«UN COUVENT DE RELIGIEUSES ANGLAISES À PARIS DE 1634 À 1884» ; CHAPITRE 12


CHAPITRE 12 : GOUVERNEMENT DE MME MARY-GONZAGA HOWELL, 1867-1871.

Début.

Son élection. — Le 4 juin 1867, le nom de Mme Mary-Gonzaga-Martha Howell, sœur de Mme Louisa, sortit de l'urne des suffrages. Elle fut réélue le 8 mai 1868, et depuis ce moment, de quatre ans en quatre ans, elle n'a pas cessé de l'être.

Un grand chagrin allait bientôt affecter la nouvelle supérieure et sa communauté.

La veille de l'élection, le médecin avait déclaré que Mme Louisa était menacée d'une congestion cérébrale, et son état parut si grave, qu'on lui administra les derniers sacrements. Ce n'était qu'une crise. L'espoir revint dans tous les cœurs et l'on redoubla de prières.

Depuis la construction du nouveau couvent, Mme Louisa avait résolu de le consacrer au Sacré-Cœur de Jésus. On attendait, pour la cérémonie, un grand tableau, présent de M. le Supérieur. C'était une représentation de l'apparition du Sauveur à la bienheureuse Marguerite-Marie.

La pauvre moribonde sembla revivre quand on lui annonça l'arrivée prochaine de ce tableau et la détermination prise de faire la consécration le 26 novembre. Par un sentiment délicat, on avait choisi le jour où tombait l'anniversaire de la naissance de Mme Louisa.

Le 13 novembre on la crut à l'extrémité, et les prières des agonisants furent récitées. Tout à coup, d'une voix pleine de vie, elle se mit à dire le Miserere, ajoutant à plusieurs reprises : «Seigneur, je remets mon âme entre vos mains ; Cœur de Jésus brûlant d'amour, purifiez-moi de toutes mes offenses.»

M. le Supérieur vint la voir dans le courant de la journée, et lui demanda si elle était heureuse : «Oh oui, répondit-elle; c'est le plus beau jour de ma vie !»

Mort de Mme Louisa Howell. — Le 15 elle perdit la parole, mais elle semblait jouir encore de toute sa présence d'esprit. Cet état dura jusqu'au lendemain vers 3 heures du matin. À ce moment on lui présenta le crucifix, elle y appliqua les lèvres, et, dans ce mouvement d'amour chrétien, elle rendit le dernier soupir.

Nulle religieuse dans le couvent ne fut plus regrettée ni plus digne de l'être que «Dear Reverend Mother» Mary-Louisa Howell.

Consécration du couvent au Sacré-Cœur. — Le 26 novembre, jour marqué pour la cérémonie de la consécration, était arrivé. Le tableau du Sacré-Cœur venait d'être dépouillé de son voile et, dans son grand cadre doré, il étendait sa vaste toile du tabernacle du maître autel à la hauteur du plafond. La chapelle était ornée comme pour les plus belles fêtes, et l'on voyait entre les chandeliers, sur les gradins, six vases magnifiques offerts par les élèves en souvenir de Mme Louisa.

M. le Supérieur dit la sainte messe, après laquelle on fit la procession du Saint Sacrement autour des cloîtres. Au retour l'officiant lut à haute voix l'acte de consécration de la communauté, du pensionnat, de l'école des pauvres, de la chapelle, de la maison tout entière. Le Très Saint Sacrement resta exposé tout le jour. Il fut convenu ensuite que, chaque année à la même époque, la même cérémonie se renouvellerait.

La grosse épreuve du gouvernement de Mme Louisa fut l'expropriation. Mais, mis à part les regrets et les embarras qu'elle devait causer, c'était vraiment une bénédiction du Ciel. À bref délai, ces Dames eussent été obligées de quitter leurs vieilles masures mal assurées, et d'acheter ou de faire construire ailleurs un nouveau couvent. Grave question d'argent que l'expropriation a résolue en permettant à la communauté d'élever, sans s'endetter, un bâtiment convenable pour elle et le pensionnat, dans l'une des plus belles et des plus saines banlieues de Paris.

D'une tout autre nature était l'épreuve qui attendait le gouvernement de Mme Marie-Gonzague. La communauté allait être condamnée à un exil de onze mois ; et pendant les deux ou trois derniers, elle pourrait se demander sérieusement à toute heure si son couvent existait encore.

Depuis son origine, elle avait traversé peu de moments plus critiques. Mais Dieu, qui ne l'avait jamais abandonnée, ne l'abandonna pas cette fois, et au nombre des grâces qu'il lui accorda, elle doit compter celle de lui avoir donné une supérieure, femme de tête, de sang-froid et à la hauteur des circonstances difficiles.

L'épreuve dont nous parlons est la guerre franco-allemande et la Commune.

La guerre. — Ce fut déclarée par la France à la Prusse le 15 juillet 1870.

Ces Dames apprenaient cette triste nouvelle presque en même temps que la cloche du couvent sonnait à toute volée. et qu'elles chantaient le Te Deum en l'honneur de la proclamation du dogme de l'infaillibilité du pape.

La communauté se prépare au départ. — La distribution des prix eut lieu le 3 août. Déjà bon nombre d'élèves avaient quitté la maison. Bientôt il ne resta plus que les Anglaises, toutes prêtes à partir pour leur pays si les nouvelles, qui n'étaient déjà pas bonnes, devenaient pires.

Cela ne tarda pas. On apprit que les Français avaient été battus à Wissembourg, à Frœscheviller, à Forbach. Toute la frontière était au pouvoir de l'ennemi qui marchait en avant. Non seulement ces Dames renvoyèrent les jeunes Anglaises, mais elles songèrent à partir elles-mêmes. C'était le conseil de leurs amis ; c'était aussi celui de M. Langénieux ; les événements étaient plus pressants encore. Aux défaites précédentes, s'étaient ajoutées celles de Borny, de Gravelotte, de Saint-Privat. Décidément l'ennemi était le plus fort : le courage ne suffisait plus pour l'arrêter. On pourrait retarder sa marche sur Paris ; lui barrer le passage devenait de jour en jour plus difficile. Il avait pour lui l'enivrement de succès inespérés, des provisions en abondance, des troupes désormais aguerries, bien disciplinées, bien commandées, et par-dessus tout il avait le nombre. Est-ce nous, avec les débris de nos armées déjà épuisées par des efforts héroïques, par des privations de tous genres, qui mettrions obstacle à ses progrès ? Sans doute il paierait cher la victoire, mais il avait assez de sang dans ses innombrables combattants pour s'acquitter largement envers elle.

Voilà ce qu'on se disait dans la couvent, et la conclusion était : «Il faut partir.» Mais où aller ? L'une de ces Dames avait sa famille à Nantes. M. et Mme Angebault possédaient, à 15 kilomètres au nord de cette ville, une propriété dans le bourg de Sucé. Déjà Mme la Supérieure avait demandé par lettre à Mme Angebault si elle ne pourrait pas, en cas de nécessité, donner asile à la communauté. La réponse fut des plus empressées. Sur une seconde lettre de Mme la Supérieure annonçant que M. Langénieux conseillait un prompt départ, Mme Angebault répondit courrier par courrier que la communauté était attendue. C'était le 27 août.

Le lendemain, on célébrait la fête de saint Augustin. Après la messe, la communion générale et la bénédiction du Saint Sacrement, on se mit en hâte aux préparatifs de voyage.

Le départ pour Nantes. — Une ancienne élève du pensionnat, Mme Leclerc, offrit une de ses maisons à Paris pour y recevoir les meubles du couvent. Son frère, M. Joseph Rousseau, se chargea de les y faire transporter. Trente places pour Nantes furent retenues dès le matin du 29 par les soins de cet excellent ami ; et le soir, à 7 heures, toute la communauté et son aumônier arrivaient dans des voitures à la gare du chemin de fer de l'Ouest.

En l'absence de la communauté, la maison resta sous la garde du concierge et de sa femme.

Il serait difficile de rendre l'expression d'étonnement, de stupéfaction, d'ahurissement qui se peignait sur la physionomie de nos religieuses, quand elles se trouvèrent au milieu de la foule qui encombrait la gare. D'abord on ne les laissa pas entrer : la salle était bondée de voyageurs et n'en pouvait plus contenir. Il semblait que tout Paris fût là, fuyant, effaré, poursuivi la baïonnette dans le dos par les Prussiens. C'était une fourmilière d'hommes, de femmes, d'enfants qui vociféraient, se poussaient, se piétinaient, se culbutaient, chacun voulant arriver avant les autres au guichet. Enfin comme ces Dames avaient leurs billets dès le matin et que leurs places étaient retenues, M. Rousseau obtint la permission de les faire entrer dans la salle d'attente.

La nuit, pour la plupart de ces Dames, se passa sans sommeil, longue et triste. La prière en remplit les heures, et l'on se résigna mélancoliquement, mais courageusement à la volonté divine.

L'arrivée à Nantes. — On arriva à Nantes le matin. M. et Mme Angebault et le frère de cette dernière, M. Durostu, attendaient la communauté à la gare. Leur accueil fut de la plus aimable cordialité. Ils avaient amené des voitures. En arrivant chez eux, ces Dames trouvèrent un déjeuner préparé.

Vers midi, Mme Angebault emmena Mme la Supérieure et quelques-unes des religieuses pour préparer à Sucé le gîte de la communauté. Celles qui restaient à Nantes partirent, quelques heures plus tard, sous la conduite de M. Angebault et de l'aumônier par le bateau à vapeur qui fait, sur l'Erdre, le service journalier des dépêches.

Quel charmant cours d'eau que cet affluent de la Loire ! Ses flots, il est vrai, manquent de limpidité, et ne présentent qu'un miroir assez terne au ciel qui s'y reflète un peu trop en grisaille ; mais comme les festons de ses rives sont agréablement découpés ! que de petites anses mystérieuses, de petits estuaires ombreux, de petits promontoires, de petits îlots de verdure ! Et à droite et à gauche, tout le long du chemin liquide, que de jolies villas fleuries, à demi-cachées dans les arbres ou se dévoilant tout à coup dans de lointaines et ravissantes perspectives ! En d'autres temps nous eussions bien joui de cette gracieuse et reposante nature. Mais, à l'heure présente, son sourire nous faisait mal. Il nous arrivait amer comme une ironie. À l'autre bout de la France, c'était la bataille, la défaite, la dévastation, l'incendie, la tuerie. Que devenaient les parents, les amis appelés au secours de la patrie ? Combien de leurs tombes compterions-nous au retour ? Et nous-mêmes, quelle destinée nous attend ? La guerre n'en changera-t-elle pas le cours ? S'il y a pour nous un retour, retrouverons-nous notre Neuilly, sa sainte et paisible demeure ?

On se répondait par des espérances. Mais déjà meurtries par plus d'une déception, elles devenaient de plus en plus timides ; et le dernier mot de cette causerie intime avec soi-même, renouvelée bien des fois, dut toujours être : «Père, que votre volonté soit faite et non la mienne !» L'abandon dans la confiance console mieux encore que l'espérance.

L'arrivée à Sucé. — Nous arrivâmes le soir à Sucé. C'est un fort joli bourg d'environ 130 feux. Ses maisons blanches et proprettes s'échelonnent sur une pente au bord de la rivière, et sont dominées par une assez grande église dont la flèche est la partie la plus architecturale. Nous fûmes aussitôt conduits, par M. Angebault lui-même, à la Hautière. C'est le nom, de la maison de campagne où nous devions, selon nos trompeuses espérances, rester peu de temps.

L'étonnement fut grand, chez les habitants du village, quand ils virent passer ce petit bataillon de femmes voilées, enveloppées de longs manteaux noirs. On sut bientôt que c'étaient des fugitives, et la sympathie qui ouvrit les cœurs dès ce moment ne s'est jamais démentie.

M. et Mme Angebault. — L'hospitalité qui nous fut offerte à la Hautière fut large et généreuse. Hélas ! ceux qui nous la donnaient alors ne liront pas sur ces pages l'expression de notre gratitude : ils ne sont plus de ce monde. M. et Mme Angebault sont allés au Ciel — nous en avons la douce confiance — recevoir la récompense de leurs vertus chrétiennes et du bien qu'ils nous ont fait. Mais maintenant qu'ils lisent tout dans le sein de Dieu, qui voit et sait tout, ils voient et savent eux-mêmes que nos sentiments d'aujourd'hui sont ceux d'autrefois, que leur souvenir est non seulement gravé dans les annales de la communauté, mais qu'il est toujours vivant dans ses prières, parce qu'il est de ceux que le cœur rajeunit toujours et que le devoir n'oublie jamais.

L'installation dans la Hautière fut prompte. En général, les religieuses font vite et bien ce qu'elles font : vite, parce qu'elles procèdent avec ordre et méthode ; bien, parce que poursuivant la perfection pour elles-mêmes, elles la recherchent dans les choses confiées à leurs soins. Le point le plus important pour ces Dames était d'avoir une chapelle où elles pussent entendre la messe tous les jours et psalmodier l'office divin. Une chambre un peu étroite mais suffisante fut consacrée à ces pieux exercices, et l'excellent curé qui était alors à la tête de la paroisse fournit tous les objets nécessaires au culte. Puis Mme la Supérieure assigna des limites que les religieuses ne purent pas dépasser. Du reste la règle fut observée, autant que les circonstances le permettaient, pendant tout le séjour de la communauté à Sucé.

Sedan. — On était à peine établi à la Hautière, que d'affreuses nouvelles y arrivaient par le paquebot. L'armée française avait été complètement battue et faite prisonnière à Sedan ; l'empereur lui-même était tombé entre les mains de l'ennemi ; l'émeute avait dispersé la Chambre ; la République était proclamée, sinon acceptée du pays ; et les députés de Paris, réunis sous le nom de gouvernement de la défense nationale, allaient momentanément prendre la direction des affaires.

À partir de ce moment, on parla de moins en moins d'un retour prochain à Neuilly.

On apprit bientôt en effet que l'armée allemande, certaine de ne plus rencontrer d'obstacle sérieux devant elle, s'avançait à grands pas vers Paris ; et, d'autre part, que le nouveau gouvernement était résolu, coûte que coûte, à la résistance.

Investissement de Paris. — Dès le 16 septembre, les Prussiens arrivaient au nord de Paris et jetaient leurs forces principales sur la rive gauche de la Seine. L'investissement commençait. Plus de communications entre la capitale et la province. Les religieuses ne recevaient guère à Sucé que les lettres qui leur venaient d'Angleterre par Saint-Malo. Encore mettaient-elles quelquefois huit à dix jours avant d'arriver. Mais de Paris, point ; et l'inquiétude était vive par rapport au couvent. Une lettre du concierge arriva pourtant par la voie de Tours, vers le 23 septembre. Neuilly, protégé par la forteresse du Mont-Valérien, n'avait rien à craindre de l'armée ennemie dont l'artillerie, malgré sa longue portée, n'arrivait pas jusque-là. Aussi le couvent n'avait nullement souffert.

C'était une consolation.

Mais il était bien évident que la guerre allait se prolonger, et la formation, l'improvisation d'armées nouvelles n'avait pas d'autre signification.

Mme la Supérieure s'inquiétait de cela pour la communauté. Il était fort possible qu'elle fût encore obligée de fuir. Le meilleur asile était l'Angleterre. Elle songea sérieusement à y chercher, pour tout son monde, un nouveau gîte en cas de danger. Mrs Hailes, mère de l'une de ces Dames, Sœur Mary-Austin, lui en offrit un. Mais la pensée de quitter la France était bien dure à la communauté, et, pour y consentir, il aurait fallu une nécessité absolue.

Metz. — Le 13 octobre, nous apprenons la prise d'Orléans ; le 31, la capitulation de Metz.

La communauté était dans la consternation.

L'une de ses occupations depuis quelque temps était de faire de la charpie. Elle allait y mettre plus d'activité encore, s'il était possible, car la guerre se rapprochait de plus en plus.

Marche de l'ennemi vers l'Huisne. — Dès le 6 janvier quatre corps d'armée allemande marchaient concentriquement vers l'Huisne. Sans doute ils ne s'avançaient pas sans rencontrer de la part de nos soldats, la plupart fort inexpérimentés dans la guerre, mais conduits par des généraux d'énergie et de valeur, une résistance plus d'une fois victorieuse. Mais il fallut bien céder le terrain au plus fort, et le 12, le Mans était pris. À la faveur du brouillard l'armée française se déroba, faisant, sans déroute, sa retraite sur Laval. Elle s'établit derrière la Mayenne après en avoir rompu les ponts.

Les Allemands la poursuivirent jusqu'à cette rivière ; et cette marche en avant de l'ennemi jeta de vives inquiétudes dans la Bretagne qui s'attendait à une invasion. Aussi, dès le matin du 27, on vit arriver à la Hautière M. et Mme Angebault venant annoncer à ces Dames qu'ils leur avaient trouvé un refuge à Nantes, chez les religieuses de Sainte-Claire, dans le cas où les Prussiens se répandraient dans le pays.

Heureusement l'armée allemande reçut l'ordre de ne pas pénétrer en Bretagne.

Capitulation de Paris. — Le 31 janvier 1871 nous apprîmes la capitulation de Paris qui cédait à la faim bien plus qu'à la fureur du bombardement. La lutte cessa le 28. Le lendemain, un armistice de 21 jours, prolongé ensuite jusqu'au 4 mars, fut signé à Versailles. Cet armistice avait pour but de laisser au pays le temps de constituer un gouvernement régulier, pour traiter de la paix ou de la continuation de la guerre avec l'Allemagne.

Les élections pour la formation d'une assemblée nationale eurent lieu le 8 février. Le 12, dans notre pauvre petite chapelle, nous implorions, par un Veni Creator chanté de tout notre cœur, les lumières de l'Esprit-Saint pour les élus du suffrage universel. Le 13, ils se réunissaient pour la première fois à Bordeaux. Le 26, les préliminaires de la paix étaient signées à Versailles à 4 heures. Le 4 mars, la paix était conclue. On sait, hélas ! ce qu'elle nous coûtait, et personne non plus n'ignore ce qu'elle coûte au budget européen en hommes, en poudre et en engins, sous le prétexte plus ou moins plausible de l'entretenir.

Ces Dames allaient donc pouvoir rentrer à Neuilly. Toutes les nouvelles qu'elles avaient reçues de leur couvent pendant la guerre étaient rassurantes. Il était dans l'état où on l'avait laissé et prêt à recevoir ses habitants. Déjà même quelques élèves avaient été présentées, tant on avait hâte partout de reprendre le courant de la vie ordinaire si cruellement interrompu.

Ces Dames n'attendaient pour partir que le signal de M. Langénieux. Dans une lettre du 15 février, il leur annonçait qu'il le leur donnerait en temps opportun. Une autre lettre du 10 mars retardait leur départ jusqu'à Pâques qui tombait cette année le 9 avril.

La Commune. — Ce fut une déception pour nos religieuses, mais c'était de la prudence. Les pires instincts révolutionnaires agitaient les masses à Paris. Des manifestations tumultueuses se produisaient autour de la colonne de la Bastille ornée de couronnes et de drapeaux rouges. Une presse furibonde singeait un passé sanguinaire, et parlait déjà de guillotine. Un comité central, sans aucun mandat, organisait les forces de l'insurrection. Le 18 mars, elle éclatait. Les généraux Lecomte et Clément Thomas étaient lâchement assassinés. La garde nationale refusait de rendre ses canons à Montmartre. Le 88e de ligne pactisait avec la foule et lui livrait ses armes. Dans la soirée, le gouvernement prenait la route de Versailles, et le général Vinoy le suivait, à la tête de quinze à vingt mille hommes qu'il arrachait à l'exemple contagieux de la défection. Paris restait alors à la merci des révoltés.

La guerre avait épargné Neuilly ; la Commune ne l'épargnera pas. Ce n'était pas le moment pour ces Dames de revenir.

À Neuilly. — Dès les premiers jours, la garde nationale de Neuilly s'était ralliée aux fédérés de Paris. Mais la lutte ne s'engagea sérieusement entre eux et les Versaillais, sur la rive droite de la Seine, qu'après la défaite, dans la plaine de Rueil, de la droite de l'armée insurrectionnelle. Plusieurs jours cette lutte se prolongea avec acharnement dans Courbevoie et les environs. Le dimanche des Rameaux, 2 avril, les troupes françaises dirigèrent, mais sans succès, leur attaque contre le vieux pont fortement barricadé. Le 7, l'attaque se renouvela. Cette fois, le pont jonché de blessés et de cadavres fut enlevé à 4 heures du soir, ainsi que tout le bas Neuilly. Nos troupes s'y établirent solidement ; et des batteries enfilant l'avenue de Neuilly contre les bastions de la porte Maillot, et l'avenue du Roule contre ceux de la porte des Ternes, furent immédiatement dressées. D'autres batteries prirent position au château de Bécon. Dès ce moment, les fortifications se hérissent des canons de la Commune, et la plus jolie banlieue de Paris est impitoyablement broyée entre les mâchoires de fer de ce monstre hideux qu'on nomme la guerre civile.

À Sucé, ces Dames qui savaient déjà par les journaux anglais l'abandon de Paris aux insurgés, puis l'arrestation des otages, étaient dans la désolation. Ce fut avec stupeur qu'elles apprirent, le jour de Pâques, qu'on s'était battu à Neuilly pendant toute la semaine précédente, que cette ville était en grande partie détruite, et que M. Langénieux avait été arrêté.

Heureusement M. Angebault arriva à Sucé, apportant un journal qui démentait le bruit de l'arrestation de M. Langénieux. Mais pas un mot qui pût rassurer sur le sort de l'établissement.

Une lettre reçue le 14 avril confirma ce que le journal avait annoncé relativement au curé de Saint-Augustin. Il était libre et bien caché. Ce fut une grande consolation pour ses filles. Mais de leur maison, pas de nouvelles ; et sur ce point elles étaient dans une mortelle inquiétude. Aussi faisaient-elles neuvaines sur neuvaines pour la délivrance des otages, pour le salut de leur couvent, pour le prompt rétablissement de la paix, pour leur supérieur, pour leurs amis, etc., etc., etc., et elles puisaient ainsi, dans la prière, la confiance qui les aidait à supporter avec courage la rude épreuve qu'elles traversaient.

Mais, quelque pénible qu'elle fût, elle ne pouvait se comparer pourtant à celle qu'enduraient les pauvres habitants de Neuilly.

Obligés de se retirer au fond des caves, sous peine de périr dans les étages supérieurs traversés par les balles, les boulets, les éclats d'obus, c'était pour eux la nuit perpétuelle, la nuit interminable des pôles : c'était l'étouffement, l'empoisonnement par la respiration des miasmes les plus fétides. C'était la faim, la soif, et quelquefois la mort, qu'on avait voulu fuir, et que l'on trouvait sous l'effondrement des murs, ou dans l'asphyxie de l'incendie.

Les maisons religieuses surtout eurent beaucoup à souffrir. Non seulement elles enduraient les maux de tout le monde, mais les communards exerçaient contre elles une véritable persécution. On ne leur laissait pas de repos. À chaque instant, sous les prétextes les plus ridicules, on y faisait des perquisitions pour y découvrir des armes que l'on savait fort bien ne pas y être, et ces descentes se terminaient ordinairement par des menaces de mort.

Religieux de Sainte-Croix à Neuilly. — Ces êtres-là poussaient leur méfiance affectée ou réelle jusqu'à la dernière limite. On peut lire, pour s'en convaincre, une brochure publiée par les RR. PP. du collège de Sainte-Croix à Neuilly, et écrite par le R. P. Champeau de vénérée mémoire (1). Leur maison, qui se distingue entre les autres par son étendue et son élévation, est placée à l'angle de l'avenue du Roule et de la rue Parmentier, du côté des fortifications. Elle était admirablement située pour recevoir les coups de foudre des canons versaillais et communards.

Ce grand bâtiment inquiétait singulièrement les insurgés. Il ne se passait presque pas de jour qu'ils n'y fissent quelque apparition.

Las de ces visites et menacés d'être passés par les armes si un seul coup de fusil partait de chez eux — ce que l'on pouvait prétexter à chaque instant — les religieux résolurent de quitter la maison et de se réfugier dans le couvent des Anglaises. Le commandant de la porte des Ternes en fut averti, et leur conseilla même de partir le plus tôt possible.

Ils étaient là depuis quelques jours, se croyant en sûreté, mais ordinairement se tenant par prudence dans la cave de l'aumônerie, lorsque, dans la matinée du dimanche, 23 avril, après la messe du R. P. Champeau, supérieur de Sainte-Croix, un mouvement inaccoutumé se produisit sur le boulevard. Bientôt les portes du couvent furent ouvertes ou enfoncées ; et l'ordre fut donné aux sentinelles, placées à toutes les issues, de tirer sur quiconque ferait mine de vouloir se sauver. Cinq religieux furent alors tirés de la cave et des chambres où ils s'étaient cachés, et conduits dans un parloir, où ils restèrent plusieurs heures sous bonne garde (2).

Le bruit de cette arrestation se répandit bientôt parmi les communards des environs, et ils accoururent en grand nombre. Ce mouvement extraordinaire attira sans doute l'attention des artilleurs du Mont Valérien et du château de Bécon, car une grêle de fer et de feu s'abattit sur les murs et dans les cours du couvent, sans produire du reste d'autre effet que de casser la tête à l'une des bêtes fauves qui rageaient contre les Pères. Plusieurs grillaient, dit-on, de les fusiller sur-le-champ.

On les conduisit à la Conciergerie. Le R. P. Champeau et l'un des Frères furent rendus à la liberté par l'influence d'un homme qui était résolu, m'a-t-on dit, à faire jouer le chien du pistolet contre Rigault, son ami, si celui-ci n'eût signé l'ordre d'élargissement. Quant aux trois autres Frères, on les transporta à Mazas et à la Santé, et ils furent délivrés par les troupes de Versailles, au moment même où l'on se disposait à les fusiller.

Les concierges du couvent. — Les mêmes bandits qui avaient procédé à l'arrestation des PP. de Sainte-Croix avaient reçu ordre de mettre la main sur le concierge du couvent et sa femme, Pierre Chanut et Pauline. Ils ne furent pourtant pas arrêtés ; mais Chanut ne dut son salut qu'à une fuite précipitée, pendant laquelle, deux fois, il faillit tomber entre les mains des communards. Il leur échappa comme par miracle.

Sur un avertissement qui lui fut secrètement donné, la pauvre Pauline, menacée d'être assassinée pendant la nuit qui suivit la fuite de son mari, alla le rejoindre dans une cave du voisinage où il était caché. Mais le lendemain, au petit jour, tout paraissant tranquille sur le boulevard, l'un et l'autre rentrèrent dans leur loge.

Bientôt y arrive une bande de gardes nationaux qui somment Pierre Chanut de les conduire à la cave. Il comptera avec eux les bouteilles ; on lui en fournira un reçu, et, si la Commune triomphe, elle remboursera la valeur de la livraison.

Quel bon billet ! Ce si conditionnel est vraiment plein de modestie, et il exprime bien l'honnêteté communarde !

Que se passa-t-il entre ces gens-là à l'occasion de ces bouteilles ? Nous ne saurions le dire. Mais c'est à elles qu'on rattache, d'une manière assez plausible, l'exécution sanglante qui eut lieu, dès le lendemain de leur enlèvement, dans le parc des Religieuses Anglaises.

Fourgons funèbres. — Le matin on vit arriver du fond du jardin, du côté du petit hôtel, deux lignes de fusiliers entre lesquelles marchaient, sur trois rangs, des hommes désarmés. Jusqu'au dernier ils furent passés par les armes. Ces hommes parurent mourir avec courage. On les entendait crier en découvrant leurs poitrines : «Tirez là.» Leurs cadavres furent aussitôt jetés dans des fourgons qui les attendaient à la porte du jardin ouverte sur la rue Parmentier.

Ces fourgons sinistres se présentaient du reste tous les jours à la même porte, et y recevaient le même chargement. Par un contraste vraiment attristant, la salle de récréation du pensionnat, où de jeunes et innocentes enfants prenaient, quelques mois auparavant, leurs ébats, fut changée en un dépôt funèbre où l'on entassait les corps des révoltés tués aux barricades. De là ils passaient aux fourgons qui les emportaient à la fosse commune.

L'armistice. — Nous voici au 25 avril. Le canon s'est tu à 9 heures du matin ; il ne recommencera son œuvre de sang et de ruine qu'à 5 heures du soir. C'est l'armistice ! On l'attend depuis si longtemps ! Le Neuilly honnête et malheureux sort de ses caves, comme un revenant de son tombeau, comme un condamné innocent de sa prison. Le ciel lui sourit. Le ciel s'est fait tout bleu, tout d'or et tout d'air pur pour l'accueillir. Neuilly en est heureux. Mais il a autre chose à faire que de s'abandonner à la jouissance de ce doux réveil de printemps. Il faut qu'il mette à profit pour son salut ces heures, hélas ! trops courtes. C'est pitié de voir cette population hâve, amaigrie, exsangue, fuyant vers Paris ou vers la campagne, emportant comme elle le peut, sur le dos, sur des charrettes, dans des paniers, dans des malles, dans des sacs, du linge, des meubles, des ustensiles de tous genres, tout ce qu'elle a de plus précieux ou de plus nécessaire. Et les malades, et les vieillards, et les femmes portant leurs petits enfants ! c'est un spectacle qui déchire l'âme.

En quelques heures Neuilly est vide de ses habitants. Il n'y reste peut-être pas plus de 3 à 400 personnes.

On conseilla à notre concierge et à sa femme de partir avec leur enfant : ils n'empêcheraient pas l'envahissement de la maison par les communards, et ils seraient infailliblement victimes de la méchanceté de ces coquins. C'était parfaitement juste. Tout ce qu'ils avaient pu faire pour conserver le couvent, ils l'avaient fait au péril même de leur vie. Maintenant que la Commune voulait changer en une caserne cet établissement, c'était folie d'y rester. Ils partirent donc pour Versailles.

Ces Dames, à Sucé, étaient toujours dans la plus complète ignorance de ce qui se passait chez elles ; et il leur fallait tout le calme qu'inspire aux âmes chrétiennes la confiance en la Providence divine, pour les retenir sur la pente de la désespérance.

Nouvelles de M. Langénieux. — Cependant, le 5 mai, une grande joie leur tombait du Ciel. Elles recevaient une lettre de M. Langénieux lui-même. Il était toujours en sûreté chez un ami. Trois fois les insurgés avaient essayé de le surprendre dans son église, pour l'emmener lui aussi et le mettre au nombre de ce qu'ils appelaient les «grands otages». Grâce à Dieu, il leur avait toujours échappé. Du reste, ni le presbytère, ni l'église n'avaient été pillés. Mais du couvent il ne savait rien.

La première nouvelle leur en arriva le 10 mai, par une lettre du R. P. Champeau qui leur écrivait du Mans. Depuis le jour de son arrestation, le 23 avril, il ne pouvait rien dire de la maison ; mais à cette date, elle n'avait encore souffert que des dommages à peu près insignifiants relativement à ceux de son collège.

Enfin, le 14 mai une lettre du jardinier leur apprenait que, depuis le 15 avril, le petit hôtel du fond du parc était occupé par un poste d'insurgés. Dans le grand bâtiment, au dire de cet homme, il y en aurait eu 500 à la même date.

Pillage et profanation du couvent. — Il y a là, croyons-nous, une erreur. Avant l'armistice les insurgés firent des visites domiciliaires dans le couvent, mais ils ne s'y établirent pas. Il en fut autrement après. Le couvent devint une véritable caserne. Alors, sans doute, il eut le plus à souffrir. À l'extérieur, les obus du château de Bécon et du mont Valérien percèrent la toiture du côté du nord, au-dessus de la chapelle, et effondrèrent le pavillon du sud. À l'intérieur, il eut à subir le pillage, les dégradations, les souillures dont les nouveaux habitants furent les ignobles et sacrilèges auteurs.

Ils établirent une chambrée dans la chapelle, brisèrent la pierre sacrée de l'autel, enfoncèrent la porte du tabernacle, enlevèrent un calice qui servait à la messe du R. P. Champeau. Ils mutilèrent les stations du chemin de la croix, les crucifix, les statues de la Vierge et des saints ; les emportèrent, quand ils pouvaient avoir une certaine valeur artistique. Mais, chose singulière ! ils ne touchèrent ni au grand tableau du Sacré-Cœur, ni au crucifix appendu au mur de la salle où ils déposaient les cadavres de leurs camarades. Étaient-ils retenus dans ce dernier cas par un sentiment confus de religion, éveillé dans leur âme au spectacle de la mort ? C'est possible, mais nous en doutons fort. Il est de fait qu'ils ne reculèrent pas devant la profanation du petit monument sépulcral que Mme Mary-Louisa fit ériger dans le cloître, en 1860. Elle y avait renfermé, comme on le sait, les boîtes de plomb qui contenaient les cœurs de plusieurs nobles personnages. Toutes ces boîtes disparurent.

Dans le saccage de la chapelle, ils avaient enlevé tous les tuyaux du grand orgue ; et ils les utilisèrent dans une procession sacrilègement charivari que qu'ils firent de Neuilly à Levallois-Perret (3).

Ceci avait lieu le 19 mai.

La Commune expire. — Le 21, si le théâtre n'avait pas changé, la représentation y avait passé du comique au tragique. La panique s'était mise dans les bataillons des révoltés, et ils n'avaient pas assez de jambes pour fuir dans la direction de la porte de Clichy, laissant derrière eux leurs fusils, leurs sacs, leurs munitions. L'armée régulière était entrée dans Paris par la porte du Point-du-Jour. Elle occupait déjà le Trocadéro et le rond-point de l'Étoile, et elle commençait à former ce cercle de fer et de feu dans lequel l'insurrection devait être enserrée et étouffée. La Commune était à l'agonie, mais cette agonie allait durer sept mortelles journées ; et les dernières convulsions de la bête, furieuse jusqu'à la rage, devaient être terribles. On les connait assez. Nous n'avons à faire ici ni la honteuse et révoltante histoire de l'incendie de nos rues et de nos monuments, ni celle de l'atroce assassinat des otages.

Le dimanche, 28 mai, à une heure après midi, dans le 11e arrondissement, au coin des rues Saint-Maur et Fontaine-au-Roi, le fauve exhalait son dernier rugissement sur la dernière de ses cinq cents barricades.


Suite.

Les Dames Anglaises pouvaient avoir enfin des nouvelles de leur Établissement.

Réparations. — Dès que la Commune eut expiré, le concierge se rendit à Neuilly, et après avoir jugé des réparations à faire, il vint à Sucé. La maison avait beaucoup souffert, mais moins qu'on n'avait pu se l'imaginer. Le plus gros et le plus long du travail serait dans les toitures. Les murs étaient horriblement souillés de badigeons immondes, d'inscriptions stupidement impies, de caricatures grossières ou de figures obscènes. Les parquets étaient couverts d'une couche de fange épaisse et incrustée dans le bois. Dans tous les coins et recoins, il y avait des monceaux d'ordures où pullulaient d'affreux insectes, et l'infection qui s'en exhalait eût été capable de produire l'asphyxie.

On estima que deux mois de travail d'arrache-pied étaient nécessaires, avant que ces Dames pussent rentrer dans leur demeure. Il fallut bien se résoudre à cette prolongation d'exil.

Afin de calmer de légitimes impatiences, l'aumônier, vers la fin de juin, se rendit à Neuilly pour voir où en était la restauration du couvent. Il en rapporta l'assurance que tout pouvait être achevé dans les derniers jours de juillet. Les déblaiements étaient terminés. On avait tiré de la maison un nombre considérable de tombereaux chargés de choses indescriptibles. On avait porté à la mairie plusieurs charretées de fusils ramassés dans tous les coins, et plusieurs barils de poudre déposés, avec mauvaise intention probablement, dans l'une des chambres basses. Les charpentiers, les menuisiers mettaient la dernière main à l'œuvre. Le bâtiment allait être livré aux couvreurs et aux peintres. Bientôt donc il pourrait s'ouvrir à ses hôtes. C'était l'heureuse impression du visiteur. Mais il en avait recueilli une autre pleine de tristesse et qui ne s'est jamais effacée.

État de Neuilly après la Commune. — Pauvre Neuilly ! quel navrant speclacle il offrait alors ! À cette heure sans doute, il se reprenait à la vie. Les arbres de ses grandes avenues qui n'avaient pas été complètement hachés, broyés, sciés par la trombe de fer dont les tourbillons l'avaient enveloppé pendant près de deux mois, essayaient de lui rendre quelque chose de leur premier ombrage. Ses jardins labourés par les obus recommençaient à fleurir ; et des milliers d'hommes, qui ne tremblaient plus pour leur vie : maçons, charpentiers, ouvriers de toutes sortes, allaient, venaient, travaillaient sur les toits, sur des échafaudages ou en dressaient de nouveaux. Certains quartiers présentaient pourtant un aspect plus morne. À mesure qu'on se rapprochait de la Seine, les rues, plus tristes que les sentiers d'un cimetière, s'allongeaient entre deux rangées de ruines, de toitures effondrées, de murs éventrés par le canon, criblés de balles, noircis et rongés par l'incendie. Que de victimes innocentes gisaient sans doute là-dessous ! Que de larmes avaient déjà coulé sur ces décombres ! C'était à fendre le cœur (4).

À notre retour, il fut décidé que la communauté quitterait Sucé à la fin de juillet.

La veille du départ. — «La veille du départ, qui était un dimanche, dit M. l'abbé Grégoire dans ses Essais historiques sur la paroisse de Sucé (5), toute la communauté assista à la messe paroissiale, pour la satisfaction de tout le monde ; l'aumônier exprima publiquement aux bons habitants de Sucé la reconnaissance et les sympathies que lui et les religieuses emportaient de ce village de Bretagne qui leur avait donné l'hospitalité. Le lendemain, en quittant cette chère solitude de la Hautière, qui les avait recueillies proscrites et exilées, plusieurs de ces Dames ne purent retenir leurs larmes. M. le Curé lui-même ne put voir partir sans pleurer ces saintes femmes qui avaient été, pour sa paroisse, des anges de prière et de bénédiction. Entre Sucé et Neuilly, il y a désormais des liens d'affection et de gratitude réciproques que le temps ne pourra rompre. Nous avons gardé de ces vierges exilées un doux et charmant souvenir ; elles ont laissé dans cette maison de la Hautière, dans les allées, sur les pelouses, sous les ombrages, un parfum de piété et d'amabilité que respirent encore ceux qui ont connu et aimé ces intéressantes étrangères.»

Les souvenirs. — Vingt ans se sont écoulés depuis que la communauté a quitté la Hautière. Le temps, ce grand destructeur parfois des plus saintes choses, sait pourtant respecter certains souvenirs, ceux, entre autres, qui ont pris racine dans notre reconnaissance. M. l'abbé Grégoire a raison ; entre Sucé et Neuilly, il y a des liens d'affection et de gratitude réciproques que le temps ne pourra jamais rompre. Pourquoi faut-il que nos regards, en se tournant vers ce petit village hospitalier de la Bretagne, y rencontrent plusieurs tombes de ceux que nous y avons connus ? Déjà nous sommes venus nous agenouiller près de celles de M. et de Mme Angebault. Rendons maintenant nos devoirs à trois morts vénérés : Mgr Fournier, qui nous fit un si bienveillant accueil dans son diocèse ; M. Cartron, curé de Sucé, cet excellent homme, instruit, timide, simple, qui remplaça l'aumônier dans son ministère, pendant que Mme la Supérieure et plusieurs de ces Dames — qu'elles en reçoivent de nouveau nos remerciements — veillaient sur son délire à son chevet ; puis, enfin, M. l'abbé Chesnet, ancien secrétaire de Mgr Angebault, frère de notre hôte, ami de l'un et de l'autre, esprit orné, cœur d'or, homme d'expérience et d'un grand bon sens, qui vint dire la messe à ces Dames, pendant une absence de l'aumônier, et sut les consoler, au milieu de tant de tristesses, par sa conversation toujours pieuse, toujours aimable et toujours spirituelle.

Tous nos amis et toutes nos connaissances de Sucé n'ont pas disparu, grâce à Dieu ! C'est M. l'abbé Thomas, alors vicaire de M. Cartron, qui nous a rendu, avec ce dernier, les plus grands services. C'est une pléiade de jeunes lévites, les uns en vacances, les autres se disposant à entrer au séminaire, aujourd'hui tous prêtres, MM. Grégoire, Fourny, Foucaut, Miché, ce dernier, Dominicain et tout nouvellement parti pour le Brésil. N'oublions pas les bonnes sœurs, voisines de la Hautière. Pour mettre notre communauté plus au large, elles eurent la bonté, jusqu'à la rentrée de leurs élèves, de prêter à ces Dames plusieurs salles de leur école. Et tous ces bons habitants de Sucé, qui se montrèrent si empressés auprès de nous, qu'ils reçoivent de nouveau, en ce moment, les remerciements que nous leur adressions, du haut de la chaire de leur église, la veille de notre départ.

Le retour à Neuilly. — Le lundi matin, 31 juillet, la Communauté dit adieu au village ; le soir, à six heures, à Nantes ; le lendemain, elle rentrait au couvent après un exil d'un an moins vingt-neuf jours.

«Quelle joie, s'écrie la rédactrice du Journal, quel bonheur de rentrer dans notre cher couvent, et de retrouver encore notre chapelle et nos cellules ! Comment pourrons-nous jamais remercier assez le Tout-Puissant d'avoir sauvé notre maison de la ruine, de nous a voir épargné, en nous suscitant de si généreuses amitiés en Bretagne, les souffrances que tant d'autres ont endurées ! Il est vrai, notre maison est encore dans un triste état, bien qu'on ait travaillé à sa restauration pendant plusieurs semaines. Tous les planchers sont couverts de larges taches que seul le temps et beaucoup de travail pourront effacer ; mais la toiture et le plus gros du désordre et des dégâts sont réparés. Il nous faut accepter avec joie les choses telles qu'elles se présentent, et considérer que Dieu a bien voulu veiller sur nous dans l'infinie bonté de sa Providence. Dès que nous serons un peu remises des fatigues du voyage, nous rétablirons l'ordre et la propreté. Cela ne pourra se faire que peu à peu, mais cela se fera, et nous pouvons encore espérer avoir dans notre maison d'heureux jours.»

La malpropreté du couvent inspirait un profond dégoût à ces Dames ; mais ce qui leur causait un véritable malaise moral, c'était la pensée que cette sainte demeure avait été habitée si longtemps par une horde de gens sans foi et sans mœurs. Il fallait au plus tôt la purifier. Aussi, dès le lendemain de l'arrivée, l'aumônier, suivi des religieuses en procession et récitant des psaumes, fit-il partout une aspersion d'eau bénite.

Tous les ornements sacerdotaux furent rapportés de chez M. le Supérieur, qui s'était chargé de les garder pendant la guerre, et, le 3, l'aumônier put dire la sainte messe. Tout le mobilier, confié à M. Rousseau, fut rendu le 4, et l'on put remettre chaque chose à place ordinaire.

Le 13, M. Langénieux vint faire une visite à la maison, et donna la bénédiction du Saint Sacrement. On chanta un Te Deum d'actions de grâces. La clôture, que l'on n'avait pas pu observer jusqu'alors, fut rétablie. Les élèves rentrèrent peu à peu. Leur nombre, à l'ouverture des classes, le 8 octobre, était fort satisfaisant.

Ainsi le couvent revenait à la vie, et les flots de l'humble ruisseau, un instant troublés, reprirent comme par le passé, leur limpide et paisible cours.

Changement de supérieur. — Un changement de supérieur ecclésiastique est toujours un événement grave dans une communauté religieuse : il est le plus souvent pour elle un sujet de vifs regrets, et toujours une cause d'inquiétude. On sait qui s'en va ; on ne sait pas ordinairement qui viendra, et voilà ce qu'on se dit entre religieuses :

«Nous perdons notre père : c'est une désolation. Il nous connaissait si bien, et nous l'aimions tant ! Il portait un intérêt si profond à ceux de la communauté ! Il nous a rendu tant de services par ses conseils ! Il avait tant de tact et de prudence, tant de fermeté et de bonté, tant d'amabilité et de simplicité ! Il savait nous inspirer à la fois le respect et la confiance ; et, sous sa houlette, le petit troupeau marchait toujours tout droit vers son but suprême, la perfection religieuse, dans l'obéissance et la pratique des règles et des constitutions.

Mais qui le remplacera ?»

C'est ce qu'on se disait en octobre 1873 dans la communauté des Anglaises, lorsqu'on apprit que M. le curé de Saint-Augustin, nommé à l'évêché de Tarbes, devait être consacré le jour de la fête de Saint-Simon et de Saint-Jude.

«Nous sommes vraiment désolées de perdre notre cher supérieur, dit le Journal, mais le bien de l'Église le demande, et pour la gloire de Dieu, il faut faire avec soumission notre sacrifice. Du reste, lui-même ne voit rien autre que la volonté divine dans sa nomination, et il accepte avec obéissance le fardeau qui lui est imposé.»

Nomination de M. Legrand comme supérieur ecclésiastique. — Si l'on se demanda d'abord qui le remplacerait, toute inquiétude fut bien vite dissipée. Le 20 octobre, l'archevêque informait Mme la Supérieure que le successeur de Mgr Langénieux était M. Legrand, curé de Saint-Germain-l'Auxerrois, vicaire général du diocèse, ancien confesseur extraordinaire des Dames Anglaises, jouissant de la plus complète estime du clergé, et parlant fort bien l'anglais.

Dix-sept ans se sont écoulés depuis ce temps-là, et nous sommes témoin que les sentiments de vénération et d'affection, conçus bien vite par ces Dames, ne se sont jamais démentis un seul instant.

Accroissement du pensionnat et de l'école gratuite. — Pendant ces quelques années, le nombre des élèves n'a pas cessé de croître au pensionnat. Cela tient aux soins donnés aux études, soit dans les arts, soit dans les sciences ; aux succès constants et remarquables dans les examens publics ; et à l'éducation simple et véritablement familiale que reçoivent les jeunes filles confiées à ces Dames. Nous ne faisons pas ici du prospectus, de la réclame, nous disons, en conscience, ce dont nous avons été témoin pendant environ vingt-deux ans.

Pendant que le pensionnat prenait du développement, l'école établie en 1862 pour les enfants pauvres de Neuilly, et qui dirigée d'abord par les religieuses anglaises, fut ensuite mise aux mains des admirables Filles de Saint-Vincent-de-Paul, cette école s'accroissait également. Elle compte aujourd'hui plus de 80 élèves.

Le couvent, on le pense bien, n'a jamais cessé de s'y intéresser. L'école et le pensionnat, il est vrai, n'ont pas de communication entre eux ; mais il est deux jours dans l'année où les élèves des deux établissements sont momentanément réunies : le jour de la fête de Mme la Supérieure, et le jour de la Sainte-Catherine.

Fête d'été et fête d'hiver. — Les saisons amènent des différences dans la célébration de ces deux fêtes : l'une se passe en été, au dehors ; l'autre, en hiver, au dedans.

En été, le pensionnat accompagné des ses maîtresses vient recevoir ses hôtes dans le parc. De son côté arrive le bataillon enfantin des petites invitées, sous la conduite de deux ou trois de ces réjouissantes cornettes blanches si connues, si respectées et si populaires.

Donne-t-on un signal ? N'en donne-t-on pas ? Nous n'en savons rien. Le fait est qu'une mêlée se produit instantanément avec des cris perçants qui entrent comme des aiguilles dans les oreilles. C'est la liberté, l'égalité et la fraternité qui se produisent là spontanément ; et pas du tout comme ailleurs, car c'est absolument sans mensonge. Les pensionnaires se sont emparées des petites écolières, et alors c'est la balançoire, c'est le char ; ce sont les cordes à sauter, les cerceaux, les balles, les rondes, les jeux où l'on se poursuit, où l'on s'évite, où l'on se cache, où l'on crie beaucoup sans savoir pourquoi, et où l'on court à perdre haleine sans savoir où l'on va. Le fait est qu'on se divertit prodigieusement.

Puis vient le goûter sur de longues tables à l'ombre des arbres. Les plus grandes des pensionnaires sont là autour faisant fonctions d'échansons et de panetiers, comme aux festins royaux des Pharaons.

La prière avant le repas est dite en peu de mots, sans doute pour diminuer le nombre des distractions et des impatiences. Et l'on mange force fruits délectables, force gâteaux tout blancs de sucre, force biscuits, meringues et macarons déjà dévorés des yeux avant que les dents y aient touché. Et toutes ces petites mâchoires se hâtent, tous ces yeux étincellent, toutes ces joues s'empourprent, toutes ces petites têtes éclairées de joie et de vie, ne fussent-elles pas belles, deviennent charmantes.

Pas de toasts. Des grâces pas plus longues que le benedicite, et la volée part, et s'éparpille dans les jardins.

En hiver cela se passe différemment. Le froid rend le parc impossible : on reste dans la maison. Mais on s'amuse encore beaucoup, et les émotions qu'amène la Sainte-Catherine sont peut-être plus vives qu'en été.

C'est toujours le bon goûter, mais c'est de plus une tombola !

Les pensionnaires y ont songé longtemps d'avance. Le règlement leur impose un certain temps de travail à l'aiguille chaque jour. C'est une portion de ce temps qui prépare, pour l'école, la tombola de la Sainte-Catherine. On habille des poupées, on taille, on coud des robes, des jupons, des caracos. On tricote des capelines, des mitaines, des bas. On confectionne avec de petits morceaux d'étoffe coupés en rond, en carré, en losange, blancs, rouges, verts, bleus, de toutes les couleurs, des couvre-pieds doublés d'une ouate bien moelleuse et bien chaude. Et puis... Et puis, on fait encore une foule de choses très agréables ou très utiles dont nous avons le malheur de ne pas savoir le nom. Mais ce que nous avons remarqué entre tous ces objets, ce sont les sacs à surprises.

Les sacs à surprises ! c'est tout le contraire de la boîte de Pandore. Quand on les ouvre, il en sort une foule de petits bonheurs : des croix, des chapelets, des médailles, des coffrets remplis de perles ou de chocolat ou de dragées ; ou bien des ciseaux, des étuis, des pelotons de fil, tout un attirail de couturière, mille choses cachées au fond de ce sac et auxquelles on ne s'attendait pas.

Le moment où l'on va tirer la tombola est le moment solennel du jour, le moment des battements de cœur en face des incertitudes du sort. On gagnera, on en est bien sûr : tout le monde gagne. Mais que gagnera-t-on ? De tous les côtés on entend : «Moi, je voudrais avoir ceci ; moi, je voudrais avoir cela.» Mais le désir le plus généralement exprimé entre toutes ces cupidités de petites filles est : «Moi, je voudrais un sac à surprises.»

Le sac à surprises restera décidément l'éternel triomphe de la tombola de la Sainte-Catherine.

Le jubilé de la 250e année. — À partir du remplacement de Mgr Langénieux par M. Legrand, comme supérieur de la maison, jusqu'au 23 juin 1884, le Journal n'enregistre plus aucun fait qui puisse intéresser d'autres personnes que nos religieuses. Mais à cette dernière date on célèbre le cinquième jubilé de la fondation du couvent.

Jamais fête, pendant les 250 années de l'existence de cet établissement, n'eut plus d'éclat à l'intérieur, ni plus de retentissement au dehors. Elle commença le 23 juin dans l'après-midi et se termina le soir du 25.

Plusieurs jours d'avance on se mit aux préparatifs. Le grand tableau du Sacré-Cœur, au-dessus de l'autel de la chapelle, les trois tableaux des fondateurs, les murs du cloître, des principales salles de la maison, devaient être ornés de guirlandes, de couronnes, de tentures, de drapeaux anglais et français, de bannières et d'oriflammes. Sur les unes on verrait la date de la fondation, ou les armes du Souverain Pontife, ou celles de l'archevêque de Paris, ou celles encore de l'Angleterre et de la France. Sur les autres, on lirait des invocations au Sacré-Cœur, à saint Augustin, ou bien des devises et des textes de l'Écriture appliqués au passé ou exprimant des souhaits d'avenir. Dans la chapelle, des candélabres portant une multitude de bougies, disposés symétriquement des marches de l'autel au tabernacle, entre des vases de fleurs et des palmiers, formeraient comme un buisson ardent. Des plantes exotiques devaient être placées dans tous les coins, sur tous les rebords des fenêtres des salles où l'on se réunirait.

Il s'agissait de changer ce petit coin du monde, le couvent, en un coin de paradis terrestre.

Ce n'est pas tout. On chante dans un paradis, et il fallait préparer la musique. Les élèves auraient à fournir vingt-deux chœurs avec accompagnements, onze morceaux d'orgue et piano, deux morceaux d'orgue, piano et violoncelle, et un morceau de harpe. Des solos seraient chantés à la chapelle par des voix d'artistes exceptionnellement belles et exercées.

En outre, il fallait trois compliments : l'un pour Son Éminence le cardinal Guibert ; l'autre pour Son Excellence le nonce Mgr di Rende ; le troisième pour Sa Grandeur Mgr Richard.

Enfin l'aumônier donnerait tous les soirs une conférence sur les origines du couvent.

Mais la petite école sera-t-elle oubliée ? Pas du tout. Elle viendra, chaque jour, recevoir la bénédiction des princes de l'Église qui veulent bien honorer cette fête de leur présence, et puis elle aura sous les arbres un de ces charmants petits goûters qui font son bonheur. Elle visitera aussi la maison comme les invités qui, le premier jour au moins, pourront la voir partout — excepté le quartier de ces Dames — et se promener dans le parc.

Ne demandez pas si les morts n'auront pas quelque part à ces solennités : on ne les oublie jamais dans les couvents. Ici l'esprit, rendu insoucieux des choses qui passent, est sans cesse, par la pensée même des choses éternelles, ramené au souvenir de ceux qui ne sont plus. Cinquante messes seront dites, pour le repos des membres de la communauté, de ses amis et bienfaiteurs défunts, pendant les trois jours de la fête.

Voilà le programme. Il fut ponctuellement exécuté.

La veille, le petit campanile du couvent retentit d'une longue sonnerie qui fut énigmatique pour bien des gens.

Cinq fois cinquante coups, et après chaque cinquantaine une volée pleine de mouvement et d'entrain ! Qu'est-ce que cela ? Ce n'est certainement pas le glas funèbre d'une agonie ; ce n'est pas le tocsin d'alarme ; mais ce n'est point non plus un appel ordinaire : il y a là un mystère auquel les curiosités d'alentour voulaient être initiées.

L'explication est simple : c'est le couvent qui célèbre la vigile de sa fête, qui de sa voix la plus sonore et la plus joyeuse dit à tous : «Comptez : j'aurai demain cinq fois cinquante ans ; autant d'années que de fois ma cloche tinte ; et, pour chaque demi-siècle, elle chante à Dieu, en notes pressées, éclatantes, l'hymne de ma reconnaissance pour la longue vie qu'il m'a faite, pour les grâces sans nombre qu'il m'a accordées, pour la protection dont il n'a cessé de me couvrir.»

Le lendemain, à 2 heures, Son Éminence le cardinal archevêque de Paris arriva au couvent et fut reçu avec le cérémonial ordinaire, qui se renouvellera le second jour pour Mgr di Rende et le troisième pour Mgr Richard.

Le cardinal archevêque a amené avec lui Mgr Belouino, ancien évêque d'Hiéropolis.

Son Éminence donne la confirmation à plusieurs élèves, fait une courte mais substantielle instruction aux jeunes confirmées, adresse quelques mots de félicitation aux religieuses, et cède la parole à Mgr Belouino. Le discours de l'évêque est rempli des souvenirs de la maison et renferme également de sages leçons pour l'avenir. L'orateur donne la bénédiction du Très Saint Sacrement, et la cérémonie se termine par un Te Deum chanté avec un parfait ensemble par toutes les élèves et les religieuses.

Son Éminence visita la communauté, le pensionnat, l'école, et fut conduite dans une salle où se trouvait préparée une exposition qui l'intéressa vivement.

Sur une longue table, on avait étendu cinquante chasubles avec leur manipule, leur étole, et une quantité considérable de linges d'autel confectionnés par les élèves et par ces Dames. Ces ornements sacerdotaux étaient destinés aux paroisses pauvres d'Angleterre et de France indistinctement. On se souvenait de l'hospitalité donnée par notre pays aux mauvais jours ; mais on ne pouvait pas, on ne devait pas oublier la patrie. «Le cinquième jubilé d'un couvent anglais, disait Son Éminence le cardinal Manning dans la lettre de félicitation qu'il adressa à ces Dames, le 24 juin, est un témoignage de l'amour et de la sollicitude de notre bon Maître et en même temps un lien avec la vieille Angleterre du passé.» On peut dire aussi que, par le don de leur charité aux pauvres églises des deux pays, ces Dames ont fait comprendre que leur couvent était comme un lien entre les catholiques de France et les catholiques d'Angleterre.

Pendant que le cardinal Guibert se retirait, bénissant sur son passage, comme Notre-Seigneur, les petits enfants que lui présentaient leurs mères, les invités se répandaient dans la maison, dans les cloîtres et dans le parc.

À ce propos un correspondant du Times, dans un article fort bien rédigé sur le jubilé de la maison, s'exprime ainsi :

«On ne saurait concevoir rien de plus opposé aux idées répandues dans le vulgaire sur l'aspect lugubre d'un couvent, que le spectacle dont nous avons été témoin aujourd'hui. A voir l'air d'aisance et de bonne humeur des parents, des élèves et des religieuses elles-mêmes, il est clair que c'est l'air habituel de la maison, et qu'il n'a pas été emprunté pour la circonstance.»

Cette remarque est fort juste. Nous ne croyons pas qu'il soit un lieu au monde où l'on rie de meilleur cœur que dans un couvent. Certes, on ne s'y livre jamais à une gaieté folle, à des éclats de rire trop tapageurs : on laisse ces vigoureuses expressions de joie débordante aux enfants qui en ont besoin. Mais on n'y rit pas seulement du bout des lèvres, et surtout on n'y prend pas des airs de statues funéraires. On s'en méfie même, quand on les aperçoit sur la figure d'un sujet qui veut entrer en religion. On soupçonne qu'il y a là peut-être un caractère mélancolique, l'une des pestes des communautés, et on l'examine soigneusement avant de l'admettre. Encore une fois on rit dans les maisons religieuses, parce qu'on s'y rappelle le précepte de saint Paul : «Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur ; je vous le répète, réjouissez-vous.» Et puis on se rappelle également la parole du divin Maître : «Quand vous jeûnez, ne vous faites pas, comme les hypocrites, des dehors tristes.» On rit franchement, simplement, convenablement, d'un rire qui sort surtout de la joie habituelle d'une bonne conscience.

Les bénédictions. — L'un des grands bonheurs de cette journée fut la réception d'un télégramme de Rome, apportant la bénédiction apostolique du Saint-Père pour la supérieure, la communauté et les élèves. Cette faveur avait été sollicitée et obtenue par une amie de la maison, Miss Katie Boothby.

Le second jour de la fête jubilaire laissa tout le monde aussi satisfait que le premier.

Son Excellence Mgr di Rende, nonce apostolique en France, arriva à 8 heures. On chanta l'antienne, Tu es Petrus et super hanc petram œdificabo Ecclesiam meam, de Franck. Son Excellence dit la sainte messe, et fit ensuite les mêmes visites que celles qu'avait faites Mgr le cardinal archevêque de Paris. À 10 heures et demie on se rendit au déjeuner. Il fut royalement ordonné. Quelques invités firent défaut ; mais 17 personnes y prirent part. On n'y porta aucun toast. Les orateurs pourtant ne manquaient pas. Outre M. Legrand, nous avions le R. Père Didon, M. l'abbé Charles Perraud et M. l'abbé Planet. M. Legrand, en quelques mots familiers, mais pleins d'à-propos, remercia Son Excellence pour la bénédiction et les vœux adressés au couvent par le Saint-Père. Il la remercia également d'avoir bien voulu honorer de sa présence cette réunion qu'il pouvait appeler une réunion de famille. Puis il ajouta plaisamment que le représentant du Souverain Pontife à Paris était assez jeune pour pouvoir présider au sixième jubilé du couvent.

Son Excellence répliqua que cela n'était pas impossible. Ses prédécesseurs à l'archevêché de Bénévent étaient tous morts octogénaires, bien que la ville eût la réputation d'être malsaine. Mais qu'il pût voir ou non le jubilé futur, il se souviendrait toujours avec plaisir de celui de 1884, et il souhaitait toutes sortes de bonheurs et de prospérités aux religieuses anglaises de Neuilly.

La bénédiction fut donnée dans l'après-midi par M. l'abbé Planet, aumônier de l'Asile de Sainte-Anne et ami particulier de la maison.

Le troisième jour, M. Legrand dit la messe et fit une fort remarquable allocution toute de circonstance.

À trois heures, Mgr Richard, archevêque de Larisse, coadjuteur de Son Éminence le cardinal archevêque de Paris, vint clore le triduum jubilaire. Il nous parla, avec l'onction de sa piété profonde et en se plaçant au point de vue pratique, des choses qui remplissaient alors tous les esprits dans son auditoire. Puis il donna la bénédiction du Très Saint Sacrement. Comme le cardinal et le nonce, il visita les habitants grands et petits du couvent, l'exposition des chasubles, et il se retira.

Le troisième jour se termina comme les précédents par une conférence.

Les reportages du jubilé. — De nombreux journaux de France et d'Angleterre, de Paris et de la province rendirent bientôt compte de ce triduum. Les principaux furent La Semaine religieuse du diocèse, Le Matin, Le Figaro, The Morning News alors imprimé à Paris, The Daily Chronicle, The Times, The Standard, The Catholic Times, The Globe et un journal de Sens où une ancienne élève de la maison, Mme L.-B. de C., donna un article rédigé autant avec le cœur qu'avec l'esprit.


Épilogue.

Arrêtons-nous à cette fête jubilaire ; aussi bien les sept années suivantes appartiennent-elles à une période nouvelle, dont la durée et les vicissitudes sont encore le secret de Dieu.

Ces années, du reste, ont été prospères sous la direction intelligente de Mme Marie-Gonzague. Depuis plus de 140 ans la communauté n'a jamais été plus nombreuse, et nous ne pensons pas qu'on ait jamais compté plus d'élèves au pensionnat, même aux plus beaux moments de cette institution.

Mais l'épreuve traverse toutes les destinées terrestres. Sans pouvoir rien préciser de ce que la Providence réserve à la communauté des Dames Anglaises, dans les luttes de l'existence, nous ne craignons pas d'affirmer que, par plus d'un côté, leur avenir ressemblera à leur passé. Quand la guerre est déclarée à l'Église, il n'est pas possible que les sociétés religieuses, placées à l'avant-garde, n'aient pas de rudes combats à soutenir. En conclusion de cette histoire, nous dirons à ces Dames avec le grand apôtre des nations : «Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont prêché la parole de Dieu, et imitez leur foi (6).» Souvenez-vous de lady Tredway, de Thomas Carre, de Mgr Smith, de cette longue suite de supérieures, de simples religieuses (7), d'aumôniers qui ont marché devant vous et vous ont tracé la voie. Souvenez-vous de leur patience, de leur résignation, de leur courage. Voyez comment ils ont supporté la faim, la misère, le dépouillement, la privation des secours religieux, sans regimber contre la volonté divine, sans murmurer contre ses impénétrables décrets. Voilà les grands enseignements, avec ceux de la simplicité, de l'obéissance, de la pauvreté, qu'ils n'ont cessé de vous donner durant plus de deux siècles. Songez qu'aux heures où tout semblait désespéré, rien n'a pu ébranler leur confiance, parce que cette confiance avait pour fondement inébranlable leur foi. Quelles que soient donc les épreuves que vous ménage l'avenir, si vous voulez en triompher, comme l'ont fait vos ancêtres dans la vie religieuse, le regard fixé sur ces grandes et généreuses âmes, soyez les imitatrices de leurs vertus.

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[Notes de bas de page.]

1.  [Jusqu'ici, cette brochure, écrite par le Révérend Père Louis-Dominique Champeau, n'a pas été identifiée.]

2.  Ces cinq religieux étaient : le Révérend Père Champeau, supérieur ; les Frères Grégoire et Bernard, assistants généraux ; le Frère Hëliodore, économe, et le Frère Ernest.

3.  Voir Neuilly sur la Commune, déjà cité [cf., 1].

4.  Voir dans Neuilly pendant la Commune, page 176, l'émouvant tableau, tracé par le Révérend Père Champeau, de Neuilly après le départ des insurgés.

5.  [Grégoire, P., Essais historiques sur la paroisse de Sucé : commune de la Loire-Inférieure, Nantes, Forest et Grimaud, 1876.]

6.  Hebr. 13:7.

7.  Voici la liste chronologique des religieuses de chœur décédées depuis l'origine du couvent jusqu'à la fête jubilaire de 1884 [à l'origine, Appendix A du livre], où le premier des deux nombres unis par un trait [—], marque l'année de sa profession, et le second, celle de sa mort. Noter qu'on donnait le titre de prieure à une religieuse qui gouvernait le monastère sous l'autorité suprême de l'abbesse ; à partir du moment où celle-ci disparut, la prieure prit le nom de supérieure dans le monastère.

Lettice Mary Tredway, 1615 — 1677, unique abbesse ; Margaret de Bury, 1621 — 1662, prieure ; Bridget Mollyns, 1685 — 1665 ; Dorothy Mollyns, 1635 — 1689, supérieure ; Eleonore Skinner, 1635 — 1679 ; Sarah Morgan, 1635 — 1663 ; Mary Seaburne, 1635 — 1664 ; Mary Millote, 1635 — 1636 ; Elizabeth Wray, 1635 — 1658 ; Mary Magdalen Wray, 1635 — 1694 ; Mary Monica Gildon, 1636 — 1690, Prieure ; Margaret Donner, 1637 — 1641 ; Catherine Kinne, 1637 — 1638 ; Dorothy Clifton, 1638 — 1697 ; Mary Talbot, 1639 — 1677 ; Margaret Monica Parker, 1640 — 1697 ; Ann Ashley, 1641 — 1657 ; Martha Seaburne, 1641 — 1697 ; Lucy Brooke, 1641 — 1709 ; Mary Percey, 1642 — 1649 ; Mary Blount, 1642 — 1684. Cecily Blount, 1642 — 1642, novice ; Catherine Green, 1643 — 1650 ; Elizabeth Bachelier, 1643 — 1667 ; Ann Bydulph ou Biddulph, 1643 — 1667 ; Elizabeth Perpetua Ireland, 1643 — 1682 ; Ann Mollyns, 1644 — 1697 ; Margaret Paston, 1646 — 1697 ; Frances Waldegrave, 1647 — 1656 ; Pulcheria Dorothy Eyre, 1641 — 1701, supérieure ; Monica Saint-George, — 1647, novice ; Ann Austin Waldegrave, 1648 — 1710 ; Winefride Brown, 1648 — 1695 ; Elizabeth Brown 1648 — 1691 ; Barbara Waferer, 1648 — 1710 ; Frances Paston, 1649 — 1650 ; Margaret Simmons, 1649 — 1699 ; Agnes Green, 1649 — 1690 Margaret Elizabeth Hornyold, 1649 — 1704 ; Agnes Simmons, 1650 — 1658 ; Ann Clare Kinne, 1650 — 1701 ; Elizabeth Ursula Hornyold, 1552 — 1653 ; Agatha Tourner, 1652 — 1720 ; Agnes Paston, 1653 — 1693 ; Eugenia Perkins, 1654 — 1699, supérieure ; Elizabeth Ursula Cobbe, 1655 — 1687 ; Ann Bartelett, 1656 — 1669 ; Elizabeth Christian Tyldesley, 1656 — 1719 ; Jane Jones, 1657 — 1671 ; Frances Thecla Letchmer, 1657 — 1706 ; Ann Tourner, 1607 — 1733 ; Barbara Gertrude South, 1658 — 1704 Ann Tyldesley, 1659 — 1720, supérieure ; Winifred Jones, 1659 — 1685 ; Mary Homyold 1659 — 1689 ; Mary Howard, 1659 — 1709 ; Frances Homyold, 1660 — 1666 ; Alexias Richardson, 1660 — 1708 ; Mary Stourton, — 1661, novice ; Mary Ann Perkins, 1661 — 1712 ; Frances Elston, 1661 — 1662 ; Dorothy Tyldesley, 1662 — 1705 ; Ann Teresa Lendesay, 1663 — 1667 ; Elizabeth Anderton, 1664 — 1736 ; Elizabeth Salmon, 1665 — 1673 ; Dorothy Austin Cobbe, 1665 — 1732 Dorothy Haccon, 1668 — 1715 ; Helen Homyold, 1669 — 1709 ; Elizabeth Bromich, 1669 — 1714 ; Ann Windsor, 1670 — 1709 ; Ursula Brathwait, 1676 — 1709 ; Catherine Lawson, 1676 — 1677 ; Catherine Clarkson, 1676 — 1729 ; Petronilla Tilden, 1677 — 1713 ; Alatheia Teresa Howard, 1677 — 1709 ; Ann Biddulph, 1678 — 1709 ; Mary Perkins, 1678 — 1704 ; Elizabeth Teresa Petre, 1679 — 1720 ; Mary Austin Gage, 1679 — 1718 ; Elizabeth Ann Meynell, 1679 — 1738 ; Elizabeth Mectilda Betts, 1680 — 1682 ; Alatheia Paulina Stafford Howard, 1681 — 1684 ; Mary Magdalen Tourner, 1682 — 1689 ; Elizabeth Joseph Yate, 1683 — 1742 ; Margaret Towneley, 1683 — 1731 ; Dorothy Witham , 1683 — 1718 ; Thomasin Fenwick, 1683 — 1689 ; Mary Fenwick, 1683 — 1694 ; Mary Witham, 1684 — 1685 ; Margaret Howard, 1684 — 1742 ; Elizabeth Howard, 1684 — 1707 ; Anna Mary Yate, 1685 — 1709 ; Winifred Frances Hennage ou Heneage, 1685 — 1719 ; Elizabeth Mary Middleton 1685 — 1727 ; Helen Sophia Fairfax, 1685 — 1728 ; Mary Yate, 1687 — 1741 ; Ann Frances Throckmorton 1687 — 1734, supérieure ; Ann Mary Petre, 1688 — 1731 ; Catherine Salkeld, 1690 — 1709 ; Ann Monica Weeden, 1691 — 1720 ; Mary Elizabeth Conquest, 1691 — 1755 ; Alicia Elizabeth Englefyld, 1691 — 1744 ; Maria Knype, 1692 — 1743 ; Catherine Knype, 1692 — 1740 ; Mary Bernard Perkins, 1698 — 1728 ; Ann Winefride Leyburne 1693 — 1705 ; Helen Mary Englefyld, 1694 — 1724 ; Ann Justina Hales, 1695 — 1720 ; Cecily Justina Towneley, 1695 — 1709 ; Mary Roper, 1695 — 1716 ; Dorothy Genovefa Conquest, 1696 — 1753 ; Mary Monica Martinash, 1696 — 1754 ; Frances Constance Molyneux, 1698 — 1733 ; Mary Alipia Witham, 1700 — 1754, supérieure ; Philadelphia Mary Magdalen Roper, 1700 — 1748 ; Mary Aurelia Hunt, 1700 — 1768 ; Barbara Xaveria Martinash, 1701 — 1759 ; Mary Austin Apolonia Widrington, 1701 — 1718 ; Dorothy Teresa Witham, 1702 — 1742 ; Ann Joseph Martinash, 1706 — 1757 ; Eleonor Helen Austin Tyldesley, 1707 — 1760 ; Mary Magdalen Teresa Middleton, 1711 — 1773 ; Elizabeth Teresa Pulcheria Throckmorton, 1714 — 1760, supérieure ; Mary Catherine Throckmorton, 1714 — 1792 ; Teresa Carter, 1720 — 1772 ; Bridget Blundell, 1722 — 1781 ; Ann Stonor, 1725 — 1739 ; Ann Pauline Elizabeth Salkeld, 1726 — 1774 ; Maria Barbara Ambrosia Bowens, 1727 — 1769 ; Mary Ann Frances Wollascott, 1727 — l751 ; Frances Perpetua Preston, 1728 — 1790 ; Mary Christina Preston, 1728 — 1788 Lucy Agatha Willis, 1729 — 1764 ; Margaret Joseph Aston, 1733 — 1769 ; Mary Agnes Frances Fermor, 1740 — 1794 ; Mabella Mary Austin Bishop, 1744 — 1765, supérieure ; Ann Justina Taylor, 1744 — 1764 ; Mary Winefrid Cooper, 1748 — 1779 ; Frances Louisa Lancaster, 1750 — 1808, supérieure ; Agnes Joseph Walton, 1750 — 1770 ; Mary Joseph Blount, 1751 — 1758 ; Alicia Mary Frances Saunderil, 1755 — 1789 ; Dorothy Joseph Shelley, 1762 — 1797 ; Mary Bernard Fitzherbert, 1763 — 1807 ; Alicia Mary Joseph Lancaster, 1767 — 1793 ; Mary Clare Louisa Whittingham, 1767 — 1799 ; Donalda Ann Joseph Cameron, 1770 — 1788 ; Rebecca Mary Austin Whittingham, 1772 — 1779 ; Anne Mary Canning, 1772 — 1820, supérieure ; Teresa Anne Austin Beeston, 1772 — 1836 ; Elizabeth Ann Justina Orrel, 1773 — 1799 ; Mary Magdalen Stockton, 1776 — 1808 ; Elizabeth Mary Alipia Bishop, 1782 — 1819 ; Helen Mary Monica Finchet, 1785 — 1847, supérieure ; Francis Mary Austin Bishop, 1786 ; Jane Anne Frances Pattinsou, 1787 — 1846 ; Elizabeth Pulcheria Stapleton, 1789 — 1799 ; Mary Eugenia Stonor, 1789 — 1848, supérieure ; Mary Alix Spiring, 1812 — 1855 ; Elizabeth Mary Agnes Jones, 1818 — 1872 ; Elizabeth Mary Joseph Young (Havers), 1818 — 1870 ; Teresa Mary Bernard Green, 1818 — 1855 ; Elizabeth Mary Winifred Hurst, 1819 — 1874 ; Jane Mary Frances Fairbairn, 1819 — 1879, supérieure ; Elizabeth Mary Stanislaus Broderick, 1823 — 1856 ; Anne Joseph Martin, 1823 — 1826 ; Sara Mary Teresa Saunders, 1829 — 1871 ; Mary Louisa Howell, 1885 — 1867, supérieure ; Frances Mary Christina Richmond, 1835 — 1841 ; Mary Magdalen Marsden, 1836 — 1870 ; Mary Anne Joseph Weightman, 1837 — 1846 ; Mary Henrietta Alphonse Barge, 1846 — 1875 ; Ann Catherine Rogerson, 1851 — 1864 ; Frances Joseph Austin Seaman, 1854 — 1876 ; Ellen Mary Monica Hurst, 1856 — 1882 ; Emma Maria Benedict Coquierre, 1866 — 1867.


«Un Couvent de religieuses anglaises à Paris» :
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[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]