«HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE DE SAINT-PIERRE DE JUMIÈGES» ; 2


CHAPITRE 2. — Saint Aycadre, 2e abbé (682). — Cochin, 3e abbé (687). — Saint Hugues, 4e abbé (724). — Hildegard, 5e abbé (730). — Droctegand, 6e abbé (vers 750). — Notes de bas de page.


SAINT AYCADRE, DEUXIÈME ABBÉ (682).

Saint Filibert n'attendit pas que l'ouvrage fût achevé pour reprendre la route du Poitou. Ansoald, toujours plus pénétré que jamais de l'idée qu'il s'était formée de sa sainteté, depuis qu'il l'avait vu opérer la guérison d'un démoniaque à Jumièges, sollicita son retour avec tant d'instances, que le saint fut obligé d'abandonner la conduite de ce nouvel édifice, pour se rendre auprès de lui. Lorsqu'il fut arrivé à Poitiers, il pria l'évêque Ansoald d'agréer qu'Aycadre, qui était pour lors abbé de Quinçay, allât gouverner en sa place l'abbaye de Jumièges, dont il avait disposé les religieux à le recevoir. Ansoald y consentit sans s'arrêter à l'intérêt qu'il avait de conserver dans son diocèse un homme qui faisait tant d'honneur à son église. Aycadre, de son côté, se fit un devoir d'obéir à son évêque et à S. Filibert, son supérieur, quoiqu'il dût lui être fâcheux de quitter un climat où il était né, et une maison dont il était en quelque sorte le fondateur.

En effet, Auxaire et Ermène, ses père et mère, issus l'un et l'autre des meilleures familles du Poitou, flattés de le voir prendre le parti du cloître, lui donnèrent quelques terres, qu'il offrit aussitôt à l'église de Quinçay, en se mettant sous la discipline de S. Filibert, qui l'en établit le premier abbé. L'odeur de sa piété et de ses autres vertus attira à lui les personnes les plus spirituelles et les plus religieuses des autres monastères du pays, dont les uns se contentaient de conférer avec lui et de le consulter sur les moyens les plus assurés du salut, les autres cherchaient à demeurer sous sa direction pour prendre sur lui-même le véritable esprit de religion. Tel était S. Aycadre, lorsque Ansoald et S. Filibert le tirèrent de Quinçay pour le faire passer à Jumièges. L'évêque voulut être du voyage, et avec S. Filibert introniser le nouvel abbé. Ils allèrent d'abord le présenter à l'archevêque de Rouen, qui le reçut avec joie, et de là ils marchèrent au lieu destiné. Toute la communauté sortit au devant d'eux, et reçut le nouvel abbé avec respect, sachant qu'il était du choix de S. Filibert, et qu'elle le tenait de sa main. Saint Filibert, de son côté, leur donna à tous les témoignages les plus tendres de son amour et de ses soins. Il pourvut à tout, et fut d'un secours et d'une consolation infinie à son successeur, dans les commencements épineux d'un gouvernement qu'il ne connaissait point, et laissa ses religieux convaincus par expérience du mérite de celui qu'il mettait à sa place. La présence d'Ansoald leur fut encore à tous d'une grande satisfaction.

Sur le point de se séparer, et après avoir assemblé une communauté florissante à Montivilliers, dont un de ses disciples s'était chargé de finir les bâtiments, S. Filibert les assembla pour la dernière fois, leur remit en peu de mots devant les yeux ce qu'il leur avait enseigné durant tout le temps qu'il avait été avec eux, les exhorta à la persévérance dans la sainteté de leur vocation, les recommanda à Dieu, leur donna sa bénédiction et partit avec Ansoald, qu'il reconduisit à Poitiers, où ayant pris lui-même sa bénédiction, il se retira à Noirmoutier, et y finit ses jours deux ans après dans la pratique de toutes les vertus et dans le sein de la vérité, qu'il avait toujours aimée jusqu'à fuir le plus léger mensonge comme un poison mortel, capable de déparer la plus belle vie. Il mourut le 20 août de l'an 684, âgé d'environ soixante-huit ans, dont il avait passé seize à Rebais, vingt-deux à Jumièges et dix ou environ à Noirmoutier et à Saint-Benoît de Quinçay. Dieu fit encore mieux connaître aux hommes la sainteté de son serviteur et la gloire dont il l'avait couronné, tant par les miracles qui s'opérèrent à son tombeau, que par ceux qu'il avait faits de son vivant. Leur éclat et leur multitude ne permirent pas que l'on différât longtemps de lui rendre les honneurs publics d'un culte religieux par toute l'Église. Il devint en peu de temps très célèbre, non seulement dans ses abbayes de Jumièges, de Noirmoutier, de Quinçay, de Pavilly, de Montivilliers et autres qu'il avait fondées ou gouvernées, mais encore dans toute la France, comme il paraît par un distique qu'Alcuin, qui vivait en 794, vit gravé sur un autel dédié à notre saint (
1), et par les calendriers et martyrologes du IXe siècle, qui en font tous mention au 20 août, comme au jour de sa mort.

Après le départ de S. Filibert pour Noirmoutier, S. Aycadre, demeuré seul à Jumièges pour conduire cette nombreuse famille, donna toute son application à la bien gouverner et s'en acquitta avec de prudence, de zèle, de vigilance, d'exactitude et d'équité, qu'il honora son ministère beaucoup plus par sa sagesse et sa vertu, que par son autorité. Il donnait à tous ses disciples l'exemple de tout ce qu'il leur prescrivait : il se faisait à tous, il accommodait la règle à leurs forces pour les fortifier davantage et les faire toujours avancer dans la perfection ; et usant du don de discernement qu'il avait reçu de Dieu, il diversifiait sa conduite selon les besoins différents de ses religieux pour les conduire à Jésus-Christ.

Sa réputation devint si grande en moins de deux ans dans presque toute la France, qu'on voyait tous les jours arriver de nouveaux disciples à Jumièges. De ce nombre fut Astase, noble citoyen de la ville de Poitiers, qui en se consacrant à Dieu entre les mains de S. Aycadre, fit présent au monastère de sa terre de Tourtenay en Poitou (2) et vécut saintement avec les saints jusqu'à ce qu'il plut à Dieu de le récompenser par une mort précieuse à ses yeux du sacrifice qu'il lui avait fait de sa liberté et de ses biens. La communauté était alors composée de 900 religieux (3) et de 1500 serviteurs, tous également zélés pour la discipline régulière, et tellement soumis à l'obéissance qu'il ne se faisait rien que par ordre du saint abbé qui n'en usait ainsi que pour ne surcharger personne par un travail excessif. Sa vigilance ne se borna pas là ; il entretint dans le goût et la culture des lettres ceux qu'il trouva en état de s'y appliquer ; et comme il en avait été lui-même parfaitement instruit, il passait pour très habile dans la science ecclésiastique (4). Il ne put manquer d'y perfectionner plusieurs de ses religieux, déjà fort avancés si l'on en croit l'auteur de sa vie, qui n'a pas fait difficulté de dire qu'avant l'arrivée de S. Aycadre à Jumièges, il y avait en cette école une si profonde doctrine et une telle fécondité (5) de génie, que la source en était intarissable : indeficiens fecundia.

Le démon ne put souffrir longtemps la vigilance infatigable du maître, et l'inviolable fidélité des disciples à y répondre. Il leur livra de fréquents et rudes combats pour les faire tomber dans le relâchement ; mais ne pouvant en venir à bout par ses suggestions et ses artifices, il résolut d'en écraser une partie sous la chute d'un gros arbre auprès duquel ils travaillaient. Ce moyen ne lui ayant pas mieux réussi par l'attention de S. Aycadre à faire avertir ses religieux à propos, il voulut s'en venger sur lui-même, ne pouvant faire pis. Le fait que nous avons à rapporter, a quelque chose de merveilleux qu'on ne croit pas volontiers dans notre siècle, dit l'auteur de l'Histoire ecclésiastique de la province de Normandie (6), mais nous croyons pas devoir le passer puisqu'il l'a lui-même donné au public sur le témoignage de deux écrivains de ces temps-là (7). Nous employerons jusqu'à ses termes (8). Un jour de samedi que les moines avaient coutume de se faire la tonsure, le saint abbé ayant dit à un frère qui le servait de lui faire la sienne, comme il était dans cette action, il aperçut dans un coin de la salle une figure humaine qui écrivait sur du papier. Le saint, accoutumé à ces tours de l'esprit malin, ne le méconnut pas. «Que fais-tu là, lui dit-il, mauvais ennemi ? que viens-tu chercher dans nos retraites ? — J'écris, lui répliqua le démon, qu'un serviteur de Dieu occupe le sien à le servir dans une heure qu'il n'est plus permis.» C'était en effet après l'heure de none, c'est-à-dire à trois heures après midi, où, selon l'usage du temps, au moins parmi les moines, commençait le repos du dimanche, et le bon abbé, distrait d'autres pensées, n'y avait pas fait attention. «Hé bien ! l'heure est passée, dit-il à cet accusateur, j'ay péché il faut cesser ; mais toi, va toujours où il t'appartient d'être, et laisse en repos les serviteurs de Dieu.» Le fantôme à ces mots disparut, et le saint homme à demi-rasé courut à l'église, confessa sa faute devant tous les frères, prosterné sur le pavé, et en signe de pardon, ses cheveux furent rétablis en l'état qu'ils étaient auparavant. Il ne paraît ici qu'une de ces fautes d'inadvertance, qu'on ne laisse pas de punir dans les cloîtres par des humiliations ; le saint en voulut donner l'exemple, et quand on en ôterait le merveilleux, le fait serait toujours instructif.

Peu de temps après il en arriva un autre beaucoup plus extraordinaire et plus difficile à croire ; cependant la tradition n'en était pas de vieille date quand il fut écrit et il était de nature à ne pouvoir être aisément supposé. Nous avons vu que la communauté de Jumièges sous S. Aycadre était de 900 religieux, sans compter les domestiques dont le nombre montait à 1500. L'abbé devenait vieux, et la charge était pesante, il en faisait quelque fois à Dieu ses complaintes, et d'ailleurs il craignait qu'après sa mort il ne s'introduisit quelque relâchement dans une si nombreuse famille. Dieu voulut soulager sa peine, et un jour qu'après avoir béni ses frères selon la coutume et les avoir conduits au dortoir, il s'était lui-même retiré pour veiller et prier, comme il était en oraison, il vit à la porte deux personnages fort différents ; l'un d'une belle figure et revêtu d'une robe blanche, l'autre fort sale et hideux dont les yeux étincelaient comme le feu. Le premier dit à celui-ci : «Il t'est donné pouvoir de frapper ici les corps, mais non de rien entreprendre sur les âmes ; ton glaive ne servira pourtant pas jusqu'à l'annéantissement de ces corps, car ceci n'est point un chatiment sur ces frères, mais un effet de sa divine bonté pour la conversion de plusieurs infidèles, demeure-là, ne touche à personne ; dans un moment je reviendrai te dire ce que tu devras faire» (9). L'ange aussitôt s'avança vers l'abbé et lui dit : «Serviteur de Dieu, prenez courage et priez le Seigneur pour vous et pour votre troupeau. Ce troupeau trop nombreux pour vos forces, Dieu va dans trois jours le réduire à moitié ; mais ne craignez rien, cette disposition n'est point pour la ruine d'aucun de vos enfants, c'est un effet de son amour pour le nombre d'élus qu'il va appeler à lui des misères de ce siècle. Présentez-vous donc avec eux devant sa face, dans une humble confession, et que chacun se dispose à un heureux passage.» Fulbert, moine de Saint-Ouen de Rouen, dit ici que l'ange marqua avec sa baguette, passant devant chaque lit du dortoir, ceux que Dieu devait appeler, et c'est ainsi que l'histoire est encore représentée sur une muraille du cloître. L'anonyme n'en dit rien. Le discours de l'ange fini, le saint se prosterne avec larmes, et se lamente avec amertume sur un tel événement. Il s'accuse d'être la seule cause d'un fléau qui va désoler sa communauté : demande d'être frappé lui seul, ou le premier, il prie qu'au moins l'épée n'aille pas jusqu'à l'extinction, enfin il entend une voix qui dit : «C'en est assez, que la main qui frappe s'arrête.» Là-dessus il se lève, et muni du signe de la croix il va faire sonner pour appeler les frères à l'office. Après matines, il les assemble tous et leur dit : «Le Dieu de paix soit avec vous, mes frères, et que son ange soit à votre aide, courage, mes chers enfants, veillez, il est tems, sondez le fond de vos âmes, purifiez-vous par une entière confession. Vous avez heureusement travaillé dans la vigne, faites en sorte de recevoir à la fin du jour le denier qui vous est promis. Venez, recevez avec pureté de corps et de cœur le sacré viatique du corps et du sang de Jésus-Christ. Enfin, mes frères, celui qui nous appelle est à la porte ; aujourd'hui, demain et après demain, c'est pour plusieurs d'entre vous le souper du Seigneur.» Il leur raconta ensuite ce qui lui avait été dit, et à peine avait-il cessé de parler que l'événement commença de justifier ses discours. La pâleur du visage indiqua la maladie, chacun prosterné aux pieds du saint abbé lui fit sa confession, reçut l'absolution, le saint viatique, et avec sa bénédiction l'obédience pour passer de ce monde à l'autre. Une partie s'endormit dès ce jour comme dans un doux sommeil ; le jour suivant enleva la seconde et le troisième la dernière, de façon que dans les trois jours il en fut enlevé 442. L'anonyme (10) dit que ce fut en un jour, aux heures de tierce, sexte, none et vêpres, et qu'ils moururent dans les douleurs les plus aiguës, mais sans aucun trouble dans la raison, Dieu l'ayant ainsi permis pour leur faire sentir Sa présence et la faiblesse de leur ennemi, qui se retira couvert de confusion. Cette différence fait voir que ces deux auteurs ne se sont pas copiés, et conséquemment qu'il y avait une tradition sur ce fait, qui d'ailleurs ne peut guère être imaginé en entier.

On enterra tous ces corps en un même cimetière, dans autant de cercueils de pierre, dont on les a depuis retirés pour les cacher dans un coin du cloître, si l'on en croit la chronique de Jumièges, trouvée par extrait dans le portefeuille de Dom Martenne, fol. 20 verso, avec ce titre : Breve chronicon abbatiæ gemmeticensis ex ms cod. Bibliothecæ Catharinæ reginæ Sueciæ, notato, 322. Leur tombeau devint si glorieux par la multitude des miracles, qu'on y accourait de toutes parts pour implorer leur assistance. Saint Aycadre désigna sa sépulture au milieu d'eux : S. Hugues, archevêque de Rouen, y choisit aussi la sienne, et vers le milieu du IXe siècle, plus de cent cinquante ans après leur mort, la communauté de Jumièges les invoquait encore contre les tentations et les embûches du démon, qu'ils avaient si généreusement surmontées pendant leur vie et à leur mort.

Saint Aycadre, après l'heureuse fin de cette partie de ses enfants, eut à consoler ce qui lui en restait. Tous regrettaient de n'avoir point été trouvés dignes d'être admis parmi cette troupe d'élus, tous gémissaient de leur exil, tous appréhendaient que ce retardement ne fût un signe de leur réprobation, et que l'ange ne les eût épargnés que parce que Dieu était plus en colère contre eux. Le saint abbé rétablit la tranquillité dans leurs âmes et leur fit de tirer de leur trouble même de nouveaux motifs de courage et de persévérance, pour tendre et arriver à ce port assuré. Ce fut alors qu'il reçut avis de la mort de S. Filibert son prédécesseur qui venait de finir ses jours dans la solitude de Noirmoutier. Il ressentit cette perte avec la douleur la plus amère ; en effet, elle lui ravissait un père, et le privait en même temps du plus solide appui et du meilleur conseiller qu'il eût au monde. Il lui fit rendre à Jumièges tous les devoirs dus à la mémoire d'un tel père, et dont de tels enfants se trouvaient portés à s'acquitter par reconnaissance et par amour.

Il ne lui survécut que trois ans, pendant lesquels il travailla avec une nouvelle ferveur, à instruire et à perfectionner le troupeau qui lui avait été confié. Il mourut de la mort des justes et muni des sacrements de l'Église le 15 septembre 687, âgé d'environ soixante-quatre ans, et fut inhumé dans le cimetière avec ceux de ses diciples que la peste avait enlevés trois ans auparavant. Son corps en a été retiré depuis et transféré à Haspres (11), entre Cambrai et Valenciennes, qui depuis sa mort était devenu un prieuré dépendant de l'abbaye de Jumièges. Son culte est d'une institution fort ancienne, puisqu'il y avait une église consacrée en son honneur dans la peninsule avant l'établissement des peuples du Nord dans la Neustrie.


COCHIN, TROISIÈME ABBÉ (687).

Le successeur de S. Aycadre à Jumièges fut Cochin, religieux de cette abbaye sous ses deux premiers abbés. Son élection par les suffrages de la communauté réunie montre quel fut son mérite avant qu'il fut abbé, mais elle ne nous met pas au fait de ses actions en particulier. On ne sait rien non plus de son pays, de sa naissance, ni de son éducation avant qu'il fut religieux. Ce fut de son temps et par son ordre qu'un moine de la communauté écrivit la vie de S. Filibert, ce qui suffit pour faire l'éloge de son zèle, et nous convaincre au moins qu'il aimait le bien et qu'il désirait d'en inspirer l'amour et la pratique ; s'il est vrai, selon Hariulfe (12), qu'il ne fit prendre la plume à son religieux que pour exciter les autres à la vertu et s'y porter lui-même par la lecture fréquente des rares exemples que S. Filibert leur en avait donné.

L'auteur de cette première vie du saint fondateur de Jumièges, pour ne s'être pas donné la peine de limer son ouvrage, ou pour se conformer à la sainte simplicité de Cochin, l'écrivit en un style si rude et si grossier, qu'un autre écrivain du même temps et du même lieu, ne pouvant le souffrir, entreprit de le retoucher. Il le fit sans rien changer à la préface, ni au fond de l'histoire ; mais cette vie, quoique mieux écrite, n'est pas entièrement exempte de défauts dans le style (13). Nous ne savons où ils ont puisé l'un et l'autre ce qu'ils nous apprennent de S. Filibert, ne se donnant nulle part pour témoins oculaires (14) ; mais il est à croire que l'abbé Cochin, qui avait employé l'auteur original, et sous les yeux duquel ce dernier a retouché la vie que nous avons aujourd'hui, et qui nous a servi pour l'histoire de notre saint, leur avait fourni les mémoires nécessaires, ayant été lui-même disciple du saint et élevé à son école (15).

Le zèle de Cochin en cette rencontre n'est pas la seule preuve que nous ayons de sa piété ; il en donna des marques toute sa vie, soit dans les discours de morale qu'il faisait à ses religieux (16), soit dans la pratique de toutes les vertus dont il leur donnait l'exemple ; aussi sa réputation ne put demeurer longtemps renfermée dans les bornes de son cloître. Les monastères retentirent de ses louanges au-delà même de la province. Les moines de Centule (17) perdirent alors le vénérable Ocioul, que S. Riquier leur fondateur et premier abbé s'était substitué, et il était question parmi eux de lui donner un successeur. Ils le pouvaient faire sans doute comme il avait été fait auparavant, sans sortir de chez eux, ayant des sujets capables de remplir dignement cette place ; mais ils étaient tous humbles, et d'ailleurs ils cherchaient le plus parfait. Il n'y avait plus alors à Centule de religieux qui eussent vu S. Riquier, mais il en restait encore qui avaient vu S. Filibert. Celui-ci était-là la fleur de son âge dans le monastère de Rebais sous S. Agile, lorsque S. Riquier était sur le déclin de ses ans, et ce jeune religieux, disaient-ils, avait été un des plus fervents amis de leur bienheureux père ; il était devenu fondateur et premier abbé de Jumièges, et il y avait élevé le moine Cochin, qu'ils apprenaient être devenu un de ses successeurs et gouverner cette grande abbaye avec beaucoup de suffisance. Un disciple de S. Filibert et un abbé tel qu'on disait être Cochin leur fit envie. Ils se persuadèrent qu'ils retrouveraient dans lui le même esprit qui avait animé ces deux saintes âmes ; ils l'élurent, et Cochin ne pouvant se refuser à leurs vœux se chargea du gouvernement de leur monastère, mais sans renoncer à celui de Jumièges, qu'il regardait comme son berceau et le port où Dieu l'avait sauvé du naufrage.

Il passait de l'un à l'autre autant que la nécessité le requérait ; son plus long séjour était néanmoins à Jumièges, ce qui n'empêcha pas la bonne intelligence et la parfaite union, qui commença dès lors entre ces deux célèbres abbayes, et qu'on a vu se maintenir jusqu'à leur commune destruction par les Danois.

L'an 714. — Saint Eucher, moine de Jumièges. — Le trait le plus glorieux à la mémoire de Cochin et qui fait le plus d'honneur à son gouvernement, fut la réception de deux jeunes seigneurs, que l'exacte observance de la règle de S. Benoît sous sa conduite attira d'Orléans et de Champagne dans l'abbaye de Jumièges, pour y porter le joug de Jésus-Christ sous sa discipline. Eucher (18), c'est le nom du premier de ces jeunes gentilshommes, était d'une famille des plus qualifiées de la ville d'Orléans ; sa mère qui était une dame de grande piété revenant une nuit de matines dans le temps de sa grossesse, et s'étant remise au lit, crut voir pendant son sommeil un ange, qui l'assurait que le fils qu'elle aurait serait un jour évêque, et que ce serait un enfant de bénédiction. Elle se souvint toujours d'une si agréable révélation et lorsque son fils fut né, elle l'éleva jusqu'à un âge auquel il put répondre pour lui-même au baptême, en quoi elle agit toujours de concert avec son mari. Ils crurent devoir choisir quelque saint évêque pour lui administrer ce sacrement dans la vue de faire plus d'honneur à la vocation de leur fils. C'est ce qui fit qu'au lieu de le faire baptiser à Orléans, on alla le présenter au bienheureux Ansbert, évêque d'Autun, nouvellement sacré, qui était en grande réputation de sainteté. Ce prélat, sur le récit de la vision de sa mère, le reçut avec une joie très sensible, il le baptisa et voulut être aussi son parrain, et après lui avoir donné la confirmation il le laissa retourner à Orléans près de ses parents, pour y être élevé dans la piété et dans les sciences.

On lui fit commencer l'étude des lettres dès l'âge de sept ans (19), et il y fit de si grands progrès, qu'il laissa bientôt derrière lui des gens qui avaient le double de son âge ; il ne les devançait pas moins en vertus qu'en connaissances, mais de toutes les études qu'on lui fit faire avec tant de succès, il n'en anima point à l'égal de celle des saintes Écritures, pour lesquelles il se sentait une ardeur toute particulière ; et il y joignit celle des sacrés canons et des écrits des Saintes Pères dans la science desquels il se rendit très habile. On a tout lieu de croire qu'il entra dans la cléricature sous l'évêque Léodebert, et qu'il fit connaître sa vertu au peuple d'Orléans dans quelqu'emploi subalterne du lieu pendant quelques années. Mais comme les vérités de l'Écriture faisaient la matière continuelle de ses méditations, il pensa un jour si profondément à ce que dit S. Paul, que les biens du monde ne sont qu'une figure qui passe et que la sagesse de ceux qui les aiment n'est qu'une folie devant Dieu, qu'il renonça entièrement au siècle et à tout ce qui pouvait l'y retenir. Il chercha la société des personnes qui ne vivaient sur la terre que pour le Ciel (20), afin de s'en faire un modèle ; et il jeta les yeux sur l'abbaye de Jumièges, où il fit profession de la vie monastique en 714, entre les mains de l'abbé Cochin, en présence de 900 religieux (21), d'où l'on peut juger de la bénédiction que Dieu avait versée sur cette maison depuis la mort des 442 dont nous avons parlé dans l'article de S. Aycadre vingt-neuf ans auparavant.

Eucher se mit avec joie sous le joug de l'obéissance, après s'être réduit volontairement dans une pauvreté générale, et sa chasteté se trouva dans un asile beaucoup plus sûr qu'elle n'avait été dans la maison paternelle ou même dans la communauté du clergé d'Orléans. Il vécut dans une pénitence très rigoureuse et dans une exacte observance de tous les devoirs de sa règle pendant six ou sept ans, c'est-à-dire, jusqu'à la mort de son oncle paternel Suavaric, évêque d'Orléans qui avait succédé à Léodebert. Le sénat et le peuple de la ville auxquels se joignit aussi le clergé députèrent vers Charles Martel, avec des présents, pour le prier de vouloir leur permettre d'élire Eucher pour leur évêque. Ce prince, qui sous le titre de maire du Palais était devenu le maître du royaume, leur accorda leur demande sans peine. Il leur donna même un de ses principaux officiers pour aller avec eux de sa part prendre le saint à Jumièges, et le conduire à Orléans. À cette nouvelle Eucher parut aussi affligé que s'il lui fut arrivé quelque disgrâce extraordinaire, et il pria ses frères avec les larmes et grande instance de ne pas souffrir qu'on l'enlevât ainsi de leur sainte compagnie, pour le remettre dans les dangereux engagements du siècle et l'exposer à s'y perdre.

Les religieux de leur côté parurent très sensiblement touchés de cette séparation, parce qu'ils l'aimaient tous et l'honoraient très particulièrement : mais d'autre part ils ne purent s'empêcher de marquer la joie qu'ils avaient du choix que faisait la Providence divine parmi leur compagnie, pour donner un digne pasteur au troupeau de Jésus-Christ, de sorte qu'au lieu de suivre leur inclination, et d'acquiescer à ses prières, ils contribuèrent encore par l'intérêt qu'ils prenaient au bien public de l'Église à lui faire suivre sa vocation. On le mena donc à Orléans, où les évêques voisins l'ordonnèrent au milieu d'un clergé nombreux et d'une prodigieuse multitude de peuple qui s'était assemblé pour la solennité (22).

L'an 721. — Saint Hugues. — Il y avait alors trois ans qu'un autre jeune seigneur faisait l'admiration de la communauté de Jumièges par sa fidélité à remplir tous les points de la règle qu'on y suivait (23).

Il s'appelait Hugues et était fils de Dreux ou Drogon, comte de Champagne, et d'Anstrude (24), fille de Waraton, maire du Palais. Par son père il était petit-fils de Pépin de Heristal, neveu de Charles Martel et cousin germain du roi Pépin. Il fut élevé avec beaucoup de soin auprès de son aïeule maternelle Ansflède, dame de grande piété, qui s'appliqua principalement à écarter de lui tout ce qui était capable de corrompre ses mœurs. Elle lui inspira l'amour de la vertu ; et par ses fréquentes exhortations elle le porta à se consacrer au service de Dieu. Il méprisa ainsi de bonne heure les plaisirs, les honneurs et les richesses de la terre, pour n'en plus rechercher qu'au Ciel. Il entra dans les voies étroites du salut, et distribua en divers temps aux pauvres, aux monastères et aux églises la plus grande partie des biens de son riche patrimoine. Il donna toute son étude à l'Écriture sainte, méditant jour et nuit la loi du Seigneur pour la suivre.

N'étant encore que laïque il donna des terres considérables aux abbayes de Saint-Wandrille et de Jumièges. Nous en avons la preuve dans la Chronique de Fontenelle, où l'auteur renvoie aux chartes de Jumièges (25) pour connaître en détail les grands biens dont ce jeune seigneur avait gratifié cette abbaye. Il ne nous en reste maintenant que le souvenir. Tous les titres ont été brûlés par les Normands ou perdus par les religieux eux-mêmes en voulant les dérober à la fureur de ces barbares. Un de nos légendaires qui vivait vers le milieu du Xe siècle, et après lui le Père Pommeraye (26), nous ont néanmoins conservé le nom de quatre de ces terres ; fiscum apud Liacum dans le territoire de Rouen ; fiscum segiam dans le pays de Caux, et les fiefs de Belniac et d'Amblide dans le Talou (27), du côté d'Arques et de Dieppe. Charles le Chauve fait mention des trois premiers dans un diplôme accordé aux religieux de Jumièges en 849. Nous dirons ailleurs qu'elle en fut l'occasion.

Après la distribution de ses biens, Hugues, pour se délivrer absolument des distractions du monde, se retira dans le monastère de Jumièges en 718 et y embrassa la profession religieuse sous l'abbé Cochin. Il vécut quatre ans dans ce saint repos, se donnant tout entier aux exercices de pénitence, à la prière et à la contemplation divine ; mais le siège épiscopal de la ville de Rouen étant venu à vaquer en 722, on le retira de sa sollicitude pour l'obliger à le remplir. L'année suivante, il fut abbé de Saint-Wandrille et un an après évêque de Paris.

Il se chargea encore presqu'en même temps de l'évêché de Bayeux et de l'abbaye de Jumièges, vacante par la mort de l'abbé Cochin, dont le gouvernement avait été de trente-six ans entiers.


SAINT HUGUES, QUATRIÈME ABBÉ (724).

Ce ne fut point par avarice ou par ambition que S. Hugues posséda ainsi tant de bénéfices à la fois, mais voyant que de son temps on commençait à en donner à des séculiers qui en dissipaient les revenus, il accepta sans répugnance ces cinq avec des terres du domaine du roi, qui lui furent confiées par son oncle Charles Martel. Il s'appliqua avec beaucoup de zèle et de vigilance à la conduite de ces trois évêchés et de ses deux abbayes, et après avoir pourvu selon l'étendue de sa charité pastorale aux besoins spirituels de tant de peuples, en même temps qu'il travaillait à rétablir et conserver les droits et les biens temporels de leurs églises, il se retira une seconde fois dans son abbaye de Jumièges, pour reprendre ses premiers exercices et vaquer plus librement à l'oraison.

L'an 730. — Il y mourut de la mort des justes le 9 avril de l'an 730 et fut enterré fort honorablement dans l'église de Notre-Dame, où ses religieux lui élevèrent un superbe monument, sur lequel ils suspendirent une grande couronne (
28), richement composée de divers métaux, tant pour marquer l'opinion qu'on avait de sa sainteté, que pour laisser un témoignage de la reconnaissance qu'on avait des bienfaits dont il avait comblé la maison. Il y demeura pendant l'espace d'environ cent trente ans, jusqu'à ce que la crainte des Normands obligea les moines de Jumièges à prévenir les effets de leur fureur, en transportant son corps à Haspres avec celui de S. Aycadre. Le martyrologe romain en fait mention au jour de sa mort.

Je ne dois pas dissimuler ici que les savants sont partagés sur la naissance et le temps de notre saint. Les uns veulent avec l'auteur de la chronique de Saint-Wandrille (29), d'après lequel nous avons parlé jusqu'ici de notre saint abbé, qu'il ne soit autre que le fils de Dreux établi duc de Champagne par son père Pépin de Heristal, et d'Anstrude, fille de Waraton, maire du Palais, ainsi que nous l'avons remarqué ; d'autres au contraire le confondent avec un autre Hugues, qu'ils font fils de Charlemagne et d'Austrude, fille de Tassillon, duc de Bavière, et qu'il ne vint au monde que plus de cent ans après lui. Ils prétendent que celui-ci ayant été élevé à Saint-Denis dans sa première jeunesse, fut fait abbé de Rebais et de la Croix-Saint-Ouen ; qu'ayant été ensuite à Rome, il y fut ordonné clerc par le pape Léon III, admis dans le clergé de cette ville et promu au diaconat par le même pape ; que de retour en France, il fut demandé pour évêque par le clergé, la noblesse et le peuple de Rouen, et sacré en 762, par ordre de l'empereur, son père, à Aix-la-Chapelle, avec son frère Drogon ou Dreux, que la clergé de Metz avait aussi demandé ; qu'ayant gouverné l'église de Rouen durant vingt-six ans, il se retira à Jumièges, où il mourut dix ans après, le 9 avril 798, âgé de soixante-quatorze ans. Telle est l'histoire que des moines de Saint-Vaast et de Jumièges ont fait de notre saint vers le milieu du Xe siècle, et que Baudry, évêque de Dol, s'est contenté de mettre en un meilleur style au commencement du XIIe (30). Les éditeurs du bréviaire de Rouen l'ont inséré dans les leçons de son office en 1309, sur le témoignage de ces nouveaux légendaires, auxquels Baudry, évêque de Noyon, a cru lui-même devoir déférer en cette rencontre, quoique d'ailleurs très exact (31).

Il est fâcheux d'être forcé de désavouer ses propres historiens ; mais l'amour de la vérité nous y oblige. Nous le ferons néanmoins de la manière la plus mesurée, et en conservant aux auteurs la réputation qui leur est justement due, d'avoir été dans la bonne foi en tout ce qu'ils ont écrit sur ce sujet. Ils ont été trompés, sans vouloir tromper personne, ni ravir à notre saint les honneurs que l'Église lui a décernés, mais comme leur opinion a donné lieu à plusieurs de dire que le fils de Dreux, comte de Champagne, n'était point regardé comme saint, parce que l'abbaye de Saint-Wandrille et les églises de Paris et de Bayeux qu'il avait gouvernées n'en faisaient point la fête, il est à propos de faire connaître que c'est de lui précisément dont il s'agit, et non du fils de Charlemagne :

1° De toutes les femmes et concubines que les auteurs donnent à l'empereur, il ne s'en trouve aucune du nom d'Austrude (32).

2° Charles n'est né qu'en 747, et n'a commencé à régner qu'en 768 : il n'a donc pas pu avoir un fils capable d'être évêque de Rouen en 762.

3° Le pape Léon III, qu'on dit l'avoir ordonné diacre, n'est monté sur le siège de Saint-Pierre qu'en 795 : comment donc a-t-il pu lui conférer le diaconat en 762, et peut-être même auparavant?

4° Drogon ou Dreux, son frère, évêque de Metz, avec lequel on assure qu'il fut sacré à Aix-la-Chapelle, n'a été décoré de ce titre, selon Thégan (33), que par Louis-le-Débonnaire, qui ne succéda à Charlemagne qu'en 814.

5° Enfin nul auteur avant eux n'a reconnu d'autre Hugues, pour fils de l'empereur Charlemagne, que celui qu'il eut de Régine ou Reine, une de ses maîtresses, qui lui avait déjà donné Drogon ou Dreux, et dont il eût encore un troisième fils, nommé Thierry. Or, cet Hugues n'a pu voir le jour avant l'an 783, puisque, selon la chronique de Saint-Nazaire, ce ne fut qu'en cette année que la reine Hildegarde mourut, et que Charles eût encore successivement deux femmes légitimes Fastrade et Luidgarde, avant de prendre Régine, mère de Dreux, d'Hugues et de Thierry. Nithard (34), dans la vie de Louis-le-Débonnaire, dont il était contemporain, assure que ces trois princes furent élevés au palais royal et qu'ils eurent l'honneur de manger à sa table jusqu'à ce que Louis, devenu empereur, craignant que l'exemple de son neveu Bernard ne les portât à la révolte, les fit enfermer dans des monastères (35), d'où il les tira dans la suite pour les pourvoir honorablement. Dreux eut l'évêché de Metz, et Hugues plusieurs abbayes (36). L'auteur eût-il oublié de faire mention de l'archevêché de Rouen, si Hugues en eût jamais été pourvu ? Mais comment aurait il pris possession de cette église, tandis que son siège était occupé par Vilbert (37), et que lui-même était trop jeune pour le remplir ?

Ajoutons à tant de preuves que ce fils de Charlemagne et de Régine ne fut jamais qu'un simple prêtre vivant fort séculièrement, et que bien loin d'être mort à Jumièges, d'où l'on suppose que son corps fut depuis transféré à Haspres, il fut tué dans un combat en Angoumois le 7 ou le 13 de juin de l'an 844 (38). Quelle peut donc avoir été la cause de cette erreur ? Voici en peu de mots ce que nous en pensons : cette fable n'a de fondement que sur la ressemblance de deux noms, Dreux et Anstrude, qui furent certainement les père et mère de S. Hugues, archevêque de Rouen et abbé de Jumièges, etc. Ces noms étaient connus ; l'attribution seule en a été mal faite, et il n'en faut point être surpris. Les religieux de Jumièges ayant perdu dans la destruction de leur abbaye tout ce qu'ils pouvait avoir de titres et de mémoires, leurs successeurs, à qui la paix avait été rendue par le baptême de Rollon, chef des Normands, tirent de nouveaux actes de la vie de S. Hugues sur ce qu'ils crurent avait appris de leurs ancêtres et sur des traditions populaires. Or, comme Hngues, dit l'abbé, était plus récent et qu'il avait eu un frère du nom de Dreux, fils naturel de Charlemagne comme lui, il ne fut pas difficile de prendre le change, et, supposant à Charlemagne une femme du nom d'Anstrude, les nouveaux auteurs de la vie de S. Hugues ont cru de bonne foi devoir lui donner comme frère celui qui était véritablement son père. Drogo Campaniæ dux in Drogonem Mettensem episcopum confusus : et qui Hugonis pater, ejus germanus creditus est (39).

Quant à ce qu'on nous objecte que l'abbaye de Saint-Wandrille et les églises de Paris et de Bayeux n'ont jamais fait la fête de notre saint, quoiqu'elles le reconnaissent pour un de leurs prélats, il est certain que cette omission ne peut faire un titre contre nous, et qu'elle ne vient que de l'usage où l'on était dans ces temps-là de ne célébrer la fête des saints que dans le lieu de leur sépulture et dans les églises où l'on avait quelque portion de leurs reliques (40), ce qui devient évident par l'exemple de celle de Rouen, où l'on n'a commencé à lui rendre un culte public qu'en 1309, après que les religieux de Saint-Vaast d'Arras l'eurent gratifiés d'un bras de ce saint archevêque.


HILDEGARD, CINQUIÈME ABBÉ (730).

Hildegard succéda à S. Hugues dans le gouvernement de l'abbaye de Jumièges. Il était religieux de la maison et avait fait profession sous l'abbé Cochin. C'est tout ce que nous savons de lui. Nos manuscrits ne nous en apprennent pas davantage ; ce qui ne doit pas surprendre après ce que nous avons dit de la perte presque générale des titres de cette abbaye ; néanmoins comme la proximité de la source rend les ruisseaux plus purs, il est à présumer que son gouvernement ne fut pas sans fruit, et qu'il marcha fidèlement sur les traces de ses prédécesseurs, particulièrement du dernier sous lequel il avait vécu. On ne sait pas mieux quelle fut la durée de son gouvernement. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il vivait encore lorsqu'en 748, les religieux de Saint-Trond (41) mandèrent à ceux de Jumièges la mort de S. Eucher, leur ancien confrère.

Ce digne prélat [S. Eucher], dont nous avons donné la vie jusqu'à son sacre, mérite encore que nous la donnions jusqu'à son décès. Ses éminentes vertus dans l'épiscopat pourront servir de modèle aux ecclésiastiques persécutés pour la justice. Il ne fut pas plutôt ordonné évêque que ce changement d'état lui parut d'autant plus dur, qu'il avait plus de lumières que le commun des prêtres et des évêques mêmes pour connaître les obligations du ministère ecclésiastique. Il regardait l'épiscopat (42) non pas comme une dignité et un honneur, ainsi que faisaient les autres, mais comme une charge très difficile et environnée de dangers. Au lieu de s'en épouvanter ou de tomber dans le découragement, il eut recours à l'assistance du Souverain Pasteur qui l'avait mis dans cet engagement, et il se donna tout entier aux soins que demandait le gouvernement de son église. Il s'appliqua à y bien régler la discipline autant pour les mœurs que pour la manière de servir Dieu dans le culte qui lui est dû. Comme il avait une affection particulière pour son clergé, dont il avait peut-être été membre autrefois, il en procurait l'accroissement et tous les avantages avec beaucoup de zèle ; il travaillait avec une ardeur infatigable à instruire les peuples par lui-même, à déraciner les vices et à faire régner Jésus-Christ dans leurs cœurs, il animait aussi souvent de sa présence toutes les maisons religieuses de son diocèse, ne pouvant oublier l'habitude qu'il avait contractée à Jumièges pour un genre de vie dans le repos duquel il s'était autrefois promis de pouvoir acquérir la souveraine félicité. Il se comportait à l'égard de tout le monde avec tant de douceur et de bienveillance qu'il gagna bientôt les cœurs de tout le monde ; de sorte que chacun lui obéissait avec une affection sincère et la parfaite soumission.

Cette union admirable qui se forma entre le pasteur et le troupeau et qui mit l'Église d'Orléans dans un état très florissant, fut traversée enfin par l'envie que les méchants portèrent au bonheur des pauvres de ce diocèse, qui profitaient non seulement des biens de l'évêque, mais encore de ceux des riches que l'exemple et les exhortations de leur saint prélat rendaient charitables comme lui. Dieu les fit servir d'instruments pour éprouver la patience de son serviteur, et il permit qu'ils l'attaquassent par des calomnies atroces. Par ce moyen il s'éleva sur lui, sur son église et sur sa famille même un grand orage qui troubla entièrement la paix dont il jouissait au milieu de son peuple depuis près de seize ans. On le rendit suspect à Charles Martel, et pour aigrir son esprit contre lui, on décria d'une manière odieuse le zèle et la fermeté que le saint fit paraître pour s'opposer aux laïques qui usurpaient les biens de l'Église. C'était toucher Charles Martel par son endroit le plus faible et le plus sensible ; car ce fut lui qui introduisit ou du moins qui fit augmenter ce désordre pendant les guerres diverses qu'il eut à soutenir pour sa propre défense ou contre les Sarrasins et les autres ennemis de l'État. On enveloppa aussi dans la même accusation tous ceux de la famille d'Eucher, qui était une des plus considérables du pays, et qui en possédait les principales charges.

L'an 737. — Charles n'eut pas le loisir peut-être même la volonté d'examiner la qualité de ces accusations, parce qu'il marchait contre les Sarrasins en Aquitaine ; mais aussi il ne les oublia point. Ayant heureusement défait ses ennemis, il passa par Orléans à son retour, et ordonna au saint évêque de le suivre à Paris, et de là au palais de Verneuil qui était une maison royale sur la rivière d'Oise au diocèse de Beauvais. Quand il y fut arrivé, il l'envoya en exil à Cologne, et y relégua aussi tous ses parents sans vouloir les entendre dans leurs défenses. Eucher, qui regardait toute la terre comme un lieu de bannissement pour les vrais chrétiens, s'attendait effectivement à ne vivre à Cologne que comme un banni, mais dès qu'on vint à le connaître on cessa de le regarder comme un étranger. Sa vertu fut un charme qui lui attira l'affection et les respects de tout le monde ; il fut traité avec honneur par tout le clergé et le peuple de la ville. Les principaux habitants firent paraître tant d'empressement pour l'assister dans tous ses besoins, que Charles en conçut de l'ombrage, de sorte qu'il envoya à Chrodebert ou Robert, duc de Haspengouw (43), ordre de faire sortir Eucher de Cologne, et de le transporter dans une des places fortes du pays de Hesbaye, pour empêcher ses intelligences avec les étrangers ; mais Dieu lui fit encore trouver grâce dans l'esprit de ce seigneur, qui, loin de le maltraiter en exécutant ce qui lui était ordonné, eut grand soin qu'il ne manquât de rien, et lui offrit encore de l'argent pour le distribuer aux pauvres ou aux monastères, selon qu'il le jugerait à propos. Le saint, usant de la liberté que le duc lui laissait de se choisir une demeure dans tel endroit qu'il lui plairait dans la contrée du Hesbaye, se retira dans l'abbaye de Saint-Trond, qui portait encore le nom de Sareing (44) au diocèse de Maastricht, dont le siège épiscopal avait été transféré depuis quelques années à Liège par S. Hubert.

L'an 743. — Lorsqu'il s'y fut renfermé, il ne songea plus qu'à se sanctifier dans le repos que lui procurait cet heureux séjour, et à se tenir uni à Dieu par la contemplation et par la prière continuelle. Il persévéra dans ce divin commerce jusqu'en 743, qui fut l'année de sa mort. On ne sait pas positivement si ce fut le 20 ou le 21 février qu'elle arriva. Les martyrologes les plus anciens font mémoire de lui le 20. Celui qui porte le nom de Bède le met au 21, mais il n'est pas aisé de conjecturer de quel temps est cette addition, ne pouvant être du texte de Bède, qui était mort huit ans avant notre saint. Son corps fut enterré dans l'église de Saint-Trond avec une solennité religieuse, et Dieu fit connaître non seulement l'injustice de ses ennemis, mais encore sa sainteté et sa gloire par divers miracles qui se firent à son tombeau.


DROCTEGAND, SIXIÈME ABBÉ (vers 750).

Le successeur d'Hildegard dans le gouvernement de l'abbaye de Jumièges fut Droctegand. La succession est certaine, mais l'époque ne l'est pas à sept ou huit ans près. Qu'importe, au reste, qu'il ait gouverné huit ans plus tôt ou huit ans plus tard ? La chose est de trop peu de conséquence pour mériter qu'on s'y arrête, mais il n'en est pas de même de quelques actions de sa vie, dont plusieurs auteurs graves ont cru devoir lui ravir la gloire, pour la reporter à un autre du même nom et du même temps, qui fut premier abbé de Gorze (45), dans le pays Messin. Voici le fait.

L'an 750. — Aistulfe, roi des Lombards, marchant sur les traces de Luitprant, de Childebran et de Rachis, ses prédécesseurs, commença son règne en 750 par une grande irruption sur les terres de l'Église. Le pape Étienne II députa vers lui les diacres Paul et Ambroise (46), et par des présents dont il les avait chargés pour ce prince, il obtint la paix pour quarante ans ; mais le roi barbare oublia dès l'année suivante ce qu'il avait promis, il prit Ravenne et tout le reste de l'Exarchat, qui jusque-là avaient été tenus par des vicaires de l'empereur ; il s'empara en 752 de plusieurs villes près de Rome même, et envoya sommer les Romains de lui payer le tribut d'un écu d'or par tête. Le pape implora en vain le secours de l'empereur Copronyme, et voyant qu'Aistulfe se moquait de l'un et de l'autre, il eut recours au roi Pépin, à l'exemple de Grégoire III et de Zacharie, qui dans un semblable besoin avaient réclamé la protection de Charles Martel. Il lui écrivit en 753 une lettre pleine des plus vives expressions de sa douleur, qu'il envoya secrètement par un pèlerin ; puis par une autre lettre il le pria de lui envoyer des ambassadeurs pour l'engager à passer dans les Gaules sous le prétexte de l'aller voir.

Le roi Pépin lui fit une réponse telle qu'il l'avait demandée et en chargea l'abbé Droctegand, que le Père Le Cointe et M. Fleury (47) prétendent être le premier abbé de Gorze et que le Père Mabillon et Dom Bouquet soutiennent être l'abbé de Jumièges (48), parce que le monastère de Gorze, dont Chrodegang, évêque de Metz, avait jeté les fondements en 749, était à peine achevé ; ce qui nous détermine à donner la préférence à ce dernier sentiment, avec d'autant plus de liberté que M. Fleury, en suivant l'opinion du Père Le Cointe, l'a cru étayée du témoignage du célèbre auteur des actes des saints des Bénédictins, dont le texte lui est contraire, ainsi que nous venons de le remarquer. Le pape le reçut avec distinction, et le renvoya quelques jours après vers le roi avec une lettre, qui ne contient que des actions de grâces, se rapportant du surplus à Droctegand, avec lequel il s'était expliqué de vive voix (49). Il écrivit en même temps et par la même occasion aux ducs de France, pour les exhorter à venir au secours de S. Pierre, qu'il nomme leur protecteur et à appuyer sa demande auprès de Pépin, qui lui envoya en effet deux des principaux seigneurs de sa cour pour le conduire en France, tandis qu'il marcha lui-même contre le roi des Lombardes, qu'il força enfin d'exécuter ce qu'il avait promis.

La paix ainsi rendue à l'Italie par la présence de Pépin, le pape repassa les monts et revint à Rome, où il mourut le 6 avril 757. Paul I lui succéda et ne manqua pas de donner avis de son élection à Pépin, auquel il adressa presque toutes les lettres qu'il écrivit dans la suite pour demander du secours, tantôt contre les Grecs, qui d'intelligence avec les Lombards voulaient reprendre Ravenne, tantôt contre les Lombards et le roi Didier, qui chicanait toujours sur la restitution des places promises par le traité de son prédécesseur. Ce fut le sujet d'un second voyage de Droctegand à Rome au nom de Pépin. Il partit en 758, et rapporta deux lettres du pape, l'une au roi dans laquelle le souverain pontife le félicite de sa bonne santé, et de l'heureux succès de ses armes en Saxe ; l'autre à Charles et à Carloman dans lesquelles il les exhorte d'être fidèles à S. Pierre à l'exemple de leurs ancêtres et de défendre l'Église de Rome (50). Ces deux ambassades de Droctegand nous font regretter avec raison la perte des mémoires de l'abbaye. Ils nous auraient sans doute appris de quelle manière sa réputation fut portée jusqu'à la Cour, et comment il mérita l'affection et la confiance du roi Pépin, le premier de nos rois de la seconde race.

L'an 759. — L'année 759 fut remarquable par l'exil de S. Sturme, abbé de Fulde, en Allemagne. La considération où il était dans le pays, jointe au zèle avec lequel il travaillait à l'instruction des peuples, donna de la jalousie à S. Lulle, évêque de Mayence, auquel S. Boniface, en renonçant à l'épiscopat, avait recommandé l'abbaye de Fulde, quoique le Père Zacharie l'eût exemptée de la juridiction de l'évêque diocésain. Le prélat, se croyant méprisé dans Fulde par les conseils de l'abbé, porta ses soins ailleurs. Trois faux frères s'en aperçurent les premiers, et espérant que l'évêque les protégerait contre leur abbé, ils allèrent à la Cour de Pépin, et l'accusèrent de n'être pas affectionné au service de Sa Majesté. Le roi, surpris par cette calomnie, que S. Lulle ne chercha sans doute pas à détruire, se fit amener S. Sturme, et peu satisfait de la réponse que son humilité et le désir qu'il avait de souffrir lui firent faire, il l'exila avec quelques-uns de ses disciples dans un célèbre monastère du royaume, que l'auteur de sa vie appelle unnedica, que Dom Mabillon dit absolument être gimedica seu gemeticum — Jumièges au diocèse de Rouen (51). M. Le Vallois dit la même chose. Le Père Brower, Jésuite et recteur du collège de Fulde, reconnaît qu'il y a de l'erreur dans le nom d'unnedica, qui est entièrement inconnu, mais il se fait scrupule d'en supposer un autre. Il insinue cependant qu ce pourrait être l'abbaye d'Inde (52) ; mais la chose est impossible, parce que cette abbaye n'était pas même fondée du temps de S. Sturme, et qu'elle ne le fut que plus de cinquante ans après sa mort. M. Fleury et le Père Rivet ont été plus réservés, et n'ont point parlé du lieu de l'exil de notre saint. Dom Bouquet et M. de Mésangui (53) ont suivi le Père Mabillon, et M. Le Vallois, et nous nous rangeons nous même à leur avis non seulement pour le respect qui leur est dû, mais par la seule considération, qu'encore qu'il y eût en France plusieurs monastères célèbres à qui l'on pouvait donner le nom de grand, magnum cœnobium quod dicitur unnedica (54), le nom toutefois ne convenait à aucun autre préférablement à Jumièges, où il y avait encore alors près de 900 religieux et un plus grand nombre de serviteurs. D'ailleurs il ne doit pas paraître étonnant qu'un auteur bavarois, tel qu'était celui qui a écrit la vie de S. Sturme, ait corrompu les trois premières lettres du véritable nom latin de Jumièges, et qu'il se soit servi du mot unnedica pour gimedica. Sera-t-on plus surpris que Pépin, qui avait pris en affection l'abbé Droctegand, dont il connaissait la fidélité, lui ait confié un sujet qu'on avait accusé auprès de lui de ne lui être pas fidèle ? Non sans doute. Il paraît donc plus que probable que Jumièges fut le lieu du bannissement du saint abbé de Fulde. Quoi qu'il en soit, il fut très bien reçu par l'abbé et les religieux, qui, pendant deux ans qu'il demeura dans leur cloître, lui rendirent toutes sortes de respects et tous les devoirs de charité qui étaient dus à son mérite. Il fut rétabli dans sa charge vers le milieu de l'année 761.

L'an 765. — Quatre ans après, le roi Pépin fit tenir un concile ou assemblée générale de la nation française (55) à Attigny-sur-Aisne, dans le diocèse de Reims. Il n'en reste que les noms des évêques qui y assistèrent au nombre de vingt-sept avec dix-sept abbés, dont nous avons les souscriptions à la fin d'un acte d'union fait entre eux, pour s'assurer des prières après leur mort. Ils convinrent et ordonnèrent que quand quelqu'un d'eux serait décédé, chacun ferait dire pour lui cent psautiers par ses clercs et célébrer cent messes par ses prêtres, et que l'évêque ou abbé dirait lui-même trente messes ou les ferait dire par un de ses collègues en cas d'infirmité. Entre les abbés qui se trouver au concile, Droctegand tient le quatrième rang, comme abbé de Jumièges. Son nom se trouve encore dans un autre acte d'association spirituelle (56) avec les moines de l'abbaye d'Auge, au diocèse de Coutance. L'histoire ne nous fournit autre chose sur ce qui le regarde.

_____________________________________

[Notes de bas de page : * = originale ; † = par l'abbé Loth.]

1†.  Voici ce distique d'Alcuin (Alc. Epigr. 253) :

Hanc pater egregius aram Filibertus habebit
Plurima construxit qui loca sancta Deo.

2*.  Jean Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1703, t. I, p. 568.

3*.  Mabillon, Acta sanctorum ordinis S. Benedicti, Paris, 1669, t. II, p. 963.

4*.  Mabillon, Ibid., p. 956.

5*.  Mabillon, Ibid., p. 952

6*.  Anonyme, apud Mabillon, ibid., p. 352 ; Anonyme, apud Laurentius Surius, De probatis Sanctorum historiis, Cologne, 1570, t. I, «15 sept.»

7*.  Anonyme, apud Mabillon, ibid., p. 352 ; Fulbert, Ibid., ; et Anonyme, apud Surius, ibid., «15 sept.»

8†.  La citation qui suit est empruntée au deuxième volume de Trigan, ce qui prouve que l'histoire de l'abbaye de Jumièges que nous éditons n'a pu être écrite ni corrigée qu'en 1760 : la partie citée de l'ouvrage de Trigan n'ayant été publiée qu'en 1759¹. [¹ Charles Trigan, Histoire ecclésiastique de la province de Normandie, Caen, Chalopin, 1759-1761, 4 vol. in-4°.]

9*.  Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1669, t. II, p. 968.

10*. Anonyme, apud Mabillon, ibid., p. 11.

11†. Haspres : commune du département du Nord, arrondissement de Bouchain.

12*. Hariulf d'Oudenbourg, Chronicon centulense,¹ vers 1110, t. I, ch. 2 ; Luc d'Archery, Spicilegium, Paris, 1675, t. IV, p. 45. [¹ «Chronique de l'abbaye de Saint-Riquier».]

13†. Cf., Société des Bollandistes, Acta sanctorum, «Prologus in Vita S. Austreberthæ» ; Hariulf, op. cit., t. I, ch. 26, apud D'Achery, op. cit., t. IV, p. 451.

14†. Il est néanmoins très probable que ces auteurs avaient vu une grande partie des faits qu'ils racontent, puisque cinq ans à peine séparent le départ de S. Filibert de Jumièges de l'élection de Cochin.

15*. Hariulf, op. cit.

16*. Ibid.

17†. Centule : aujourd'hui Saint-Riquier, canton d'Ailly-le-Haut-Clocher, arrondissement d'Abbeville (Somme). L'ancienne abbaye est en ce moment à l'usage d'un Petit-Séminaire.

18†. Cf., Société des Bollandistes, Acta santorum, Februarii, Antwerp, 1658, t. III, p. 208-222, «Acta S. Eucherii Aurelian. Episc.» ; le commentaire et les notes sont de Godefridus Henschenius [Godefroy Henschen, 1601–1681].

19†. Ce fait qu'on trouve répété dans presque toutes les vies des saints les plus connus du VIIe et du VIIIe siècle, prouve que l'instruction était en honneur dans les familles aisées comme dans les monastères.

20*. Mabillon, Acta sanctorum ordinis S. Benedicti, Paris, 1672, t. III, part I ; et Société des Bollandistes, Acta santorum, Februarii, Antwerp, 1658, t. III, p. 217.

21*. Societé des Bollandistes, Ibid.

22†. La vie de S. Eucher, interrompue ici par notre auteur, est continuée plus loin.

23*. Anonyme, Gesta Abbatum Fontanellensium, vers 840, t. III, ch. 3.¹ [¹ «Chronique de Fontenelle».]

24†. Anstrude : on trouve aussi «Aveltrude» dans la Chronique de Fontenelle.

25*. Luc d'Archery, op. cit., t. III, pp. 206 et 208.

26*. Jean-François Pommeraye, Histoire des archevêques de Rouen, Rouen, Maurry, 1667, pp. 191 et 192.

27†. Le pays de Caux était divisé dans l'origine en deux comtés principaux : le Caux et le Talou. Le Talou était un territoire assez vaste dont Arques fut regardé pendant quelque temps comme la capitale. Dom Pommeraye s'est efforcé d'élucider cette question encore obsure ; voir aussi Michel-Toussaint-Chrétien Du Plessis, Description géographique et historique de la haute Normandie, Paris, Nyon, 1740, t. I, pp. 46 et suiv.

28*. Anonyme, Gesta Abbatum Fontanellensium, t. III, pp. 207 et 208.

29*. Ibid., p. 205.

30*. Antoine Du Moustier, Neustria Pia, Rouen, Berthelin, 1663, ch. 9 et 10.

31*. Baldéric ou Baudry, Chronicum Camerac, vers 1100, t. II. ch. 29.

32*. Einhardus, Vita Karoli magni, vers 810.

33†. Thegan a écrit en 837 la vie de l'empereur Louis-le-Débonnaire, et son ouvrage a été compris par André Du Chesne, Historia Normannorum scriptores antiqui, Paris, 1619, dans son recueil des historiens de la France.

34†. Les quatre livres de Nithard sont imprimés dans Peirre Pithou, seconde partie de son recueil des douze historiens contemporains.

35*. Nithard, De Dissensionibus filiorum Ludovici Pii.

36*. Thegan, Vita Ludovici imperatoris, ch. 24.

37†. Gilbert ou Vilbert : archevêque de Rouen en l'an 800.

38*. Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, ; Mettens ; Fuldens ; Bertin.

39*. Mabillon, Acta sanctorum ordinis S. Benedicti, Paris, 1672, t. III, part I, p. 449.

40*. Sanmarthani, Gallia christiana, Paris, 1656, t. I, p. 566.

41†. Saint-Trond ou Truyen : abbayé de l'ordre de S. Benoît, en Belgique, au diocèse de Liège, fondée par S. Trond en l'an 662.

42*. Adrien Baillet, Chronologie des saints, Paris, Roulland, 1703, t. I, p. 261.

43†. Haspengouw : il s'agit ici de la contrée d'Hesbaye, en latin Hesbania, dans l'évêché de Liège, dont il est fait mention dans le partage que Charles-le-Chauve et Louis-le-Germanique firent des états de Lothaire en 880.

44†. Sareing : en latin Sacrimiun.

45†. Gorze, en latin Gorzia : abbaye dans le chef-lieu de canton de ce nom, arrondissement de Metz (Moselle) ; cette abbaye, plus connue sous le nom de Saint-Grégoire, fut fondée en 749 par S. Chrodegang, ou Droctegand, évêque de Metz.

46*. Stephen Baluze, Vitæ Paparum Avenionensium, Paris, 1693.

47*. Louis Moreri, Le Grand dictionnaire historique, Paris, Coignard, 1718, 15e édition de Louis-Ellies Du Pin et de l'Abbé Le Cointe, «an 753, n. 52» ; Claude Fleury, Histoire ecclésiastique, Bruxelles, Fricx, 1716-1740, t. XLIII, p. 369.

48*. Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1704, t. II, p. 162 ; Martin Bouqet, Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. V, p. 434.

49*. [Cf.,] Migne, Jacques-Paul Migne, Patrologiæ cursus completus... Operum beati Caroli Magni imperatoris tomus secundus, Paris, 1851, t. XCVIII, «Epist. 10a».

50*. [Cf.,] Migne, Ibid., «Epist. 38 et 41».

51*. Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1704, p. 192 ; et Levallois apud Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1672, t. IV, part. II, p. 25.

52*. Christophorus Browerus et Jacbus Masenius, Antiquitatum et annalium trevirensium, Liège, 1670, t. XXV.

53*. Bouquet, op. cit., t. V, p. 429 ; et Baillet, op. cit., t. II. p. 460.

54*. Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1672, t. III, supplément.

55*. Jean Hardouin, Acta conciliorum et epistolæ decretales ac constitutiones summorum pontificum, Paris, 1715, t. VI. p. 1701.

56*. Jean Mabillon, Vetera analecta, Paris, 1685, t. IV, pp. 642 et 644.


«Histoire de l'abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 3

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]