«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 20


CHAPITRE 20. — Première entrée de Robinet. — Robinet au directoire du département. — On le presse de se faire sacrer. — Il n'a pas d'argent. — On lui alloue 3000 livres à compte. — Robinet avec deux notaires somme Jean-Pierre Saurine de la sacrer. — Robert-Thomas Lindet, prélat consécrateur. — Jean-Antoine Maudru. — François Bécherel. — Notes de bas de page, y compris la pièce justificative n° 3 : «Procès-Verbal de consécration de Maudru, Bécheral et Robinet».


Robinet avait hâte de venir jouir de son succès, et d'entrer dans sa métropole. Trois jours après sa nomination, le 4 mars 1791, il quitta Saint-Savinien, d'où il pouvait apercevoir Crazannes, séjour de celui dont il allait usurper le siège. Il parut à Saintes escorté de quelques officiers municipaux et de quelques gardes nationaux, à pied, bréviaire au bras. La municipalité fit sonner les cloches ; deux compagnies de la milice citoyenne prirent les armes et le lieutenant-colonel complimenta le nouvel évêque au nom du corps. Robinet «avoua, dit Pierre-Damien Rainguet, que ce fut pour lui le commencement d'un vrai supplice» que cette ovation. Il n'y eut pas d'autres cérémonies pour le moment. Robinet séjourna seulement trois ou quatre jours à Saintes, logé au faubourg Saint-Pallais chez Jean-Michel Tardy, son parent, conservateur des hypothèques. «Il a reçu très peu de visites,» raconte le chanoine Legrix. Et Bourignon ajoute : «Ce vénérable prélat entra en ville avec des guêtres de laine et dans le costume qui retraçait l'humble simplicité des premiers siècles de l'église. Ce spectacle offrait le contraste de la pompe fastueuse des prélats de cour avec le modeste appareil d'un évêque du peuple.» Un peu plus tard, «l'évêque du peuple» se dédommagea bien de ce modeste appareil ; et «l'humble simplicité» du pontife des électeurs n'eut rien à envier à «la pompe fastueuse des prélats de cour». Le journaliste s'était un peu trop pressé.

La seconde entrée devait être plus solennelle que la première ; les guêtres de laine pouvaient disparaître. Robinet n'était pas riche, quoique la cure de Saint-Savinien valût 2400 livres. Il allait pouvoir se nipper.

Le lendemain de cette intronisation pour ainsi dire incognito, il se rendit au directoire du département. Deux des sept membres présents allèrent au devant de lui. Il entra accompagné de la garde nationale de sa paroisse. «Il a, dit le procès-verbal, parlé de son élévation avec cette modeste simplicité qui convient si bien à un pasteur choisi pour faire revivre les vertus des premiers siècles de l'Église.» Rondeau, qui présidait, lui répondit «en lui témoignant la satisfaction de l'administration et l'assurant de tout son zèle pour le maintien de la religion». Puis sur un ton moins épique on s'entretint «des mesures à prendre pour la consécration de M. l'évêque et l'accélération de l'organisation de son nouveau clergé.» La conférence fut longue. Elle finit cependant. Le prélat retiré, le procureur général syndic se leva. Écoutons son prône :

«M. Robinet vient d'être élevé par le suffrage libre de ses concitoyens à la place éminente d'évêque. Ce choix éclairé nous assure qu'il réunit les connoissances de l'ecclésiastique instruit, aux mœurs de l'ecclésiastique vertueux. Mais dans ces moments difficiles où les ennemis de la patrie, sous le prétexte de deffendre la religion, l'outragent et la trahissent par des conseils et des discours qui jettent l'incertitude et l'alarme dans les consciences, il est important que nos nouveaux prélats se présentent avec un grand caractère, avec des principes invariables, et une volonté soutenue, qui déconcertent les desseins de ceux qui se proposent ou de s'emparer de leur opinion ou d'entretenir le germe d'opposition qu'ils ont semé dans la société.

«Les hommes libres ne connaissent point la flatterie ; le seul compliment qui puisse être agréable à l'homme honoré de la confiance publique, c'est de lui parler de ses devoirs. Lors donc que M. Robinet a accepté la garde d'un grand troupeau, nous devons lui dire qu'il a contracté l'obligation de tout lui sacrifier pour le conserver ; nous devons lui dire que les circonstances exigent qu'il apporte la plus grande célérité à se faire consacrer, parce que c'est à ce moment qu'est renvoyée l'époque de la tranquilité dans son église. C'est lui qui doit organiser son conseil ; c'est avec lui que doivent se faire les circonscriptions des paroisses ; c'est lui qui doit dissiper les inquiétudes des âmes timides ou séduites ; c'est lui qui doit ranimer la foi par ses mœurs et par sa doctrine ; c'est à lui enfin qu'est réservée la gloire de contribuer à faire revivre, par son exemple et par sa sagesse, l'ancienne splendeur de la religion.

«Tous les moments qui tendroient à éloigner son inauguration seroient autant de retards apportés à la tranquilité publique. Nous entrons dans ces jours de pénitence où la confiance des prêtres s'accroît à mesure que le chrétien plus religieux vient plus fréquemment offrir à Dieu l'hommage de sa foi. Quelles occasions, messieurs, pour des ecclésiastiques qui refusent d'obéir aux lois et qui s'étudient à les calomnier, que celles qui leur ménagent les moyens d'ébranler les principes de leurs pénitens, d'effrayer leurs consciences et de changer leur opinions ! Ces efforts, auxquels l'ignorance ou la crédulité peuvent assurer de grands succès, présentent des dangers que la prudence et l'amour de la paix doivent prévenir. Le siège de cette église ne peut demeurer plus longtemps vaquant, sans nuire à la fois à la religion et à la société. Nous connaissons, messieurs, les sentiments de M. Robinet ; il ne se pardonnerait pas d'avoir occasionné des maux qu'il était en son pouvoir d'arrêter ; et, jaloux de répondre aux témoignages de la confiance de ses concitoyens, il est sans doute impatient de hâter le moment qui doit donner un pasteur aux fidèles de son diocèse.

«A ces causes, je requiers qu'il soit envoyé à M. Robinet une expédition du procès-verbal de son élection en le priant et l'invitant de prendre les mesures les plus promptes pour se faire consacrer ; et, attendu que les sièges voisins sont vaquants, je requiers qu'il lui soit indiqué dès demain l'évêque auquel il doit s'adresser pour sa consécration, lequel évêque sera prié de vouloir la lui donner le plutôt possible.

«GARNIER, procureur syndic.»

Garnier parlait d'or. Mais quel évêque que celui qui méritait de tels conseils ! Comme on lui parlait de haut ! et comme on lui faisait sentir sa sujétion ! Quel plus sanglant outrage pouvait recevoir un homme de cœur, ou seulement soucieux de sa dignité !

Oui, ce n'était pas tout que d'être élu : il fallait être sacré. Cette cérémonie était la panacée universelle des maux de la Saintonge. Robinet oint, tout était fini ; plus de troubles ; plus de divisions ; le schisme disparaissait ; le réfractaires repentants se jetaient aux pieds de l'intrus ; les chanoines abjuraient leur protestation ; les fidèles acclamaient le nouveau pontife, et l'ancien, abandonné de tous, mourait de dépit de voir la Charente-Inférieure rangée, docile et pieuse, sous la houlette bienfaisante du pasteur aux guêtres de laine ! Illusions un peu naïves, peut-être sincères, que l'événement allait dissiper sans pitié. On avait même songé que le temps pascal approchait, et que, dans le carême, beaucoup d'âmes réclamaient des secours spirituels. Pouvait-on pousser plus loin la prévoyance ! Il y avait pourtant quelques difficultés. Pour consacrer il faut un consécrateur ; et même, ordinairement, deux autres prélats. Or, les évêques disposés à prêter leur ministère à leur récent confrère étaient peu nombreux. Le directoire le savait. Il chercha, et parvint à trouver deux noms qu'il indiqua à Robinet. La précaution était sage. «Attendu, disait-il, qu'il n'existe aucun évêque voisin qui se soit soumis à la loi, indiquons à M. Robinet, M. l'évêque d'Orléans auquel il sera tenu de s'adresser pour le prier de vouloir bien lui donner la consécration, et dans le cas où mon dit sieur l'évêque d'Orléans serait absent, l'autorisons à se rendre à Paris et à s'adresser à M. l'évêque d'Authun pour se faire consacrer ; arrêtons en conséquence qu'il sera écrit à l'un et à l'autre de ces évêques pour les prier de vouloir bien procéder, le plutôt possible, à sa consécration, et que pour y parvenir, il sera délivré à mon dit sieur Robinet un procès-verbal de sa nomination.»

On ne s'étonnera pas de cette injonction : c'était la loi. Selon le décret du 14-15 novembre 1790, sanctionné le 24, l'élu, assisté de deux notaires, se présentait devant le métropolitain, à son refus devant chacun de ses suffragants, toujours flanqué de ses deux inévitables notaires, pour obtenir la confirmation canonique. Après avoir inutilement parcouru tous les évêques de la région, il revenait devant le tribunal du district de son évêché ; ce tribunal déclarait alors qu'il y avait abus, et désignait l'évêque auquel l'élu devait recourir pour la confirmation. À Saintes le cas était embarrassant : car dans la circonscription aucun évêque n'avait prêté serment. Un directoire de district était donc investi d'un pouvoir qu'avaient seules autrefois les cours souveraines de la monarchie. Et les nouveaux évêques acceptaient cette insulte ; l'humilité sied bien aux apôtres.

C'était fort bien d'envoyer l'élu à Orléans et à Paris aux adresses qu'on lui donnait. Pourtant un obstacle était là. Le curé n'avait pas d'argent. Pauvreté n'est pas vice, surtout chez un prêtre. Il n'osait pourtant l'avouer ; cependant il fallut se résigner. On le pressait de toutes parts. Pâques s'avançait : qui chanterait l'Alléluia à la cathédrale ? Le département qui l'avait nomme évêque lui devait les moyens de le devenir.

Robinet adressa donc, le 7 mars, une supplique au directoire pour obtenir quelques secours. Il exposait qu'on devait, puisqu'on l'avait fait évêque, lui fournir les ressources nécessaires pour aller à Paris ou ailleurs se faire sacrer, afin qu'il pût venir ensuite remplir les fonctions dont la confiance de l'assemblée l'a honoré. Du reste il laissait la somme à la générosité de l'administration. La pétition fut transmise par le directoire du district au directoire du département. Et le département, «considérant qu'il est instant qu'il puisse se livrer aux opérations essentielles dont il va se trouver chargé,» lui alloua 3000 livres... à valoir sur son traitement (1).

Muni de cet à-compte de 3000 livres sur ses 12000 livres de traitement épiscopal, Mgr partit. Robinet vit-il Jarente et Talleyrand ? En éprouva-t-il un refus ? Ou bien désobéit-il au directoire ? Nous ne savons pas. Mais nous le trouvons, le 19 mars, chez Jean-Pierre Saurine, député du bailliage de Béarn à la Constituante, et en même temps que lui nommé évêque du département des Landes. Tous les évêques des provinces ecclésiastiques de Bordeaux et d'Auch, ayant refusé le serment, Saurine se trouvait le plus ancien évêque de l'arrondissement du sud-ouest, dont la métropole était Bordeaux. Robinet se présenta chez lui à Paris, accompagné de deux notaires, Pierre Bévière et Jean-Antoine Dosfant, députés de la ville de Paris à l'Assemblée nationale (2).

Saurine voulut bien accorder, sur les très humbles supplications de Robinet, l'institution canonique à son collègue de la Charente-Inférieure. Mais il ne le consacra pas. Pour cet office il délégua le curé de Bernay, député du bailliage d'Évreux, Robert-Thomas Lindet, nommé évêque du département de l'Eure, le 15 février précédent, frère du conventionnel Jean-Baptiste-Robert Lindet. Ce Thomas Lindet, aussi député à la Convention, vota la mort de Louis XVI. À la séance du 24 novembre 1792, Louis-Pierre Manuel vint annoncer que l'évêque d'Évreux s'était marié et en demanda la mention honorable au procès-verbal de l'Assemblée, «dont le devoir et le but sont de former l'esprit public», motion que Pierre-Louis Prieur combattit «parce qu'on ne doit pas de reconnaissance à qui ne faut que son devoir de citoyen» (Moniteur, XIV, 560). Le 8 novembre 1793, Lindet, à la suite de Joseph Gobel, évêque de Paris, et de Jean Julien, ministre protestant de Toulouse, qui renoncèrent à toutes fonctions religieuses, abjura, disant qu'il n'avait accepté les fonctions d'évêque qu'eu égard aux circonstances. «J'attendais, dit-il, le moment favorable d'abdiquer solennellement mes fonctions.» Il ajouta : «Toute la France sait que j'ai été le premier à me donner une épouse (3).»

Lindet avait avec lui, comme prélats assistants, Saurine et le fameux curé d'Emberménil, député du bailliage de Nancy, l'abbé Grégoire, évêque de Loir-et-Cher. On choisit le deuxième dimanche de carême, 20 mars, pour la cérémonie. L'église fut celle de l'oratoire que le supérieur, Jean Poiret, élu curé de Saint-Sulpice, le 30 janvier, avait mise à leur disposition. L'assistance était nombreuse ; on y remarquait Jean-Sylvain Bailly, ancien président de l'Assemblée nationale et maire de Paris ; Jean-Baptiste Treilhard, aussi président de la Constituante et président de l'un des tribunaux de Paris ; Michel-Louis-Étienne Regnault, député de Saint-Jean d'Angély ; Fricot et Petit-Mengin, tous deux députés de Mirecourt, tous deux procureurs du roi ; Pouret-Roquerie, procureur du roi au bailliage de Coutances, député de Coutances ; Pain, député des paroisses du bailliage de Caen ; Bernard, syndic du chapitre de Weissembourg, député des communes des villes impériales d'Alsace ; Maupetit, procureur du roi, et de Lalande, lieutenant de maire, tous deux députés de la sénéchaussée du Maine ; Douchet, cultivateur, député du bailliage d'Amiens ; Mougins de Roquefort, premier consul de la ville de Grasse, député de la sénéchaussée de Draguignan ; Vieillard, fils, avocat, député de Coutances, qui fit un rapport sur les troubles de Saint-Jean d'Angély, fit annuler l'élection de Rondeau, juge à Rochefort, rendre un décret sur le collège des arts à Poitiers ; enfin quelques autres personnages dont l'énumération serait fatigante. Il faut seulement remarquer dans cette liste Regnault. C'était le seul député de la province de Saintonge qui eût voulu donner ce témoignage de sympathie à l'évêque de la Charente-Inférieure.

Robinet n'était point seul à recevoir l'onction. On faisait alors les évêques par fournée ; trois furent sacrés le même jour, c'est ce qui explique la présence à la messe des députés de Caen, de Mirecourt, de Coutances et d'ailleurs. Avec le curé de Saint-Savinien étaient le curé de Saint-Loup près d'Avranches, François Bécherel, qui député de Coutances à la Constituante, avait prêté serment, le 31 décembre 1790, et avait été élu évêque du département de la Manche. Il fut, après le Concordat (1801), nommé évêque de Valence et créé baron de l'Empire (1809), ce qui ne l'empêcha pas de saluer avec enthousiasme le retour des Bourbons (1815). Puis le curé d'Aydoilles près d'Épinal, Jean-Antoine Maudru (4), fils d'un maître d'école du village d'Adompt, élu évêque du département des Vosges, sur le refus de Demanges, curé d'Escles, district de Mirecourt, qui, nommé, répondit : «J'ai prêté le serment civique ; j'ai rempli les devoirs de citoyen. Mais je dois une cure à M. Chaumont (5), évêque de Saint-Dié ; je ne remplacerai pas mon bienfaiteur.» Maudru avait été moins scrupuleux ; Robinet aussi (6).

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[Notes de bas de page et une pièce justificative.]

1.  «Aujourd'hui, 7 mars 1791, le directoire du département de la Charente-Inférieure, assemblé au lieu ordinaire de ses séances, a reçu du directoire du district de Saintes une pétition adressée par M. Robinet, curé de Saint-Savinien, expositive qu'ayant été élu évêque du département de la Charente-Inférieure, et devant aller incessamment soit à Paris, soit ailleurs, pour se faire sacrer, et n'ayant pas devers lui les moyens de frayer aux dépenses du voyage, il auroit besoin que l'administration lui mit entre les mains une somme suffisante pour cet objet. Au bas de cette pétition est l'avis du directoire portant qu'il soit délivré au dit sieur Robinet une somme de trois mille livres à imputer sur le traitement qui lui est assigné par la loi, en sa qualité d'évêque.

«Le directoire délibérant, et après avoir entendu le procureur-général syndic ;

«Considérant combien il est important au bien public que la consécration de l'évêque, choisi par le peuple ait lieu le plutôt possible, puisque c'est de l'époque de son installation que nous devons attendre la tranquillité de l'Église, et qu'il est instant qu'il puisse se livrer aux opérations essentielles dont il va se trouver chargé ;

«Considérant aussi que le dit sieur Robinet n'ayant pas par lui-même les moyens de frayer aux dépenses nécessaires pour son voyage, c'est à l'administration à y pourvoir, afin que rien ne retarde l'époque désirée de la consécration ;

«Nous arrêtons qu'il sera payé au dit sieur Robinet une somme de trois mille livres, au moyen d'un mandat que nous délivrerons sur le trésorier du district de Saintes ; laquelle somme sera imputée à valoir sur le traitement qui lui est assigné par la loi en sa qualité d'évêque de Saintes, et qu'au surplus M. le contrôleur général sera prévenu des motifs qui ont déterminé l'avance faite à M. Robinet par anticipation sur son traitement.

«RONDEAU, président. BRÉARD, vice-président. J.-J. JOUNEAU. DURET. RIQUET. ESCHASSERIAUX. RABOTEAU. Par le directoire, EMOND, secrétaire

2.

SOMMATION DE ROBINET POUR SE FAIRE SACRER.

«L'an 1791, le samedi 19e jour de mars, onze heures du matin, en la présence et la compagnie des notaires à Paris, soussignés, députés de la ville de Paris, à l'Assemblée national, M. Jean-Étienne Robinet, prêtre, curé de Saint-Savignien du Port, district de Saint-Jean d'Angély, demeurant ordinairement au lieu de Saint-Savignien du Port, présentement à Paris, logé rue Saint-Thomas du Louvre, hôtel de Genève, paroisse de Saint-Germin l'Auxérois, élu à l'évêché du département de la Charente-Inférieure, dont le siège est à Saintes, en l'arrondissement de la métropole du sud-ouest, dont le siège est à Bordeaux, suivant le procès-verbal des électeurs dudit département, en datte des 28 février dernier et premier mars présent mois, par le président de la dite assemblée, conformément à la loy.

«S'est transporté en la demeure de M. Jean-Pierre Saurine, évêque du département des Landes, dont le siège est à Dax, en l'arrondissement de la dite métropole du sud-ouest, dont le siège est à Bordeaux, sise à Paris, rue d'Anfer, n° 119, paroisse Saint-Sévrin ;

«Où étant, parlant à mon dit sieur évêque, le dit sieur Robinet lui a représenté le procès-verbal sus-énoncé de l'assemblée électorale du département de la Charente-Inférieure du vingt huit février dernier et premier mars présent mois, contenant l'élection de sa personne à l'évêché du dit département, ainsy que sa proclamation au dit évêché du dit département faite comme il vient d'être dit.

«En conséquence, et attendu que M. l'évêque métropolitain du dit sud-ouest n'a point prêté le serment prescrit par la loi et n'est point encore remplacé, le dit sieur Robinet a suplié avec instance, et même très humblement requis mon dit sieur Saurine, comme plus ancien évêque de l'arrondissement de la dite métropole qui ait prêté le serment, de vouloir bien lui accorder la confirmation canonique de la dite élection.

«Sur quoy mon dit sieur évêque du département des Landes, après avoir pris communication du procès-verbal sus-énoncé, l'avoir attentivement examiné et trouvé régulier et en bonne forme, et après avoir pris du dit sieur requérant le serment mentionné en l'article 18 du titre deux de la loi du vingt-quatre août 1790, a par ces présentes déclaré acquiescer à la dite réquisition et accordé au dit sieur Robinet l'institution canonique et la conformation de l'élection faite de sa personne au dit évêché du département de la Charente-Inférieure. Et sur la prière présentement faite à mon dit sieur évêque, par le dit sieur Robinet, de vouloir bien faire la cérémonie de la consécration ou en déléguer le pouvoir à un autre évêque, mon dit sieur évêque du département des Landes a par ces présentes donné et délégué à M. l'évêque du département de l'Eure, dont le siège est à Evreux, tout pouvoir nécessaire pour procéder incessamment à la consécration du dit sieur Robinet.

«Dont et de tout ce que dessus le dit sieur Robinet a requis acte aux dits notaires qui lui ont octroyé le présent pour lui valoir ainsi que de raison, à Paris, dans le cabinet de mon dit sieur l'évêque, les jour et an sus dits ; et ont signé la minute des présentes dont une expédition a, à l'instant, été remise et délivrée à mon dit sieur évêque du département des Landes, qui le reconnoit. En marge de laquelle minute est écrit : enregistré à Paris, le vingt et-un mars 1791, reçu deux livres. Signé : Lezan, Bévière et Dosfant.»

3.  Moniteur du 9 novembre 1793 (XVIII, 369). — Voilà quel fut le prélat consécrateur de Robinet. L'abbé Briand s'est trompé — et après lui Pierre-Damien Rainguet, Biographie saintongeaise (Saintes, Niox, 1851) — en racontant, Histoire de l'Église santone et aunisienne depuis son origine jusqu'à nos jours (La Rochelle, Boutut, 1843), tome III, p. 68, que le curé de Saint-Savinien «fut fait évêque par Talleyrand-Périgord, né plutôt lui-même pour la diplomatie menteuse qui trompe les rois que pour l'épiscopat divin qui sauve les peuples.» Du reste au pointe de vue ecclésiastique l'un valait l'autre.

4.  [Note de l'éditeur.  Jean-Antoine Maudru fut élu évêque des Vosges, le 1er mars 1791, à l'église Saint-Maurice.]

5.  Barthélemy-Louis-Martin de Chaumont de La Galaizière (1737-1808) fut sacré évêque de Saint-Dié le 26 avril 1776.

6.  Voir la pièce justificative ci-dessous (Archives municipales de Saintes ; registre des délibérations, II, 35) :

PROCÈS-VERBAL DE CONSÉCRATION DE MAUDRU, BÉCHEREL ET ROBINET.

«D'un procès-verbal reçu par les notaires de Paris soussignés, le vingt mars 1791, a été littéralement extrait ce qui suit :

«Au nom de la Très Sainte Trinité, à tous et à chacun de ceux qui ces présentes lettres verront, est fait sçavoir qu'à l'an 1791, le deuxième dimanche de carême où l'église chante Reminiscere, vingtième jour du mois de mars, vers neuf heures du matin, en la présence des notaires à Paris soussignés, députés à l'Assemblée nationale, et en l'église de la congrégation de l'oratoire, située à Paris, rue Saint-Honoré, se sont rendus au chœur de la dite église, monsieur Robert-Thomas Lindet, évêque du département de l'Eure, dont le siège est à Évreux, en l'arrondissement de la métropole des côtes de la Manche, dont le siège est à Rouen, présentement à Paris, logé à l'hôtel de Charost, n° 343, paroisse de Saint-Rocq ;

«Monsieur Henry Grégoire, évêque du département de Loir-et-Cher, dont le siège est à Blois, en l'arrondissement de la métropole du centre, dont le siège est à Bourge, député à l'Assemblée nationale, à Paris, rue du Colombier, N° 16, paroisse Saint-Sulpice.

«Monsieur Jean-Pierre Saurine, évêque du département des Landes, dont le siège est à Dax, en l'arrondissement de la métropole du Sud-Ouest, dont le siège est à Bordeaux, et député à l'Assemblée nationale, demeurant à Paris, rue d'Anfer, N° 119, paroisse de Saint-Séverin ;

«Monsieur Jean-Antoine Maudru, curé d'Aidouilles, et Monsieur François Bécherel, curé de Saint-Loup près Oranges (6a), et M. Jean-Étienne Robinet, prêtre, curé de Saint-Savinien du Port, district de Saint-Jean d'Angély, demeurent ordinairement au dit lieu de Saint-Savinien du Port, présentement à Paris, logé rue Saint-Thomas du Louvre, hôtel de Genève, paroisse de Saint-Germain l'Auxerrois, élu à l'évêché du département de la Charente-Inférieure, dont le siège est à Saintes, en l'arrondissement de la métropole du Sud-Ouest, dont le siège est à Bordeaux, suivant le procès-verbal des électeurs du dit département en datte des vingt-huit février dernier, et premier mars présent mois, dont la copie est signée : Rondeau, président et Emond secrétaire, et proclamé au dit évêché, suivant le même procès-verbal en la séance du premier mars présent mois, par la dite assemblée conformément à la loy.

«Et avec mes dits sieurs évêques et les dits sieurs Maudru, Bécherel et Robinet, élus évêques, se sont aussi rendus au chœur de la dite église de l'oratoire plusieurs personnes du clergé de la dite église et autres particuliers, et là, après le consentement donné par M. Jean Poiret, supérieur de la dite congrégation à ce présent, les portes de la dite église étant ouvertes, et s'y trouvant un grand concours de citoyens de tous âges, sexes et états différens, il a été par l'un des notaires soussignés fait lecture à haute et intelligible voix : 1° d'un acte reçu par les mêmes notaires soussignés dont la minute est demeurée à M. Bévières, le jour d'hier, portant prière et réquisition par le dit sieur Robinet à M. l'évêque du département des Landes de lui accorder l'institution canonique et la confirmation de sa dite élection, et de vouloir bien faire la cérémonie de sa consécration, ou en déléguer le pouvoir à un autre évêque ; par lequel acte mon dit sieur évêque du département des Landes a accordé au sieur Robinet l'institution canonique et la confirmation de sa dite élection, et a donné et délégué à mon dit sieur évêque du département de l'Eure, tout le pouvoir nécessaire pour procéder incessamment, avec les cérémonies et solennités usitées et convenables, à la consécration du dit sieur Robinet...

«Cette lecture ayant été achevée et toutes les pièces ayant été trouvées en bonne forme par mes dits sieurs évêques du département de Loir-et-Cher et des Landes, mon dit sieur évêque du département de l'Eure, assisté de mes dits sieurs évêques des dits départements de Loir-et-Cher et des Landes, après la célébration de la sainte messe avec les cérémonies pontificales, et après avoir pris des dits sieurs Maudru, Bécherel et Robinet le serment, prescrit par l'article 21 du titre II de la loy du 24 août dernier, de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse confié à chacun d'eux respectivement, d'être fidèles à la nation, à la loy et au roy, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roy, lequel serment ils ont prêté chacun séparément en présence des dits sieurs évêques assistans, du clergé de la dite église, du peuple et des citoyens présents et des dits notaires, lequel serment sera, pour satisfaire à la loy, réitéré par chacun d'eux en présence des officiers municipaux des lieux, du peuple et du clergé en la paroisse cathédrale de l'évêché de chacun d'eux respectivement, lors de la prise de possession, a donné et conféré, avec les prières et cérémonies et la solennité convenable, par la participation et la coopération du Saint-Esprit, la consécration épiscopale au dit sieur Maudru, élu à l'évêché du département des Vosges, au dit sieur Bescherel, élu à l'évêché de la Manche, et au dit sieur Robinet, élu à l'évêché de la Charente-Inférieure, ainsi que tout est établi par les pièces ci-devant énoncées ; lesquels sieurs nouveaux évêques se sont réservé de prendre incessamment (6b) chacun à son égard possession réelle, actuelle et corporelle de l'évêché à lui confié.

«Ce fut ainsi fait et passé avec la solennité sus énoncée, notoirement et publiquement, les portes de l'église ouvertes et à la vue de nombre citoyens présents, ainsi qu'il a été ci-devant dit.

«De tout ce que dessus les dits sieurs Maudru, Bécherel et Robinet ont requis le présent acte à eux octroyé par les dits notaires à Paris en la dite église de l'oratoire, les jour et an susdits, et ont mes dits sieurs du département de l'Eure, département de Loyre-et-Cher, et du département des Landes, et les dits sieurs évêques du dit département des Vosgues, du département de la Manche et du département de la Charente-Inférieure, signé avec mon dit sieur supérieur de la dite congrégation de l'oratoire, comme aussi avec plusieurs assistants ci-après nommés : savoir : M. Le Bailly, ancien président de l'Assemblée nationale et maire de la ville de Paris ; M. Treilhard, ancien président de l'Assemblée nationale et président de l'un des tribunaux du département de Paris ; M. Régnault, Vieillard, Fricot, Petit-Mengin, Pouret, Pain, Bernard, de la Lande, Maupetit, Douchet et Mougins, tous députés de l'Assemblée nationale ; M. Thenaux, président du comité de la section de l'oratoire ; Bérard, Guillet, Varangnes, tous commissaires de la dite section ; M. Tréviliers, commandant de bataillon ; Baillard, capitaine, Planages, lieutenant ; Janecty, sergent major ; M. Cartier, électeur et officier de la garde nationale ; M. Lagarde, citoyen soldat, tous dans la garde nationale, et encore avec les dits notaires. La minute du présent procès-verbal demeure à M. Bévières, l'un d'eux, au pied de laquelle minute est écrit : Enregistré à Paris, le 21 mars 1791, signé : Lezan, ainé ; ainsi signé à l'expédition Dosfant et Bévière.»

6a. Pour «Oranges» il faut lire Avranches.

6b. [Note de l'éditeur.  Et pourtant, le 3 avril 1790 — c'est-à-dire avant sa propre entrée solennelle à Saintes — Robinet assista avec Jean-Pierre Saurine, évêque des Landes, et Paul-Benoît Barthe, évêque d'Auch, au sacre de Pierre Pacareau, chanoine de Saint-André de Bordeaux, qui, à l'âgé de 80 ans, avait été élu évêque de Bordeaux, le 3 mars 1791 ; voir aussi Pierre Pacareau, Réflexions sur le serment civique du clergé ou Lettre adressée à un commissaire du Roi dans un département de France (Bordeaux, Labottière, 1791) et Jérôme-Marie Champion de Cicé, Lettre de Monsieur Champion de Cicé, ci-devant garde des sceaux, et archevêque de Bordeaux, à M. Pacareau (à Saint-Amand, le 1er juin 1791).]



«Deux victimes des Septembriseurs» :
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[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]