«LES [BIENHEUREUSES] TRENTE-DEUX MARTYRES D'ORANGE»
DE J. MÉRITAN ; DIVERS


Déclaration

L'auteur rappelle, conformément aux décrets d'Urbain VIII, qu'en donnant, au cours du livre, à ces nobles victimes de leur foi, le titre de Saintes, il n'a voulu que se conformer à l'usage, et qu'il n'entend préjuger en rien des décisions de la Sainte Église, à laquelle il demeure filialement soumis en toutes choses.



Lettre de Monseigneur de Llobet à l'Auteur

ARCHEVÊCHÉ D'AVIGINON
Avignon, le 1er Novembre 1930

Monsieur l'Archiprêtre,

Il y a lieu de se réjouir du mouvement de piété qui ne cesse d'entourer la mémoire des Bienheureuses Martyres d'Orange. Depuis cinq ans que leur vertu et leur gloire ont été officiellement proclamées, la dévotion populaire s'est manifestée sous bien des formes, dans les différentes localités d'où ces saintes filles étaient originaires et spécialement à Orange qui garde le souvenir de leur héroïsme.

Vous y avez contribué avec talent et avec zèle par le récit que vous avez déjà fait des tragiques évènements dont elles ont été les victimes glorieuses. Cette nouvelle édition, la troisième déjà, montre avec quelle faveur votre travail a été accueilli. Vous ne pouviez souhaiter meilleur témoignage.

Récemment, à Rome, je revivais les grandes heures de leur béatification. Dans le silence recueilli de la basilique Vaticane, mon imagination rassemblait les émouvants souvenirs de cette cérémonie solennelle. Que de grandeur dans ce rite sacré, quelle puissance dans la parole et la geste du Pape consacrant la gloire des martyres !

C'est vraiment dans cette journée, inoubliable pour ceux qui en furent les heureux témoins, que le drame d'Orange a eu son épilogue.

Ce jour-là aussi la dévotion envers nos Bienheureuses a été proposée à l'Église tout entière. Ne négligeons rien pour qu'elle se propage et pour que se répande au loin le culte que professe le Comtat envers ses saintes patronnes.

Votre étude, savante et pieuse à la fois, y a aidé beaucoup. Par elle, la renommée de nos martyres connaîtra de nouveaux accroissements. En retour, nous aimons à le croire, votre ministère bénéficiera de leurs meilleures bénédictions.

Veuillez agréer, Monsieur l'Archiprêtre, la religieuse assurance de mes bien dévoués sentiments.


X GABRIEL,

Archevêque d'Avignon.


PRÉFACE

Les pieuses filles dont nous voudrions écrire l'histoire ont au front une double auréole : elles furent religieuses et elles moururent martyres. La Révolution, parmi des milliers de victimes, les a moissonnées à cause de leur titre et de leur sainte profession. Vivant à l'abri et à l'ombre de leur cloître, sans rien savoir de la politique, parce qu'elles étaient religieuses, et parce qu'elles voulaient le demeurer, les juges les envoyèrent à l'échafaud.

Ainsi, le vent violent et fou qui balaya la France à la fin du XVIIIè siècle emporta dans le plus furieux des tourbillons parmi les institutions séculaires, les traditions nationales, les cadres monarchiques, d'humbles existences vouées au service de Dieu et au soulagement des pauvres. Leur humilité, loin de les sauver, semble, au contraire, avoir attiré les coups. Leur fidélité à l'Église, à leurs saints vœux, solide armature de leur dévouement, a consommé leur perte. Parmi toutes les énigmes posées par le Sphynx révolutionnaire, et si incomplètement encore résolues par l'histoire, celle-ci n'est pas la moins obscure.

C'est qu'en effet l'histoire n'est pas encore descendue jusqu'aux causes profondes. Ces femmes ignorées du monde, ignorant d'autre part ses passions et ses crises, incarnaient une doctrine et personnifiaient un remords. Elles étaient les témoins d'un enseignement importun. Par leur vie, par leurs manières, par leur pauvre costume même, elles rappelaient aux maîtres du jour que leur gageure d'impiété se terminerait à leur confusion. Elles étaient, au surplus, un reproche vivant, dressant en face des pires licences et des révoltes coupables, la protestation de leur austérité et de leur obéissance. Volontairement éprises d'un saint idéal, appliquées à le servir et à le réaliser, méprisant, par la grâce de leur vocation, les instables plaisirs du monde, elles apportaient à une époque frénétique et déréglée, l'image du désintéressement, de l'ordre, de la fidélité. Ce n'était donc pas la femme que l'on poursuivait en elles, et leurs minces individualités n'étaient pas l'objet principal des colères de leurs juges. Ceux-ci savaient bien que ces «béates» comme ils disaient parfois, n'avaient pas conspiré, que leur vie comme un beau fleuve, avait coulé jusqu'alors sans débordements et sans remous. C'était bien la religieuse, la servante du Dieu dont il était défendu de prononcer le nom, la fille de l'Église dont ils avaient décrété la suppression, qu'ils prétendaient atteindre et punir.

Tout avait, en effet, cédé devant eux. Les vieux remparts politiques, impuissants à défendre une société que la faiblesse des rois et la malice des peuples, l'extravagance des doctrines et la licence des mœurs avaient préparée aux dernières capitulations, ces vieux remparts étaient tombés les uns après les autres. Pour en sauver les débris, pour en préparer la résurrection il ne restait plus, invulnérable au tranchant des sabres et au couperet de la guillotine, que la force de l'idée religieuse, admirablement servie chez nos martyres, par la fidélité des consciences et le mépris de la mort.

Cette force, la Révolution ne l'a pas abattue. Mieux encore : de l'immolation de nos bienheureuses, l'Église, la Foi, la vocation religieuse ont reçu un lustre incomparable. L'hommage sanglant qu'elles ont rendu à ces choses éternelles, a montré aux témoins de leur mort, qu'au dessus de ce petit coin de terre où se consument nos brèves existences, il est un monde immense dont la pensée s'impose et dont l'espoir nous aide à vivre et nous prépare à mourir.

Rappeler ces enseignements, protester de sa fidélité à ces espérances c'était, en 1794, se dévouer à la mort. Les persécuteurs n'entendent pas volontiers ce langage, et l'on sait comment ils punissent ces audaces.

La haine de la Foi catholique, de ce qui en est la fleur : la vocation religieuse, de ce qui pour lors en était la preuve : le refus de serment, tel fut donc l'unique grief des accusateurs et des juges. À l'extrême fureur de leurs procédés, on peut mesurer aujourd'hui jusqu'où s'étendait cette haine satanique. Elle seule explique les excès et les folies d'une Révolution, dont, trop souvent, nos modernes tyrans ne chantent les louanges que parce qu'elle demeure le temps où l'impiété, secondée par le bourreau, courbait les têtes sous son pouvoir farouche.

Contre le blasphème et le sacrilège, contre l'apostasie légalement élevée à la hauteur d'institutions nationales, jusque-là qu'il suffisait d'en faire profession pour recevoir un certificat de civisme, les bienheureuses ont fourni le témoignage du martyre.

Elles n'en pouvaient donner de plus éloquent. Chassées de leurs maisons, dépouillées de leurs biens, il ne leur restait plus à sacrifier que leur vie. Elles la livrèrent joyeusement.

Ce sommet de la charité — martyrium maximæ charitatis signum, dit Saint Thomas d'Aquin (Summa Theologica, Secunda Secundæ Partis, quæsto CXXIV) — elles l'ont toutes gravi par le même chemin : la vie religieuse. Leur âge, leur condition sociale, la situation de leurs familles dans le monde auraient élevé, parmi elles, en dehors du cloître, de multiples barrières. La vocation, le martyre les ont abaissées. À côté des noms appartenant à la noblesse ou à la haute bourgeoisie, noms si honorablement portés encore de nos jours, s'inscrivent, sur leur martyrologe, le nom de filles d'artisans et de simples journaliers. La supérieure y voisine avec l'humble converse, et près de la professe vénérable, la novice d'hier y prend sa place. L'égalité dans la mort a fait l'égalité dans la gloire, l'Église couronnant aujourd'hui du même honneur ces témoins de sa doctrine, ces martyres des mêmes vœux.

Ce livre est écrit à leur louange. Il ne prétend point à l'érudition; mais il voudrait qu'à le lire, les âmes droites et pieuses éprouvassent un peu de la joie que l'auteur ressentit en l'écrivant. Puissent-elles, en considération de l'enthousiasme qui l'a dicté, pardonner les imperfections qu'elles ne tarderont pas à y découvrir, et chercher sous la trame des faits et des dates, moins des événements que des leçons, moins une histoire que des exemples !


[Remerciements]

L'auteur exprime sa vive reconnaissance à MM. les Curés de Sérignan, Tulette et St-Laurent-de-Carnols, qui ont bien voulu lui communiquer des documents et clichés concernant les bienheureuses Deloye, de Peyre et d'Albarède. Il remercie tout particulièrement M. l'abbé Blanc, curé-doyen de Caderousse, pour ses intéressantes communications.


TABLES DES MATERIÈS ET DES GRAVURES

PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE I
Les lois persécutrices.

CHAPITRE II
La Comission populaire d'Orange.

Son établissement. — Sa composition. — Sa procédure.

CHAPITRE III
Les Foyers religieux.

L'abbaye bénédictine de l'Assomption Notre-Dame de Caderousse. — Le couvent du Sainte-Sacrement de Bollène. — Les couvents de Sainte-Ursule à Bollène, Carpentras, Pernes, Pont-Saint-Esprit et Sisteron. — L'abbaye cicerstienne de Sainte-Catherine d'Avignon.

CHAPITRE IV
La Prison.

Arrestation des martyres. — Les prisons d'Orange. — Le cloître dans le cachot.

CHAPITRE V
L'Autel et le Sacrifice.

Le jugement et la condamnation. — La guillotine, le bourreau et l'exécution. — L'ensevelissement. — La chapelle de Gabet.

CHAPITRE VI
La Gloire.

L'auréole du martyre. — Les grâces spirituelles et temporelles.

DEUXIÈME PARTIE
Biographies des Trente-Deux Martyres.

1. Suzanne Deloye, bénédictine. — 2. Suzanne de Gaillard, sacramentine. — 3. Madeleine de Guilhermier, ursuline. — 4. Marie-Anne de Rocher, ursuline. — 5. Gertrude d'Alauzier, ursuline. — 6. Sylvie de Romillon, ursuline. — 7. Rosalie Bès, sacramentine. — 8. Élisabeth Pélissier, sacramentine. — 9. Clair Blanc, sacramentine. — 10. Marguerite d'Albarède, ursuline. — 11. Thérèse Talieu, sacramentine. — 12. Marie Cluse, sacramentine. — 13. Marguerite de Justamond, cistercienne. — 14. Jeanne de Romillon, ursuline. — 15. Élisabeth Verchière, sacramentine. — 16. Thérèse-Henriette Faurie, sacramentine. — 17. Andrée Minutte, sacramentine. — 18. Marie-Anne Lambert, ursuline. — 19. Marie-Anne de Peyre, ursuline. — 20. Anastasie de Roquard, ursuline. — 21. Rose de Gordon, sacramentine. — 22. Thérèse Charransol, sacramentine. — 23. Marie-Anne Béguin-Royal, sacramentine. — 24. Marie-Anne Doux, ursuline. — Marie-Rose Laye, ursuline. — 26. Dorothée de Justamond, ursuline. — 27. Madeleine de Justamond, cistercienne. — 28. Marguerite Bonnet, sacramentine. — 29. Marie-Madeleine de Justamond, ursuline. — 30. Anne Cartier, ursuline. — 31. Marie-Claire Dubas, ursuline. — 32. Thérèse Consolin, ursuline.

APPENDICE et ANNEXES

Appendice [La liste des prêtres et religieux au diocèse d'Avignon immolés pour la même cause du 23 juin au 3 août 1794] et Annexes [Sources de l'histoire des martyres d'Orange ; La Commission dite Populaire d'Orange ; Sur l'orthographe de certains noms des martyres ; Notes sur la famille de Roquard ; Madeleine ou Félicite Faurie ? ; Réclamation d'Alexis Deloye... ; Extraits du Livre pour la Confrérie du Sainte-Rosaire ; Extrait du Registre de la municipalité de Sérignan, concernant les bienheureuses Deloye, Minutte et Faurie ; Tableau à remplir par la municipalité de Sérignan sous sa responsabilité... ; Les actes de décès des trente-deux martyres ; Poesie et cantiques attribués à la bienheureuse Pélissier (Sentiments de confiance sur la guillotine, Cantiques sur... Saint Benoît-Joseph Labre et Cantique sur la Révolution) ; Jugement rendu par le Tribunal Criminel... du 25 juin 1795 ; Motif de Consolation et Règles de Conduite pour les Réligieuses ; Le Champ de Laplane.]

GRAVURES

Après le Te Deum, à Saint-Pierre de Rome le 10 mai 1925 ; L'abbaye bénédictine de l'Assomption Notre-Dame de Caderousse (porte de la chapelle). ; Intérieur de la chapelle du Sainte-Sacrement de Bollène ; Portrait de la Mère De La Fare ; Le Sainte-Sacrement de Bollène (façade intérieure et jardin) ; Ancien couvent de Sainte-Ursule à Bollène (porte d'entrée de la chapelle de l'hospice) ; Ancien couvent de Sainte-Ursule au Pont-Saint-Esprit (l'escalier) ; Ancien couvent de Sainte-Ursule au Pont-Saint-Esprit (reste du cloître) ; Vue de la chapelle de Grabet sur le tombeau de martyres ; Intérieur de la chapelle de Gabet ; Chapelle de Notre-Dame du Roure à Tulette (extérieur) ; Chapelle de Notre-Dame du Roure à Tulette (intérieur) ; Chéminée dans la maison de Peyre à Tulette.

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Gravure 1
: Après le Te Deum,
à Saint-Pierre de Rome le 10 mai 1925.

Après le Te Deum, à Saint-Pierre de Rome le 10 mai 1925.


«Les trente-deux Martyres d'Orange» :
Index et Carte ; Chapitre 1

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]