«HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE DE SAINT-PIERRE DE JUMIÈGES» ; 7


CHAPITRE 7. — Pierre Ier, 36e abbé (1155). — Roger Ier, 37e abbé (1162). — Robert IV, dit d'Argences, 38e abbé (1178). — Notes de bas de page.


PIERRE Ier, TRENTE-SIXIÈME ABBÉ (1155).

[Après la mort d'Eustache, le trente-cinquième abbé, qui mourut le 17 décembre 1154], le siège abbatial fut rempli par un étranger, connu sous le nom de Pierre de Cluny, où il avait fait profession. Son arrivée à Jumièges causa un soulèvement intérieur presque universel. Il fut cependant reçu sans opposition, parce qu'il usa de prudence. Il paraît que les commencements de son gouvernement furent assez paisibles, et nous trouvons, dès la première année, une restitution faite entre ses mains d'une terre à Trouville, par Raoul de Saint-Wandrille (1), moyennant une somme de 15 livres, restant de 4 marcs d'argent, que l'abbé Guillaume avait promis à son père pour rentrer dans la possession de cette terre. La charte de Raoul n'est pas la seule où il soit parlé de Pierre de Cluny ; avant que la guerre fut ouverte entre lui et quelques-uns de ses religieux, nous voyons encore qu'un nommé Lucas, fils de Guillaume de Trouville, lui rendit, et à la communauté de Jumièges, une partie des dîmes que ses auteurs avaient injustement usurpées sur l'abbaye (2), tant à Tourville (3), qu'aux Autieux (4) et à Gruchet (5) ; à condition qu'on lui payerait 17 livres 10 sols, monnaie de Rouen, et que, s'il voulait embraser l'état monastique, on le recevrait sans autre dot qu'une moitié de ses effets mobiliers et immobiliers. L'acte est de l'an 1156, et fut dressé en présence de Raoul de Cauteterre, qui paya la somme stipulée pour les religieux.

Le pape Adrien IV confirma ces privilèges et revenus de son abbaye (6) par une bulle de la même année (7), et Hugues d'Amiens lui fit restituer les deux parts de toutes les dîmes dans la paroisse de Notre-Dame de Varengeville-la-Chaussée (8 ; 9), dont le patronage appartenait encore à l'abbaye de Jumièges en 1526, à cause d'un fief qu'elle possède au même lieu.

Ces précautions de Pierre de Cluny, pour la conservation des biens de son abbaye, n'empêchèrent pas le comte de Dreux, Robert, premier du nom, fils de Louis-le-Gros et frère de Louis VII, de s'emparer de la terre de Bû (10), à 2 lieues de Dreux, sur les confins de la Normandie, et d'y bâtir un château pour la sûreté du pays, en cas de guerre contre les Anglais, qui tenaient encore la province sous la conduite de Henry II, couronné roi d'Angleterre, à Westminster, par Théobald, archevêque de Cantorbéry, en présence de tous les prélats et de tous les barons du royaume, le 20 décembre 1154. L'abbé et les religieux de Jumièges eurent d'autant plus de peine à se résoudre à perdre cette seigneurie, qu'elle était de leur ancien domaine, et que les papes Eugène III et Adrien IV venaient de la confirmer par leurs bulles de l'an 1147 et 1156. Ils se plaignirent donc au pape Adrien IV, qui donna commission à Robert, évêque de Chartres, de leur faire justice au nom du Saint-Siège. L'évêque alla trouver le comte de Dreux et parvint enfin à faire un accommodement, qu'il dressa lui-même du consentement des parties, en la manière suivante :

1° Que les religieux auront dans leur dépendance le côté de la seigneurie de Bû, qui se trouve séparée du château nouvellement construit par le chemin de Dreux tendant au Coudrai-Henri (11) ;

2° que tous leurs vassaux seront francs, quittes et exempts de tous droits coutumiers, tels qu'ils puissent être ; et que, si quelqu'un d'eux, venant à frapper, ou même à tuer un des sujets du comte, peut se retirer en deçà du chemin sur leur territoire, qui que ce soit ne pourra le poursuivre ni l'arrêter au-delà, mais qu'il en sera fait justice par les officiers du prieur ;

3° qu'à l'égard du petit bois qui se trouve du côté des religieux, ni eux, ni le dit seigneur comte, ni leurs vassaux, ne pourront le couper, mais qu'il sera conservé commun pour les réparations de l'enceinte du village et du château ;

4° qu'à l'égard de la partie du territoire qui est au-delà du chemin du Coudrai, où est situé le château, elle appartiendra au dit seigneur comte, à la réserve des églises et de l'hôpital, ou maladrerie, qui demeureront aux religieux ;

5° que les dits religieux percevront la dixième semaine de tous les droits de marché et des fours à bans (12), ainsi que le dit seigneur comte perçait les neuf autres semaines, avec la dîme des fruits, des cens et généralement de tous les droits et rentes qui lui appartiennent ou qui pourront lui appartenir, et à ses héritiers, dans toute l'étendue de la seigneurie du château de Bû ;

6° que les droits à percevoir sur les légumes, poireaux, oignons, et généralement sur toutes les espèces d'herbes qui se vendent pour la bouche, appartiendront aussi aux religieux, mais qu'à l'égard des droits de la foire Saint-Léger, ils seront partagés également entre les parties ;

7° que les religieux et leurs vassaux pourront, sous la garantie et protection du dit seigneur comte, prendre dans la forêt de Bû tout le bois à chauffer et à bâtir qui leur sera nécessaire, et que, s'ils viennent à souffrir quelque trouble ou empêchement, il prendra leur fait et cause, comme il le pourrait faire en faveur d'un de ses vassaux ;

8° que toutes les terres pâturables des deux côtés, tant qu'elles subsisteront en nature de pâturage, seront communes aux vassaux des religieux et du comte ;

9° que toutes les terres qui composent la seigneurie de Bû seront mesurées au cordeau, et partagées, moitié par moitié, entre les parties, en sorte néanmoins qu'une pièce de terre, qui, avant ce partage, aurait été défrichée et distraite de la forêt, demeurera au fermier qui l'aurait fait essarter, en payant le champart à celui des deux seigneurs dans le lot duquel elle tombera ;

10° que, tant que les religieux voudront envoyer leurs vassaux au moulin des Ormeaux (13), appartenant au dit seigneur comte, ils percevront la dixième semaine du revenu du moulin, tant en grains qu'en argent, mais que, dans le cas de défense de leur part, ils ne pourront rien prétendre au droit de cette dixième semaine ;

11° qu'ils ne payeront aucune mouture des grains qu'ils feront moudre pour eux et leur domestique ;

12° que les religieux percevront la dîme où le comte lève le champart ;

13° que le prévôt de Bû, dans le troisième jour qu'il aura obtenu la prévôté, prêtera serment de fidélité au prieur du lieu, et jurera une exacte et inviolable observation des droits des religieux de Jumièges, au sujet des droits susmentionnés, ainsi et de la manière que le tout est déclaré dans le présent acte, et qu'il n'empêchera, en quelque façon que ce puisse être, qu'ils n'en jouissent pleinement ;

14° que le dit seigneur comte, ou tout autre de ses hoirs qui possédera la seigneurie de Bû-le-Château, payera tous les ans, entre les mains du prieur de Bû, par forme d'hommage et pour reconnaître que le château est situé de la dépendance de Jumièges, 10 livres de cire, dont le prieur fera faire un cierge, qu'il enverra à l'abbaye, pour y être allumé et y brûler en l'honneur des apôtres S. Pierre et S. Paul, au jour de leur fête ;

15° qu'en reconnaissance de ce bienfait et d'autres ci-devant accordés, ou qui pourraient l'être dans la suite, les religieux célèbreront tous les ans l'anniversaire du dit seigneur comte, celui d'Agnès de Braine, son épouse, et ceux de ses hoirs, à qui la seigneurie pourrait appartenir après eux (14).

Cette transaction est de l'an 1158, et fut confirmée la même année par le comte Robert et par le roi son frère, qui, pour donner une nouvelle marque de bienveillance aux religieux de Jumièges, prit en sa protection ce qui leur restait de la terre de Bû, afin d'obvier aux nouvelles entreprises du comte ou de ses héritiers.

Vers le même temps, on vit éclater à Jumièges les dissensions domestiques dont les premiers soulèvements, causés à l'arrivée de l'abbé Pierre de Cluny, avaient été comme les avant-coureurs. Le mal était augmenté jusqu'au point que plusieurs de ses religieux écrivirent contre lui au pape Adrien, l'accusant de divers crimes, pour lesquels ils demandaient sa déposition. Mais le souverain pontife n'eût garde de se laisser prévenir par leur clameur, ni de leur accorder ce qu'ils souhaitaient si passionnément, avant d'être mieux informé. Pour y réussir, il renvoya l'affaire à Arnould, évêque de Lisieux (15), avec ordre de faire approcher les parties, et de lui faire son rapport. L'évêque, malgré sa répugnance, accepta la commission ; mais, comme il n'était pas moins habile que désintéressé, il ne jugea pas à propos de contraindre les moines à venir chez lui faire leurs dépositions, persuadé qu'il trouverait plus de lumières sur les lieux, et qu'il ferait lui-même le voyage avec moins de frais et de dépenses qu'une communauté entière, qu'on disait être dans la plus extrême indigence. Il arriva à Jumièges au commencement de l'année 1159, publia les lettres du pape, et reçut le même jour les dépositions de seize religieux contre leur abbé. Les accusations étaient graves, et elles furent poursuivies vivement. Cependant, comme les témoins ne se trouvaient pas d'accord sur les mêmes faits, et que sept d'entre eux étaient fort jeunes, la présomption fut pour l'accusé, et l'évêque le déclara absous, sur le témoignage de trois abbés et de trois religieux, d'une probité reconnue par les accusateurs mêmes, qui, ne voulant pas passer pour des calomniateurs, appelèrent de la sentence. Mais leur appellation demeura sans effet, par la mort du pape Adrien, arrivée à Anagni, le premier jour de septembre de la même année 1159. Si nous en croyons l'évêque de Lisieux, dans la lettre qu'il écrivit au Saint-Père pour lui rendre compte de sa commission, l'abbaye de Jumièges, autrefois respectable à toute la terre, était tombée dans un tel désordre, pour le spirituel et le temporel, qu'à la réserve de trois ou quatre moines, qui tenaient ferme pour la régularité, il n'y avait pas d'apparence qu'elle pût jamais se relever, ni qu'on vît rétablir la paix entre le chef et les membres (16).

Le mal n'était cependant pas venu au point qu'il n'y eût plus d'espérance de l'arrêter, et le souverain arbitraire des cœurs fit bien voir, dans la conduite pleine de miséricorde qu'il tint à l'égard des religieux de Jumièges, où Arnould reconnaît qu'il y en avait encore trois ou quatre qui ne s'étaient point embbarassés dans celle affaire, que les pensées des hommes sont souvent bien différentes des siennes, et qu'il n'y a point de plaies si profondes qu'il ne puisse guérir par sa grâce. Il ne fut pas longtemps à faire connaître cette conduite si admirable et divine, dont il avait caché le secret à Arnould, si toutefois ce prélat n'avait pas des raisons assez fortes pour espérer le rétablissement de la paix dans une communauté de près de soixante religieux, où l'on doit supposer qu'il y en avait au moins quarante qui vivaient dans une parfaite intelligence, puisque, de son propre aveu, dans l'interrogatoire qu'il leur fit prêter, il ne s'en trouva que seize entièrement déclarés contre l'abbé. Quoi qu'il en soit, le moment arriva où Dieu permit que les plus déterminés à poursuivre sa déposition, voyant l'Église agitée par le schisme de deux papes (17), et le jugement de leur appel différé pour quelque temps, à cause de l'irrésolution du roi d'Angleterre dans le choix de l'obédience, furent les premiers à rechercher la paix. Elle fut ménagée par ceux de leurs frères qui étaient demeurés dans la neutralité, et, par un effet de la grâce divine, la réconciliation fut si sincère et si heureusement consommée, qu'on ne vit jamais paraître le moindre ressentiment. C'était environ le mois de février 1160.

Quelques personnes du dehors, charmées d'une réunion si peu attendue, les assistèrent de leurs facultés pour réparer le prieuré de Longueville, qu'on avait abandonné depuis huit ans. Deux ans après, Odeline de Cramesi leur donna, pour la nourriture et entretien de leurs confrères qui desservaient le prieuré de Saint-Pierre et de Saint-Léonard de Montaterre, en Beauvaisis, la troisième partie du moulin de Leurel (18) ; et, afin de rendre sa donation authentique et permanente, elle la fit confirmer par Raoul, comte de Clermont, qui y ajouta dans la suite les deux autres parts dont il jouissait, avec l'île de la Comtesse, et toute la pêche dans la rivière, depuis la pointe de l'île jusqu'à leur moulin. Il confirma aussi la donation, que Gautier de Clermont, son frère, leur avait faite, de sa dîme de Montaterre et de Cressy, tant en grains qu'en vin. La charte est du 7 juin 1162 (19).

L'an 1163. — Alexandre III était alors reconnu en France et en Angleterre pour pape légitime, et c'était en effet le bon parti. L'abbé Pierre et les religieux lui écrivirent en commun, pour le reconnaître aussi, et ils le prièrent en même temps de confirmer les privilèges et les revenus de leur abbaye, afin d'obvier aux contestations et aux entreprises qu'on ne faisait que trop souvent contre les droits et les biens de leur église. Mais le pape était déjà sorti de Rome pour se retirer en France, l'asile ordinaire des souverains pontifes persécutés, lorsque leur lettre y arriva. Nous ne savons en quel lieu Alexandre la reçut, mais il est certain qu'il leur accorda leur demande, par une bulle datée de Bourges, le 4 août 1163, indiction onzième, la quatrième année de son pontificat. Elle est conçue dans les mêmes termes que les précédentes, et ne diffère qu'en ce que le pape y ajoute la confirmation des anciens usages et coutumes de l'abbaye, et des biens qui lui avaient été donnés ou restitués depuis la bulle d'Eugène III, ou qui n'y avaient pas été employés. Voici leurs noms :

la chapelle de Saint-Martin du Trait, avec les dîmes ; une partie de Saint-Martin d'Épinay-sur-Duclair ; l'église et dîme de Notre-Dame de Varèngeville ; la terre d'Emondeville, dans Hautot-l'Auvray ; un trait de dîme dans Vinemerville (20), dans Bourville (21), et Bretteville ; trois maisons dans la paroisse de Saint-André de Rouen, avec le petit bois hors du faubourg la tour d'Alvérède, avec les maisons qui en dépendent ; les prés d'Emendreville (22) ; la chapelle de la Bucaille (23), à Guisiniers ; un hospice à Hannesis, avec une portion de dîme audit lieu et au Bos-Roger ; un moulin à Caudebec, et un à Lillebonne ; le fief et terre de Hauville ; la dîme de Flancourt ; une partie de la dîme d'Epreville (24) et et de Pont-Autou avec un fief et une place de moulin ; un moulin à Corneville ; l'église de Dans, qui est une succursale du Pont-de-l'Arche ; un moulin sur la rivière d'Iton ; la troisième partie des dîmes de Saint-Just (25) ; une terre à Varaville et à Gerouville, proche Coulonces, avec le Mesnil-Renouard ; l'église de la Luzerne, avec un moulin ; un vignoble à Vaux (26) et à Villers-Saint-Paul ; les donations de Raoul et Gautier de Clermont ; quatorze sommes de sel au village de Leure (27), vers l'embouchure de la Seine ; seize septiers à Dive ; et la seigneurie de Bû, avec les églises de Notre-Dame et de Saint-Léger, la dixième semaine dans les moulins des 0rmeaux, et la dîme sur toutes les terres de Bû appartenant au comte de Dreux (28).

À quelque temps de là, deux gentilshommes du Vexin français, nommes Pierre d'Herbeville et Hugues Brotin, s'emparèrent par violence, l'un de la dîme de Saint-Martin de Boafle, et l'autre des bois de Genesville, dépendants de l'abbaye. On plaida longtemps devant les tribunaux les plus proches, et Pierre d'Herbeville fut le premier condamné à la restitution. Il se soumit de bonne grâce à la sentence, et voulut même, pour la rendre plus authentique, qu'elle fut confirmée par Louis VII, en présence duquel il renonça de nouveau à toutes ses prétentions (29). La charte est datée de Paris, l'an 1168, et signée de Thibaud, comte de Blois et de Champagne, et de Hugues, évêque de Soissons. L'abbé de Jumièges, qui avait fait le voyage de Paris, malgré son grand âge, profita de cette occasion pour terminer le différent qui durait depuis plusieurs années entre lui et Hugues Brotin, au sujet des bois de Genesville. Le roi donna commission à Renould de Beaumont de se transporter sur les lieux pour examiner cette affaire, et de mettre des bornes entre les héritages contestés, lorsqu'il aurait connu plus sûrement le droit des parties. Trente témoins furent entendus, et les bornes placées par son ordre, suivant leurs dispositions, en présence de Hugues Brotin et de l'abbé Pierre de Cluny. Les parties se retirèrent ensuite vers le roi, qui ratifia ce qu'avait fait le commissaire nommé de sa part, par une charte de l'an 1169, à laquelle Hugues Brotin se soumit, moyennant 36 livres parisis, que l'abbé lui donna par forme de dédommagement (30).

Pierre de Cluny ne survécut que peu de temps à cet accommodement (31). Il mourut le 20 juin de la même année, selon le nécrologe, où son anniversaire est marqué de seconde classe. C'est donc à tort que la chronique du Bec a mis sa mort en 1166. Il fut enterré dans le chapitre, où l'on voit encore sa tombe en petits carreaux figurés (32), au-dessous de la chaire abbatiale.


ROGER Ier, TRENTE-SEPTIÈME ABBÉ (1162).

Roger, premier du nom, fut élevé, par le suffrage de tous les frères, à la dignité d'abbé de Jumièges, après le décès de Pierre de Cluny. Il était moine du Bec, et s'y distinguait par l'exercice constant de toutes les vertus du cloître, lorsqu'il apprit son élection. Cette nouvelle ne lui enfla pas le cœur ; il n'en parut pas même touché, parce qu'étant résolu de persévérer jusqu'à la fin dans l'état de simple religieux, il crut qu'il aurait assez de force pour soutenir cette épreuve, ou que ses confrères du Bec le fortifieraient contre la tentation, s'il manquait de courage pour y résister. Mais il était choisi de Dieu ; et lorsqu'il vint à leur proposer son dessein, bien loin de les trouver disposés à entrer dans ses vues, ils n'écoutèrent pas même ses remontrances, persuadés que c'était sa vocation, et qu'il remplirait dignement les fonctions d'une charge à laquelle il était visible que Dieu le destinait. Il s'en fallait bien que Roger ne pensât comme eux sur sa capacité et sur les desseins de la Providence en cette rencontre. Plein d'une juste défiance de lui-même, et toujours intérieurement convaincu que Dieu voulait l'éprouver, il s'excusa longtemps, et ne put jamais se résoudre à donner son consentement qu'après un ordre exprès de son abbé. Il prit aussitôt la route de Rouen, pour se faire bénir par l'archevêque Rotrou, et, pendant la cérémonie, les députés de Jumièges, qui ne l'avaient point quitté depuis qu'ils lui avaient été porter l'acte capitulaire de son élection, écrivirent au prieur et à la communauté pour leur annoncer son arrivée. Il fut reçu sous la grande porte de l'église, par tous les religieux en chapes, au son des cloches et avec des marques de distinction qui calmèrent un peu ses inquiétudes, car il craignait toujours que l'esprit de discorde ne fut pas parfaitement éteint parmi eux. On le conduisit ensuite à l'autel et dans tous les lieux dont il devait prendre possession. L'entrevue qui suivit fut telle que les préliminaires lui avaient donné lieu d'espérer. Les religieux se jetèrent à son cou, et, de sa part, il les embrassa avec les témoignages de la plus tendre amitié et de la plus vive reconnaissance.

Mais la grande affaire, et celle qui l'inquiétait davantage, était la régularité, dont il n'avait encore pu juger par lui-même. Il se mit le lendemain à leur tête, et il essaya de les prévenir dans tous les exercices ; mais presque tous firent de même, et, en moins de quinze jours, il eut la joie de reconnaître que ses inquiétudes étaient sans fondement, et que la règle de S. Benoît était observée à Jumièges avec la même fidélité qu'au Bec. En effet, l'abstinence, le jeûne, la retraite, le silence, la fuite des séculiers, le travail des mains, les lectures de piété, l'oraison, l'office divin, et généralement tous les exercices prescrits par la règle, étaient en honneur à l'arrivée de Roger, et nous ne lisons nulle part qu'il ait eu besoin d'autres exhortations que son exemple pour conserver toutes ces pratiques. Cependant la chronique du Bec le loue fort d'avoir procuré de grands avantages spirituels et temporels à l'abbaye ; ce qui semble insinuer qu'il y aurait fait quelque reforme et corrigé quelques abus. Au reste, le bon exemple qu'il donna jusqu'à la fin à ses religieux n'ayant pas peu contribué à maintenir l'exacte discipline qu'il trouvait établie, suffit pour avoir donné lieu à l'éloge qu'elle en fait, et qu'elle couronne d'une gloire plus solide, en nous apprenant que Roger était chéri de Dieu, des rois, et des plus grands personnages du royaume. Sans doute qu'il ne l'était pas moins de ses frères, auxquels il ne cessa de chercher à se rendre utile pendant son gouvernement.

Le premier acte qu'on rapporte de lui pour le temporel, est un accord fait, en 1170, en présence de Rotrou, archevêque de Rouen, avec un clerc, nommé Raoul, que la communauté avait pourvu de l'église de Quillebeuf. Raoul s'oblige à payer 10 livres de rente à l'abbé et aux religieux, et, par le même acte, les religieux font remise pendant, cinq ans, de 60 sols, monnaie d'Angers, pour l'aider à continuer ses études et se faire ordonner prêtre (
33). La même année, Roger porta ses plaintes au roi Henry contre les pêcheurs de Quillebeuf, qui disposaient à leur gré du gros poisson de la Seine, sous prétexte qu'il appartenait au prince. Ses remontrances eurent leur effet ; Henry, roi d'Angleterre et duc de Normandie, déclara, par une charte datée de Westminster, où il était alors pour le couronnement de son fils, qu'il ne prétendait rien sur la pêche de Quillebeuf (34). Il ordonna même à Gilbert de l'Aigle et à Guillaume de Tancarville de faire justice à l'abbé du dommage qu'il avait souffert, et promit de leur en tenir compte à son retour en Normandie (35). Quelque temps après, l'abbé Roger céda aux chanoines réguliers du Bourgachart une place de moulin au Pont-Autou, avec le droit de mouture sur les vassaux de l'abbaye, et le passage franc au port de Jumièges, pour eux et ceux de leurs domestiques qui les accompagneraient, à condition de lui payer, au mois de mars et d'octobre, 100 sols de redevance, et d'être soumis pour le spirituel à l'archevêque de Rouen et à ses successeurs (36). Hugues d'Amiens, prédécesseur de l'archevêque dont il est ici question (37), ne les avait soumis qu'à la visite et à la correction des prieurs de Saint-Jean de Falaise, d'où ils avaient été tirés vers l'an 1142. Roger accorda le même droit de mouture sur les vassaux du fief de Bauville, dépendant de son abbaye, à Robert de Bonnebos et à ses hoirs, moyennant une rente de 100 sols aux jours de Noël et de Saint-Jean-Baptiste ; mais il réserva le jugement de tous les procès à raison de forfaitures, au bailli de la Cour-l'Abbé (38), c'est-à-dire au juge établi par la communauté même sur son fief de Hauville.

Pendant que Roger travaillait ainsi au bien de son abbaye, Richard de Canville en augmenta le revenu, par la donation qu'il lui fit de la tierce partie des dîmes de Hautot-l'Auvray (39), dont ses auteurs avaient déjà donna les deux parts, avec le patronage, au monastère. La charte est de l'an 1171 (40).

L'année suivante (1172), Guillaume, archevêque de Sens et légat du Saint-Siège, confirma, aux religieux de Jumièges le droit de présentation aux églises de Notre-Dame de Bû, de Saint-Martin de Boafle, et de Saint-Martin du Vieux-Verneuil, qu'on voulait leur contester. Rotrou, archevêque de Rouen (41), ratifia aussi, vers le même temps, les donations et restitutions qu'on leur fit de la troisième partie des dîmes d'Épinay-sur-Duclair, de l'église de Croix-Mare, par Guillaume de Vateville, et de 24 mines d'avoines au même lieu ; avec tout ce qu'ils possédaient à Oisy, Vieuxfumé, Coulonces et Dame-Marie, au diocèse de Séez.

Depuis le mariage de Henry II, roi d'Angleterre et duc de Normandie, avec Eléonore d'Aquitaine, répudiée par Louis-le-Jeune, roi de France, la guerre n'avait guère été interrompue entre les deux rois que par des trêves et des traités de peu de durée. Mais elle devint plus funeste que jamais par la révolte des fils de Henry, qui ne craignirent pas de s'élever contre leur père, par les conseils du roi de France. William, roi d'Écosse, et les comtes de Flandres, de Boulogne et de Champagne, entrèrent dans leurs intérêts, et la guerre dura depuis la fin de l'année 1172 jusqu'au commencement de l'automne de l'an 1174, que les trois fils de Henry, ayant été obligés d'abandonner le siège de Rouen à l'arrivée de leur père, firent la paix avec lui, et rentrèrent en grâce, dans une conférence tenue à Gisors le dernier jour de septembre. Ainsi la paix fut rétablie dans tous les états de Henry, mais après un dégât presque général de toute la province de Normandie, et en particulier des plus belles fermes de l'abbaye de Jumièges.

Ce fut à peu près en ce temps-là, c'est-à-dire en 1174, lorsque le roi Henry était encore à Rouen, que l'abbé Roger eut l'avantage de lui faire les premières félicitations de sa victoire et de la soumission de ses enfants, qui fut suivie immédiatement de la paix avec la France. Le roi reçut ses compliments avec beaucoup de bonté, et voulut traiter avec lui du dommage que son monastère avait souffert durant la guerre ; mais Roger se contenta de ses dispositions et ne lui demanda que la confirmation des biens de son abbaye, avec le droit de franchise dans tous les ports de sa dépendance (42), ce qui lui fut accordé par une charte à laquelle nous renvoyons le lecteur curieux de voir d'un coup d'œil les revenus de Jumièges, tant en Angleterre qu'en Normandie (43). Roger, au comble de ses vœux, et plein de reconnaissance pour le roi, se disposait à retourner à son monastère ; mais le cellérier de la maison, vint lui apporter la nouvelle que leurs vins étaient arrêtés à Mantes par les officiers de Louis VII, qui prétendaient exiger d'eux, comme des autres (44), certains droits de passage qu'ils n'avaient jamais payés. L'abbé, sans perdre de temps, se rendit à Paris, pour se plaindre au roi de l'exaction de ses officiers. Ils l'avaient déjà prévenu ; mais le roi, qui considérait l'abbé de Jumièges, ne l'écouta pas moins favorablement, et, ayant pris le serment de cinq des plus qualifiés et des plus anciens bourgeois de Mantes, il lui fit remise de tous les droits que ses officiers pouvaient prétendre, avec défense à eux de rien exiger à l'avenir pour tout ce qui passerait par Mantes à l'usage des religieux de Jumièges (45). La charte est de l'an 1174. La même année, Richard de Vernon en expédia une semblable pour confirmer le même droit de franchise, que Hugues de Vernon, son oncle (46), avait accordé à l'abbaye dans toute la lieue de Vernon, tant par eau que par terre. C'était alors comme aujourd'hui l'étendue de la seigneurie de Vernon, possédée par M. le maréchal de Belle-Isle.

Le reste des actions de Roger nous est tout à fait inconnu, et nous n'entreprendrons pas d'arracher le voile dont son humilité les a couvertes, car c'était sa manière ; il observait le secret des bonnes œuvres qu'il n'était pas obligé de faire en public, aux dépens même de l'édification qui pourrait y être attachée ; mais ce que nous ne pouvons taire, et ce qui met le comble à son éloge, c'est qu'au milieu des horreurs de la guerre, qui dura presqu'autant que son gouvernement, les pratiques de religion furent conservées à Jumièges dans toute leur pureté, et qu'il laissa à son successeur une communauté des plus régulières de toute la province.

Un manuscrit de la reine de Suède, gardé aujourd'hui dans la bibliothèque du Vatican (47), et imprimé en partie dans le premier tome de la bibliothèque du Père Labbe, nous apprend que Dieu lui fit connaître, trois mois avant sa mort, qu'il devait le retirer à lui et le couronner d'une gloire immortelle. Le saint abbé fit part de cet avertissement à ses religieux, qui n'eu voulaient rien croire ; mais, le temps des trois mois approchant, on lui entendit prédire tant de choses qui devaient arriver, qu'un religieux de ses amis lui en demanda l'explication. C'était la veille de l'Assomption de la Vierge : il répondit qu'il n'en pouvait dire davantage, et que, le lendemain, il mourrait. L'événement prouva la vérité de la prédiction, car il mourut le jour de la fête même, après avoir reçu le saint viatique et donné le baiser de paix à ses frères. L'estime et la considération qu'ils s'était acquises, par les services qu'il avait rendus à son abbaye auprès des rois de France et d'Angleterre, et, plus que tout cela le souvenir de sa douceur, de sa modestie, de sa probité, de sa droiture et de l'exacte discipline qu'il avait fait observer, fit tant d'impression sur leur cœur, qu'il fallut différer ses obsèques durant plusieurs jours. Enfin, après l'avoir pleuré tendrement, ils enterrèrent son corps dans le chapitre, lieu ordinaire de la sépulture des abbés (48), et ordonnèrent un service à perpétuité pour le repos de son âme.

La fin de cette lugubre cérémonie ne fut pas celle de leur douleur. Ils ressentirent leur perte si vivement et si longtemps, qu'ils n'auraient pas même songé à lui donner un successeur, si l'archevêque de Rouen ne les eut fait avertir que le roi d'Angleterre avait pris occasion de la vacance du siège abbatial pour nommer un prêtre séculier à la cure de Malleville-sur-le-Bec, dépendante de leur abbaye. Cette nouvelle les tira de leur léthargie ; mais elle ne les détermina pas à procéder à l'élection d'un abbé avant que d'avoir pourvu à la conservation de leurs droits, dont celui de présenter au bénéfice, conjointement avec l'abbé, et seuls pendant la vacance, était sans contredit un des plus incontestables. Aussi le roi ne voulut-il pas s'engager à soutenir sa nomination ; il les pria seulement de l'agréer pour cette fois, et ils le firent, par une nouvelle présentation, sur laquelle le pourvu obtint des provisions de l'archevêque Rotrou, qui ne pensait pas alors comme ses successeurs (49).


ROBERT IV, DIT D'ARGENCES, TRENTE-HUITIÈME ABBÉ (1178).

L'abbaye de Jumièges étant demeurée vacante pendant sept mois depuis la mort de Roger ; les religieux, capitulairement assemblés le 20 mars 1178, élurent pour abbé Robert IV, dit d'Argences (50), leur cellérier. Il avait des mœurs douces, un cœur compatissant, une religion éclairée, et du zèle pour la discipline, préjugé favorable et l'unique garant de la bonne opinion que nous avons de son gouvernement. Lorsqu'il eut pris possession, il donna la cellererie à Roger, qui lui fut offert par tous les frères comme le plus digne de cet emploi, et, de leur consentement, il ratifia les provisions de Rotrou, archevêque de Rouen, en faveur de Richard de Malpalu, que le roi d'Angleterre leur avait proposé pour la cure de Maleville, sur laquelle il se réserva une rente annuelle de 10 sols, par forme de pension.

Vers le même temps, et dans les premiers jours de l'année courante (1178), le nouvel abbé de Jùmièges transigea avec Amaury, comte d'Évreux, au sujet de quelques redevances contestées de part et d'autre. Par cet acte, Robert reconnaît qu'Amaury a droit de prendre tous les ans, au jour de Noël, 30 boisseaux de blés sur les moulins de Duclair, et que ses grains y seront exempts de moutures ; qu'il lui appartient, sur la grange de la Cour-du-Mont, 20 gerbes de seigle et pareil nombre d'orge et d'avoine, 4 mines d'orge au jour de Saint-Michel, et 4 fromages au mois de mai ; 6 pains et 1 setier de vin aux deux visites de la forêt du Trait ; 20 gerbes de seigle et autant d'orge et d'avoine, sur la grange d'Épinay ; 2 setiers de vin au temps des vendanges ; 2 moutons, 24 pains, 2 setiers de vin et 2 setiers de cervoise à la fête de Saint-Pierre ; et 20 pains, 2 moutons, 2 setiers de vin et 2 setiers de cervoise, sur la seigneurie de Norville (51) ; le tout aux conditions que l'abbé et les religieux de Jumièges prendront, dans les forêts du Trait et de Maulévrier, appartenantes aux comtes d'Évreux, tous les bois nécessaires aux réparations des dits moulins, grange et autres édifices qui en dépendent, même les bois de clôture et propres à faire charrues, charrettes et tout autre ustensile d'usage dans la manutention d'une ferme, outre le droit de panage (52), pour eux et leurs vassaux, et 12 hêtres à leur choix.

Robert, comte de Meulant, transigea aussi avec l'abbé et les religieux de Jumièges au sujet de la pêche de Norville et de Vatteville, dont ils jouissaient chacun de leur côté jusqu'au fil de la rivière. Il était facile de vivre en paix, en se contentant chacun de son droit ; mais les pêcheurs du comte firent querelle à ceux de l'abbaye, et prétendirent qu'il ne leur appartenait pas tant d'eau. Le comte, voyant que ces contestations pourraient dégénérer en voie de fait, vint à Jumièges, et proposa à l'abbé et aux religieux de rendre leur pêche commune, sous le serment de deux gardes, qu'ils choisiraient de concert, pour être présents à la pêche et partager également le poisson. Il n'y eut point deux avis sur la condition proposée. L'acte fut dressé et publié dans les deux paroisses, au nom du comte et des religieux (53), et les divisions furent apaisées (54).

La paix ne fut pas le seul fruit que les religieux recueillirent de cet accommodement ; le comte Robert, satisfait du succès de sa démarche auprès d'eux, leur fit remise de deux moutons de redevance annuelle sur le prieuré de Saint-Martin de Boafle, et leur en donna deux autres à prendre au même lieu sur Thomas et Raoul du Montier. La charte est datée de l'an 1178, la même année que le pape Alexandre III tenait un concile général à Rome, où l'abbé de Jumièges fut invité par le cardinal Octavien, envoyé du Saint-Père, pour y appeler les prélats de Normandie. Il s'y trouva trois cent deux évêques et quelques abbés ; mais celui de Jumièges ne voulut point y aller, quelques instances que lui en fit Gille du Perche, évêque d'Évreux, qui y assista seul de toute la province. Peut-être en fut-il détourné par l'archevêque Rotrou, qui était bien aise de l'avoir pour la cérémonie de la translation des reliques de S. Romain, qui se fit le 19 juin 1179, de son ancienne châsse en une nouvelle, enrichie d'or et de pierreries, en présence d'Arnould de Lisieux, de Froger, évêque de Séez, d'Augustin de Wartefort et de plusieurs abbés, entre lesquels Robert d'Argences tenait le premier rang (55).

Cependant le prieur et les religieux de Bû-la-Vieville, membres dépendants de l'abbaye de Jumièges, étaient en procès avec les habitants, pour quelques redevances auxquelles ceux-ci refusaient de se soumettre. Comme ils étaient un jour en conférence au prieuré, l'abbé Robert y arriva, et, surpris d'une si nombreuse assemblée, à laquelle il ne s'était pas attendu, il en demanda la cause, avec tant de modestie, que les premiers auxquels il s'adressa engagèrent les autres, non seulement à traiter avec lui, mais à le prendre pour arbitre de leur différend. Il fut difficile de le gagner, parce qu'il apprendrait que dans la suite sa décision ne leur parût suspecte, mais ils le pressèrent avec tant d'instance, qu'il ne crut pas devoir laisser échapper le moment favorable. Il prit quelques jours pour se mettre au fait de la contestation, et, afin de ne rien faire contre les intérêts des parties, il leur proposa le projet d'accommodement qu'il avait dressé. Tous y applaudirent et convinrent des articles, dont le premier était : 1° que les habitants de Bû, mettant un porc en lard, en donneraient une épaule ou 3 deniers au prieur ; 2° que, chaque maison lui payerait un pain au jour de Noël ; 3° qu'il lui reviendrait 6 deniers de chaque proclamation de justice ; 4° enfin, qu'outre la dîme due aux religieux de Jumièges, il aurait sur la terre des d'Estrées une gerbe par chaque arpent. On renouvela ce traité vingt ans après, sous l'abbé Alexandre, qui gouvernait pour lors l'abbaye en qualité de prieur.

L'abbé Robert, qui n'était allé au Bû que pour faire la visite du prieuré, étant de retour à Jumièges, apprit la mort du curé de Saint-Paër de Trubleville-sur-Duclair. Il assembla la communauté, et, d'un commun avis, on nomma un religieux, que l'abbé fut présenter à l'archevêque de Rouen, qui lui conféra aussitôt le bénéfice, à la charge de payer tous les ans à l'abbaye la pension ordinaire en argent, avec la moitié des oblations, qu'elle était en possession immémoriale de percevoir au jour de Pâques et de la Purification. L'acte est daté de l'an 1181 (56).

Environ six mois après, Gazon de Poissy confirma les religieux de Jumièges dans le droit de faire passer leurs vins à Mantes, par eau ou par terre, sans lui payer aucuns droits (57). Il paraît que son action n'eut pas tout le mérite de la bonne volonté, Philippe-Auguste, fils et successeur de Louis VII, l'ayant obligé à leur donner cette reconnaissance, sur l'inspection des titres qui le leur assuraient. Il y a apparence qu'une crainte politique eut aussi plus de part que la volonté à la permission qu'il leur donna, en 1182, de défricher 61 arpents de bois à Genesville, qu'ils tenaient de la libéralité de Rainsed de Malestor et d'Anselme Talbot. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il n'y a qu'un acte pour ces deux objets, et qu'il fut dressé sous les yeux du roi, en conséquence des plaintes de l'abbé Robert, dont les démarches pacifiques auprès de Gazon avaient toujours été payées d'autant de refus. Quoi qu'il en soit, on ne le vit jamais reparaître dans toutes les contradictions que l'abbé eut à souffrir à ce sujet pendant près de huit ans.

La même année 1182, Robert eut encore un autre démêlé avec le receveur de Dame-Marie au sujet de l'administration des biens du prieuré, dans laquelle il voulait se maintenir, malgré le premier. On plaida quelque temps à la cour de Rotrou, comte du Perche ; mais l'abbé de Jumièges ayant été reçu partie intervenante, le receveur abandonna ses droits, bien ou mal fondés, et renonça même à tous les biens qu'il pouvait posséder à Dame-Marie, moyennant une somme de 225 livres, qui lui fut comptée à l'heure même (58). Robert croyait être quitte après le paiement de cette somme ; mais Rotrou, qui jusque-là n'avait rien demandé, voyant que tout était conclu et ratifié entre les contractants, refusa de donner son consentement, si on ne lui payait aussi 40 livres pour la permission de vendre qu'il accordait au receveur de Dame-Marie, quoiqu'il ne lui lui fût plus rien dû pour des fonds dont il n'était pas seigneur. L'abbé de Jumièges ne voulut pas contester, et l'affaire fut ainsi consommée.

En partant de Belesme, Robert, toujours attentif aux intérêts de sa maison, prit sa route par le Vieux-Verneuil, dont les dîmes lui étaient contestées par le curé, quoique bien instruit de la donation qui en avait été faite à l'abbaye peu de temps auparavant par Richard de Gournay (59). Quelques bonnes raisons que Robert pût avoir pour prouver son droit, il fit néanmoins des propositions d'accommodement au curé, mais la protection d'un gentilhomme voisin le rendit intraitable, et l'abbé n'en put avoir raison que par une sentence de l'évêque d'Évreux et de l'abbé de Troarn, auxquels le pape, Lucius III, successeur d'Alexandre, donna commission d'examiner et de finir cette affaire (60). Robert eut encore recours au pape pour le retrait de quelques biens en Angleterre, et en obtint un bref daté de Véletri (61) le 9 des calendes de juin 1182 (62).

L'année suivante, 1183, Robert, comte de Meulant, donna de nouvelles marques de son estime et de sa bienveillance à l'abbé et aux religieux de Jumièges, en leur cédant la chapelle de Saint-Filibert du Torp, dans la forêt de Brotonne (63), à condition d'y entretenir deux religieux qui prieraient Dieu pour lui et pour sa famille. Afin de n'être pas détournés de ce saint exercice, il pourvut à leur subsistance par la donation des biens qui pourraient leur être plus commodes et plus à leur bienséance (64). On compte, parmi ces revenus, une cour de plus de 9,5 arpents, avec les édifices et le bois adjacent, 60 acres de terres labourables, le marais (65) depuis le Vivier jusqu'au chemin appelé le Banket, et le droit d'écuelle, c'est-à-dire un mets de sa table et une portion de vin, toutefois qu'il résiderait au Torp, ou à Hauville (66), ou même à Vatteville. À quoi il faut ajouter 40 sols de rente sur la forêt de Brotonne, les fruits nécessaires pour leur boisson et celle de leurs domestiques, le bois à bâtir et le panage de leurs porcs et autres bestiaux, avec le droit de prendre chaque jour, dans la forêt, deux charretées de bois mort pour leur chauffage (67). La chapelle de Saint-Filibert a été annexée depuis à l'église de Heurtauville, que l'abbé de Saint-Simon a érigée en succursale de Saint-Valentin de Jumièges en 1727.

Deux ans après la donation de la terre du Torp par le comte de Meulant (1185), Raoul de Varneville, évêque de Lisieux, vint à Jumièges par dévotion, et visita toutes les églises et chapelles de la péninsule. Il y en avait une alors au Mont-d'Avilette, un peu au dessous de Duclair, sous l'invocation de S. Paul, qui tombait en ruine depuis l'établissement une léproserie sur le chemin de Jumièges à Yainville (68). La dévotion de Raoul le porta à entrer dans cette chapelle abandonnée. Il fit sa prière au pied de l'autel, et, le voyant encore dans son entier, il leva la pierre bénite et trouva dessous les reliques de S. Paul, de S. Clair et de S. Ciriace. Il en fit son rapport à l'abbé Robert, et fit tant par ses instances qu'il l'engagea à rebâtir cette chapelle et à la faire desservir par deux religieux de sa communauté (69). On parle encore de deux autres chapelles sur la paroisse de Jumièges ; l'une dédiée à S. Amateur, et entièrement inconnue, si ce n'est celle de Maître Jean Justice (70) ; l'autre à Sainte Austreberte, abbesse de Pavilly, bâtie en son honneur, dès le commencement du VIIIe siècle, en mémoire d'une merveille opérée par la sainte au milieu des bois de Jumièges. Elle rapportait sur un âne le linge de la sacristie, qu'elle avait blanchi ; le loup égorgea son âne dans la forêt. La sainte, sans se déconcerter, arrêta le loup, le chargea du linge et le conduisit à l'abbaye. La chose est possible, mais est-elle vraie ? c'est ce que nous n'osons assurer. Ce que nous savons, c'est que cette chapelle fut détruite par les Danois, qu'elle n'a jamais été rebâtie et qu'on y a planté une croix qui a subsisté jusqu'au XVIIIe siècle (71). Nous ajouterons que l'histoire du loup obéissant et soumis à Sainte Austreberte se voit encore aujourd'hui dans une chapelle de l'église abbatiale, où cet animal féroce est représenté à ses pieds avec la douceur d'un agneau, et chargé d'un fardeau qu'on ne peut distinguer (72).

L'an 1187. — Tandis que pour contenter l'évêque de Lisieux, l'abbé de Jumièges faisait relever la chapelle de Saint-Paul, au Mont-d'Avilette, Henri de Sully, abbé de Fêcamp, lui fit un procès pour 2 muids de vin que l'abbaye de Jumièges exigeait de celle de Fécamp, sur le clos Hardent, relevant de la seigneurie de Longueville. Henri prétendit que cette prestation, dont les religieux de Jumièges avaient de bons titres, n'était qu'une collusion (73) entre eux et l'un de ses prédécesseurs ; qu'on avait abusé de la simplicité de l'abbé de Fécamp, et que par conséquent le traité était nul et invalide. L'affaire ayant été éclaircie par l'abbé de Jumièges et examinée mûrement par les juges, fut terminée à l'avantage de l'abbé Robert, du consentement même de Henri et de ses religieux, l'an 1187.

Nous n'entreprendrons pas d'épuiser tous les titres du chartrier où il est fait mention de l'abbé Robert depuis la première année de son gouvernement jusqu'en 1188, nous aurions trop à faire. D'ailleurs, ce que nous avons dit jusqu'à présent de son attention à veiller aux intérêts de son monastère, renferme ou supplée tout ce détail, et justifie assez l'étendue de son genie dans le maniement des affaires temporelles. Depuis ce temps-là, il rentra dans la solitude et ne travailla plus qu'à se sanctifier lui-même et à avancer le salut de ses frères par l'édification d'une sainte vie. Elle ne fut pas si longue qu'on pouvait l'espérer, mais elle fut un portrait accompli de toutes les vertus religieuses. Aussi fut-il honoré, comme son prédécesseur, des regrets de sa communauté et de tous les habitants de Jumièges, si l'on en excepte un seul, qu'il avait longtemps retenu dans les prisons de l'abbaye pour avoir insulté ses religieux (74). Il mourut le 10 juin 1190, et fut enterré dans le chapitre. Les larmes de tous les assistants firent le plus bel ornement de cette triste cérémonie. Les religieux de Saint-Germain-des-Prés, ayant appris sa mort, offrirent solennellement les divins mystères pour le repos de son âme, moins à cause de l'association spirituelle qu'il avait faite avec eux dans ses voyages de Paris, qu'en considération de son mérite personnel, et de l'estime qu'ils avaient conçue pour sa vertu, son zèle, sa vigilance et sa charité.

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[Notes de bas de page : * = originale ; † = par l'abbé Loth.]

1*.  Archives de Jumièges.

2*.  Archives.

3†.  Tourville : probablement il faut lire Trouville (la-Haule).

4†.  Autieux : ce nom est très commun et nous manquons des éléments nécessaires pour déterminer le lieu auquel il s'applique.

5†.  Gruchet : fief et chapelle à Pont-Authou ; voir Ernest-Poret de Blosseville, Dictionnaire topographique du département de l'Eure, Paris, Impr. nationale, 1877.

6†.  Il faut entendre sans doute : de l'abbaye de Pierre de Cluny.

7*.  Archives.

8†.  Varengeville-la-Chaussé : l'une des deux paroisses dont fut formé Saint-Pierre-de-Varengeville, comme nous l'avons dit plus haut.

9*.  Archives et Cartulaire de Jumièges, c. 283.

10†. Bû : canton d'Anet, arrondissement de Dreux (Eure-et-Loire).

Les religieux de Jumièges n'y possédaient pas seulement des terres, mais un prieuré ou plusieurs d'entre eux résidaient habituellement ; il en sera parlé plus loin.

11†. Coudray-Henri : deux communes d'Eure-et-Loir portent encore aujourd'hui le nom de Coudray. Le Coudray, proprement dit, canton et arrondissement de Chartres, dont il nous paraît être ici question, et le Coudray-au-Perche, canton d'Autholt, arrondissement de Nogent-le-Rotrou, canton d'Autholt. Louis Merlet, Dictionnaire topographique du département d'Eure-et-Loir, Société Archéologique d'Eure et Loir, Paris, 1861, p. 53, n'offre pas moins de quatorze lieux dits du même nom, mais l'affixe Henri n'est joint à aucun d'eux.

12†. Fours à bans : expression qui correspond à celle plus usitée de four banal.

13†. Moulin des Ormeaux : le dictionnaire susmentionné ne cite aucun moulin, mais seulement un écart de la commune de Nogent-le-Rotrou qui porte le nom des Ormeaux.

14*. Preuves de Jumièges, art. 24 ; Antoine Du Moustier, Neustria Pia, Rouen, Berthelin, 1663.

15†. Arnould, ou Arnulphe de Lisieux : était un évêque fort instruit, et qui avait une grande expérience des hommes et des choses. Il a laissé plusieurs ouvrages qui ont été imprimés ; ses œuvres ont été reproduites par M. l'abbé Jacques-Paul Migne, Patrologiæ [latinæ] cursus completus, Paris, 1854, t. CCI. Pendant les quarante ans qu'il gouverna l'Église de Lisieux, il a été chargé de négociations importantes, soit en France, soit en Angleterre, et fut un des légats du pape Eugène III à la deuxième croisade. Saint Bernard a fait dans une de ses lettres (Épître 63) un éloge mérité de ce savant et zélé prélat.

16*. Migne, ibid., «Épître 9».

17†. Schisme de deux papes : Alexandre III et Victor III, auquel l'empereur d'Allemagne avait à peu près seul adhéré et qui eut pour successeurs les antipapes Pascal III, Calixte III et Innocent III ; le schisme, commencé en 1159, ne finit qu'en 1177, par l'emprisonnement d'Innocent, auquel Alexandre III survécut encore quatre ans (1181).

18*. Cartulaire, c. 3 et 4.

19*. Cartulaire, c. 5.

20†. Vinemerville : canton de Valmont, arrondissement d'Yvetot (Seine-Inférieure).

21†. Bourville : canton de Fontaine-le-Dun, arrondissement d'Yvetot (Seine-Inférieure).

22†. Emendreville : aujourd'hui Saint-Sever, près de Rouen.

23†. La Bucaille : formait à Hennesis un quart de fief relevant du fief de la Bucaille, aujourd'hui hameau du Guisiniers ; voir Blosseville, op. cit.

24†. Epreville : Epreville-en-Roumois, canton de Bourgtheroulde.

25†. Saint-Just : plus probablement Saint-Just-de-Longueville ou Saint-Just-lès-Vernon, canton de Vernon.

26†. Vaux : Vaux-sur-Eure, canton de Pacy.

27†. Leure : aujourd'hui section du Havre (Seine-Inférieure).

28*. Preuves, art. 25.

29*. Cartulaire, c. 56.

30*. Cartulaire, c. 16.

31*. Anonyme, Chron. Norm.¹. [¹ C'est-à-dire, les Annales de Jumièges contenu dans la deuxième partie du ms. 553 du fonds de la Reine, à la Vatican, fol. 153-168 ; voir la description qu'en a faite M. Léopold Delisle, Notice sur vingt manuscrits du Vatican, Paris, Champion, 1877, p. 28 et suiv.]

32†. La tombe de l'abbé Pierre a été dessine par les soins de Gaignières, et ce dessin est conservé dans la Bibliothèque d'Oxford, Collection Gaignières, t. V, folio 43.

33*. Cartulaire, c. 213.

34†. Pêche de Quillebeuf : cf., Charles de Beaurepaire, De la Vicomté de l'Eau de Rouen, Évreux, Hérissey, 1856, p. 170.

35*. Cartulaire, c. 214.

36*. Cartulaire, c. 214.

37†. C'est-à-dire l'archevêque de Rotrou (1165-1184).

38*. Cartulaire, c. 187 et Archives.

39*. Preuves, art. 26.

40*. Cartulaire, c. 136.

41*. Cartulaire, c. 153, 220, 383, et 385.

42*. Cartulaire, c. 508.

43*. Preuves, art. 27

44†. Droits de passage pour les vins : cf., Beaurepaire, op. cit., passim.

45*. Cartulaire, c. 68 et Archives.

46*. Cartulaire, c. 70.

47†. Manuscrit de la reine de Suède : serait-ce le ms. n° 553 du fonds de la Reine, décrit par Léopold Delisle, op. cit., pp. 28-52 ; ce qui nous en fait douter, c'est que notre savant compatriote ne fait aucune mention du Père Philippe Labbe, parmi les auteurs qu'il cite comme ayant utilisés ces Annales de Jumièges.

48†. Les corps des abbés étaient en effet inhumés dans le chapitre par rangées ; en commençant par le fond, la première rangée était de dix corps, la seconde de quatre. Le corps de l'abbé Roger, par exemple, fut inhumé au bout de la première rangée, sur une élévation d'une marche ; voir Collection Gaignières, t. V, folio 38. Cette tombe, comme les autres, était en carreaux émaillés.

49*. Cartulaire, c. 229 et Preuves, art. 28.

50†. Robert IV, dit d'Argences : parce qu'il était originaire du petit bourg d'Argences, au diocèse de Bayeux (Calvados), célèbre par son vignoble appartenant aux moines de Fécamp.

51*. Cartulaire, c. 279.

52†. Droit de panage : c'est-à-dire de faire paître leurs porcs dans la forêt.

53†. Sujet de la pêche de Norville et de Vatteville : cf., Beaurepaire, op. cit., p. 165, où l'acte se trouve tout au long.

54*. Cartulaire, c. 342.

55*. Guillaume Bessin, Concilia Rotomagensis provinciæ, Rouen, Vaultier, 1717, p. 162.

56*. Archives.

57*. Cartulaire, c. 71.

58*. Cartulaire, c. 151.

59*. Archives.

60*. Cartulaire, c. 142.

61†. Velletri : dans les anciens États Pontificaux. Un grand nombre des diplômes de Lucius III sont datés de cette petite ville, mais celui dont il est ici question ne figure point dans la collection des Actes de ce pape, réunis dans l'abbé Jacques-Paul Migne, Patrologiæ [latinæ] cursus completus, Paris, 1854, t. CCI.

62*. Archives.

63†. Chapelle de Saint-Filibert du Torp : subsiste encore en partie dans la ferme du même nom, sur le territoire de Guerbaville-la-Mailleraye (Seine-Inférieure), mais aucun de lieux-dits qui suivent ne figure ni sur le cadastre, ni sur la carte forestière.

64*. Preuves, art. 29.

65†. Le marais : c'est-à-dire sans doute la Harelle de Heurteauville, canton de Duclair, arrondissement de Rouen.

66†. Hauville : Hauville-en-Roumois, commune du canton de Routot, arrondissement de Pont-Audemar (Eure).

66*. Cartulaire, c. 67.

67†. Raoul, dit de Venneville, ou de Varneville : ancien sacriste ou Trésorier, puis Grand Archidiacre de l'Église de Rouen (1152-1179), fut également Trésorier de l'Église d'York ; il remplissait les fonctions de Chancelier du royaume d'Angleterre, lorsqu'en 1182, il fut élu évêque de Lisieux, en remplacement d'Arnoul, démissionnaire. Lui-même fut obligé d'abandonner son évêché, après dix ans ou environ d'épiscopat. Il se retira à Paria en l'abbaye de Saint-Victor, où il mourut en 1193. Voir aussi Jean-François Pommeraye, Histoire de l'église cathédrale de Rouen, Rouen, Imprimeurs ordinaires de l'archevesché, 1686, p. 229-230 et Bessin, op. cit., IIe partie, p. 746.

68†. Chapelle au Mont-d'Avilette : cf., l'abbé Jean-Benoît-Désiré Cochet, Répertoire archéologique de la Seine-Inférieure, Paris, Impr. nationale, 1871, col. 812.

69*. Manuscrit de l'abbaye de Saint-Ouen ; et Congrégation de Saint-Maur, Gallia christiana, Paris, 1759, t. XI, p. 779.

70†. Chapelle dédiée à S. Amateur : M. l'abbé Cochet, op. cit., qui identifie cette chapelle de avec celle de Maître Jean Justice, ajoute qu'on ignore jusqu'au lieu où elle était située.

Les Justice étaient une famille noble et puissante du pays, qui eut de graves démêlés avec les religieux de Saint-Wandrille, au temps de l'abbé Geoffroy IV, de Hotot (1367-1389) ; cf., Brève Chronique de l'Abbaye de Saint-Wandrille, dans la Revue rétrospective Normande, année 1837.

71†. Chapelle dédiée à Sainte Austreberte : M. l'abbé Cochet, op. cit., pense que la chapelle dite aujourd'hui de la Mère de Dieu a probablement remplacé la chapelle de Sainte-Austreberthe. Près de là se voit un vieux chêne, qu'on nomme encore le Chêne de l'Âne, en souvenir de la légende.

72†. Representation du loup à la chapelle dédiée à Sainte Austreberte : cf., Hyacinthe Langlois, Essai sur les Énervés de Jumièges, Rouen, Frère, 1838, pp. 13-16 et planche I.

73†. Une collusion : il faut entendre cette expression dans les sens juridique d'entente frauduleuse pour tromper un tiers.

74*. Archives et Cartulaire, c. 47.


«Histoire de l'abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 8

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]