieux petits cierges, confectionnés à la main par Mlle Louise Lamboley octogénaire et peints avec leur cachet d'antiquité, ont été offerts par le digne pasteur et sa dévouée paroissienne «en témoignage de leur foi et de leur amour envers l'adorable sacrement de nos autels».

13. M. Druais, né le 17 septembre 1830, retiré à Faverney comme chef d'escadron en retraite, fut élu maire de cette cité le 3 avril 1887 et cessa ses fonctions le 21 mai 1912. Durant 25 ans il géra remarquablement les affaires de la commune. Son prédécesseur M. Druhot, né le 20 mars 1813, notaire très estimé à Faverney, fut maire durant près de 37 ans et utilisa sa grande fortune personnelle pour le soulagement des pauvres et l'embellissement de l'église.

14. Pour l'heure à laquelle l'église au miracle fut fermée le 25 mai 1608, voir au chapitre 2 en 3° partie.

15. Tous ces détails sur la tenue du congrès sont extraits : 1° du Compte rendu des travaux du Congrès national eucharistique de Faverney (Avant-propos, pp. VII à XLIV et passim pp. 23 à 594) ; 2° Le congrès de Faverney, article écrit dans le bulletin du comité international des congrès eucharistiques par M. le chanoine A. Brintet d'Autun et membre du comité permanent des congrès eucharistiques ; 3° Le Très Saint-Sacrement (septembre-octobre 1912, article sur le Congrès de Vienne) ; 4° Le Nouvelliste de Vesoul, samedi 23 et dimanche 24 mai 1908 ; 5° L'Éclair Saônois, dimanche 31 mai 1908 ; 6° L'Éclair Comtois, numéros du jeudi 21 mai au lundi 25 mai 1908. — Le Comité national eucharistique permanent a été représenté aux solennités de Faverney par Mgr Odelin, vicaire général de Paris, président ; par M. le chanoine Pousset, curé-archiprêtre de Notre-Dame de Paris, vice-président ; par le secrétaire M. Charles Vautrin ; par M. l'abbé Bouquerel, secrétaire général des Congrès internationaux eucharistiques ; et par MM. le chanoine Brintet d'Autun, le comte Henri d'Yanville de Paris, l'architecte Dusouchay d'Angers, et le chanoine Collin, secrétaire général du congrès eucharistique international de Metz, tous membres du Comité. — Il est bon de citer M. l'abbé de Lamerand, directeur des Congrès du Nord, puis M. René d'Oresmieulx de Fouquières, Mlle Jeanne d'Oresmieulx sa sœur ainsi que la fille aînée de M. René, tous trois arrières-neveux du saint abbé Doresmieux, comme ayant assisté au congrès de Faverney. — D'après les renseignements que le chef de gare de Faverney, M. Charles Tousset a bien voulu rechercher pour me les communiquer, il y a eu 10.122 billets de voyageurs reçus à la station durant les quatre jours du congrès, et au moins 12.000 dans la seule journée du dimanche 24 mai. Il faut en outre compter les pèlerins de plus de 50 villages voisins qui sont venus à pied ou en voitures ou en automobiles, et tous les congressistes logés à Faverney et dans les villages les plus rapprochés. Dans cette seule journée de clôture il y a eu 38 trains montants et 33 trains descendants à Faverney.

16. Pour les détails sur cette crédence trilobée, voir Jules Gauthier, Notes archéologiques et épigraphiques sur l'église abbatiale de Faverney (Haute-Saône), Vesoul, Suchaux, 1894, p. 6, pour les détails sur cette crédence trilobée. — Durant ses seize années de cure à Faverney, l'abbé Cramillet, grâce à son esprit d'initiative et à la générosité inépuisable de la noble châtelaine bienfaitrice de l'église, put dépenser : 1° 1200 fr. pour la réparation du dôme du petit clocher ; 2° 1800 fr, pour établir la chapelle des fonts baptismaux avec sa grille ouvragée et haute de 2 mètres, sa boiserie en chêne, sa cuve gothique et le riche vitrail à trois médaillons qu'exécuta la maison Claudius Lavergne. Au bas du vitrail, à gauche se trouvent les armes de la famille de Poinctes de Gevigney, et à droite dans un écusson les initiales de la donatrice C. P. G. [Comtesse de Poinctes de Gevigney] ; 3° 3500 fr. pour le maître-autel en chêne ciré, placé à Noël 1907 en vue du congrès ; 4° 1200 fr. pour le carrelage céramique et le coffre-fort renfermant la Sainte-Hostie dans la chapelle du Miracle ; 5° 2200 fr. pour les grands candélabres en bronze doré, placés pour le congrès chaque côté du grand autel ; 6° 1500 fr. pour l'enlèvement et le replacement des bancs de l'église avant et après le congrès ; 7° 2000 fr. pour le calorifère double de l'église ; 8° 800 fr. réparation de l'orgue ; 9° 6000 fr. pour restauration de l'église ; 10° sa part assez considérable dans les frais du congrès.


«Faverney, son abbaye et le miracle des Saintes-Hosties» :
Table des Matières ; Lexique ; Carte ; Épilogue

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]