«HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE DE SAINT-PIERRE DE JUMIÈGES» ; 17


CHAPITRE 17.Jumièges au commencement du XVIIe siècle. — Marian de Martinbos, 73e abbé (1607). — Baltasar Poitevin, 74e abbé (1614). — Jean-Baptiste de Croisilles, 75e abbé (vers 1635). — Notes de bas de page.


JUMIÈGES AU COMMENCEMENT DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

On commença le XVIIe siècle, à Jumièges, par une assemblée capitulaire où le R. P. Dom Adrien Langlois, prieur claustral, exposa, avec une grande liberté, quoiqu'avec beaucoup de sagesse et de prudence, les abus qui s'étaient introduits dans le monastère pendant les troubles, et la nécessité où il était d'y remédier par des règlements salutaires. Son discours ne plut pas également à tous les religieux ; mais les quatre sénieurs, Dom Guillaume Caumont, Dom Jean Gaucht, Dom Marin du Costé et Dom Toussaint de Marseilles, répondirent, avec beaucoup de zèle, qu'ils ne désiraient rien avec plus d'ardeur, et le prièrent de ne point s'arrêter aux obstacles qu'on pourrait opposer à ses pieuses intentions. Il tint donc un conseil avec eux, où l'on jugea à propos de renouveler les statuts du cardinal de Bourbon et de ses grands vicaires, dont on fit un corps de règlements auxquels on ajouta la sentence d'excommunication portée par les papes Pie V et Grégoire XIII contre les femmes, fût-ce une duchesse, qui entreraient dans les monastères, et contre les prélats et les moines qui les y introduiraient, ou qui les y accompagneraient.

Ces règlements ayant été reçus sans opposition, Dom Langlois, de l'avis de ses quatre sénieurs, en dressa de nouveaux qu'il fit lire, en chapitre, le 23 juin 1601. Voici les principaux : les officiers assisteront à tous les offices et exercices communs, excepté à l'office de prime, quand ils voudront dire la messe ; ils ne sortiront point sans permission, et n'entreront dans aucune maison séculière que le prieur n'en sache la cause ; ils mangeront au réfectoire avec la communauté ; ils n'entreprendront aucun procès que de l'avis du prieur et des sénieurs auxquels ils donneront, par écrit, leurs moyens de défense pour être envoyés aux procureurs des juridictions où les procès doivent être intentés, afin d'éviter les frais de voyage ; si leur présence est quelquefois nécessaire, ils le représenteront au prieur qui leur allouera 25 sols pour leur dépense et 10 sols pour le cheval. Rien ne sera vendu dans le monastère que par le cellérier qui en conférera avec le prieur auquel il apportera tous les deniers lui proviendront de ces sortes de ventes, pour être mis, en présence des sénieurs, dans le coffre du dépôt avec l'argent de sa recette sans en rien réserver, sous peine de déposition. Les chantres et les officiers de l'autel rentreront au chœur pour chanter la petite heure qui suit immédiatement la grand'messe. Les religieux se feront raser la barbe de quinze en quinze jours, et se feront occuper les cheveux tous les mois. Ils garderont leur rang de profession et feront le service de l'église et du réfectoire chacun à leur tour, si le prieur ne juge à propos d'en exempter quelquefois les officiers.

Tandis que Dom Langlois, par ses sages règlements, s'efforçait de rétablir l'abbaye de Jumièges dans son ancienne splendeur, les officiers travaillaient de leur côté à conserver ses possessions et à recouvrer ses droits ; mais la chose était difficile et il n'y avait pas même lieu d'espérer qu'ils en vinssent à bout, parce que la plupart des titres étaient entre les mains des laïques, ou avaient été pillés et rompus par les soldats qu'on avait mis en garnison dans l'abbaye pour la sûreté des religieux. Les vassaux se prévalaient du désordre qu'ils savaient être dans le chartrier, et refusaient de payer les cens et rentes dont leurs héritages étaient chargés. Dom Langlois en fut averti, et, craignant avec raison que le mauvais état du temporel n'éteignît peu à peu la discipline régulière, il résolut de se pourvoir au Parlement de Normandie qui, en semblable occasion, s'était montré favorable aux évêques de Bayeux, de Coutances et d'Avranches ; il exécuta, en effet, bientôt après cette résolution, par une requête à laquelle le Parlement répondit par un arrêt dont voici le prononcé :

«Notre ditte Cour en aïant égard à la ditte requête a permis et permet aux religieux, abbé et Couvent de Jumièges, faire sommer et interpeller par le premier de nos huissiers ou sergents sur ce requis toutes et chacune des personnes qui se trouveront redevables aux dits demandeurs à cause de la ditte abbaïe par les registres, papiers, journaux, lettres, titres et enseignements qui leur sont demeurés, d'exhiber aux dits demandeurs, leurs receveurs, fermiers et préposés, leurs acquits et décharges, si aucuns en ont, et de comparoir à la ditte abbaïe, si faire le peuvent, à certain et compétent jour de l'interpellation qui leur sera faite, pour amiablement compter et arrêter au certain les sommes dues par les dits redevables ; autrement, à faute de ce faire, et le dit temps de l'assignation échu et passé, notre dite Cour a, dés à présent, permis et permet aux dit demandeurs, leurs fermiers et receveurs, faire exécuter par le premier huissier ou sergent sur ce requis les tenants et sujets des fiefs et terres appartenant à iceux demandeurs à cause de la ditte abbaïe, en vertu des lettres, comptes, papiers, journaux, titres et enseignements qui leur sont demeurés pour les sommes qui se trouveront dues à la ditte abbaïe, sans que les dits redevables, aiant été refusants ou délaissants d'exhiber leurs dits acquits et décharges et de venir compter, puissent prétendre aucuns dépens, dommages et intérêts à cause des dittes exécutions ; et ne pourront les dits redevables eux aider de prescription ou possession à l'encontre des dits demandeurs pour le temps des troubles et guerres civils.»

L'acte est du 2 juin, l'an 1600. Au mois de novembre de la même année, René de Courtenay vint à Jumièges et donna pouvoir à Dom Toussaint de Marseilles, prieur de Crouptes, de comparaître aux assises d'Argentan pour y soutenir son droit de panage dans les forêts de Gouffern et de la Haïe. Trois ans après, le roi Henri confirma les privilèges et exemptions des religieux de Jumièges, pour le passage de leurs blés et vins provenus de leur cru, tant par terre que par eau. Ce qui fut encore confirmé par les rois Louis XIII et Louis XIV, en 1611 et 1644 (
1).

Sur ces entrefaites, l'abbé de Courtenay fit un voyage à Jumièges pour porter les religieux à contribuer avec lui au paiement de 5255 livres que les députés du clergé lui demandaient pour sa portion des emprunts qu'on avait faits dans les années précédentes ; mais les religieux rejetèrent sa demande avec fermeté, et tout ce qu'il put obtenir fut un consentement de leur part pour emprunter cette somme et en assister la rente sur les biens de la mense abbatiale. L'emprunt fut fait en 1604, et la rente créée sur le lot de l'abbé, qui se proposa dès lors de s'en décharger, en aliénant 80 acres de terre du fief des Belles (2) ; mais la mort le surprit avant l'exécution de son dessein, à peu près dans le temps que le pape, Paul V, accorda à Dom Toussaint de Marseilles, et à ses successeurs dans la charge de prieur claustral, la permission de bénir les vases et ornements d'église, tant de l'abbaye que des prieurés et paroisses qui en dépendaient. Le privilège est du 1er décembre 1606. Le Parlement fit, cette année, le procès à un homme accusé d'être sorcier et d'avoir causé, par ses maléfices le débordement subit de la rivière de Seine qui avait monté le lundi des fêtes de Pâques de l'année précédente, jusqu'à la grande porte de l'abbaye, et ruiné plus de 300 toises des murs du courtil (3).


MARIAN DE MARTINBOS, SOIXANTE-TREIZIÈME ABBÉ (1607).

Charles de Bourbon, comte de Soissons, jouissait, depuis douze ans, des revenus de la mense abbatiale, sous le nom de l'abbé de Courtenay [le soixante-douze abbé], mais ayant appris sa mort, il permuta avec Marian de Martinbos (4), conseiller clerc au parlement de Rouen, chanoine, chancelier de l'Église métropolitaine, et abbé de Saint-Michel-en-l'Herm, qui prit possession de l'abbaye de Jumièges, au commencement de juillet de l'an 1607, en vertu des bulles de Rome qui lui avaient été expédiées le 21 du mois précédent, par l'official de Paris. Ses manières polies lui gagnèrent presque tous les religieux et principalement Dom Toussaint de Marseilles, prieur claustral, pour lequel il avait une singulière affection. Il le fit même son vicaire général l'année suivante ; mais ils se brouillèrent, peu de temps après, à l'occasion du fief des Belles, qu'il voulait vendre à M. de Motteville pour rembourser les 5155 livres que son prédécesseur avait empruntées du sieur du Tilleé, en 1604. Le sieur de Carville, son intendant, étant venu à Jumièges déclarer ses intentions, les religieux demandèrent quelque temps pour se déterminer, et, après plusieurs délibérations, ils s'opposèrent à toute vente des biens de l'abbaye, et spécialement de 80 ou 100 acres de terre du fief des Belles, qui étaient dans le lot de l'abbé. Cette opposition des religieux arrêta le sieur de Martinbos pour un temps ; mais lorsqu'on croyait tout apaisé, il gagna les syndics généraux du royaume et obtint une commission qu'il fit signer aux religieux le 21 février 1609. Les religieux, ne voulant pas se jeter imprudemment dans un procès dont il serait peut-être ensuite très difficile de se tirer, puisqu'il ne s'agissait pas moins de leur propre avantage que de celui de l'abbé dans le remboursement qu'il voulait faire, consentirent qu'on procédât, eux présents, à la vente de 357 livres de rente au denier dix à prendre sur le sieur de Bellegarde pour un reste de paiement de la terre et baronnie de Norville aliénées en 1563 (5). Ils consentirent de plus qu'on aliénât le fief du Bosc assis dans la paroisse de Saint-Pierre-de-Meules (6) et Orbec ; le fief de Sérans-en-Auge (7) avec une portion du fief, près de Mesnil-Renouard (8) et la vavassorie de La Lande (9) ; le fief de Varaville (10) et de Cabourg (11) ; celui de Ville-Juive (12), Colombière et Vitry (13), et ceux du Pont-Saint-Pierre (14), de Saint-Vaast (15) et du Pont-Autou (16), à condition que les deniers qui en proviendraient seraient mis entre les mains des commissaires pour faire eux-mêmes, au nom de l'abbaye, le remboursement de la somme empruntée. Cette déclaration est du mois de septembre 1609. Les commissaires l'ayant lue, y firent d'autant plus d'attention qu'elle leur parût avantageuse au sieur de Martinbos, dont les fermiers ne pouvaient presque rien tirer de ces petits fiefs. Mais l'abbé insista à vouloir vendre le fief des Belles, parce qu'il voulait obliger M. de Motteville, et il lui en céda, en effet, 27 acres en 1611, moyennant 80 livres de rente. C'était, pour les religieux qu'il n'avait pas consultés de nouveau, une occasion favorable de faire valoir leurs plaintes auprès des commissaires ; mais ils en profitèrent mal. Loin de protester contre cette entreprise, ils se laissèrent corrompre, pour la plupart, par l'argent du président de Motteville, et consentirent enfin à l'aliénation entière du fief et des terres qui en dépendaient, aux conditions que l'abbé ratifierait les concordats de ses prédécesseurs : ce qui fut exécuté le 28 novembre 1613. Marian de Martinbos mourut le 28 avril de l'année suivante, après avoir fait détruire l'ancien réfectoire du prieuré de Jouy, et perdu un procès au parlement de Rouen contre les religieux, au sujet de 2000 bottes de foin dont le cardinal de Bourbon leur avait fait remise en 1577. On lui attribue la construction des caves qui sont le long de l'église Saint-Pierre, et de quelques autres édifices à l'entrée de la vigne, qui ont porté son nom tant qu'il a subsisté.


BALTASAR POITEVIN, SOIXANTE-QUATORZIÈME ABBÉ (1614).

L'abbaye de Jumièges fut mise en économat pendant six mois, au bout desquels la commende fut rendue sous le nom de Baltasar Poitevin à Louis de Bourbon, comte de Soissons, fils de Charles de Bourbon, mort le 1er novembre 1612.

Dom Adrien Langlois, l'un des quatre sénieurs, fit alors le voyage de Paris pour voir M. de Gamache (
17), docteur de Sorbonne, avec lequel il était lié d'une amitié très sincère et très étroite. Étant un jour entré dans la chapelle du collège de Cluny pour dire son bréviaire, il vit passer le R. P. Dom Anselme Rolle, religieux de la réforme de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe, approuvé par le pape Clément VIII, en 1604. La modestie de ce religieux, jointe à la nouveauté de son habillement, attira ses regards. Il s'informa qui il était, et, après l'office, il demanda le R. P. Dom Laurent Benard, prieur du collège, et apprit, de sa bouche, tant de particularités de la vie de ce grand personnage et des religieux de cette nouvelle congrégation, qu'à l'heure même il se sentit inspiré d'embrasser la réforme et de la proposer à ses confrères. Ce fut, en effet, son premier soin lorsqu'il fut de retour à Jumièges ; mais au seul mot de réforme, les plus sages, entraînés par les moins modérés, s'opposèrent à ses desseins, et bientôt on l'insulta sans ménagement. C'est ce qu'il avait prévu, et c'est ce qu'il ne craignit pas. Loin de se déconcerter, il regarda la contradiction de ses frères comme un préjugé du secours de Dieu. Il le demanda par des prières continuelles que le Seigneur parut écouter, en touchant le cœur de quelques-uns des moines relâchés qui vinrent lui offrir leurs suffrages et lui promettre d'appuyer son entreprise. Déjà Dom Langlois entrevoit quelque lueur d'espérance ; il redouble son ardeur, il multiplie ses prières, il intéresse ceux de son parti à dire des messes du Saint-Esprit, et le Ciel semble de nouveau lui donner des présages de sa complaisance et de sa protection (18). Un poulet à deux têtes sortit de la coque (19), et deux ou trois jours avant la Toussaint de l'an 1614, on vit tomber, de la voûte de la chapelle de la Vierge, pendant complies, trois globes de feu, que chacun des deux partis expliqua en sa faveur. Mais ce qui prouve que Dieu se déclarait pour ceux qui souhaitaient la réforme, c'est que, dans le cours de cette année et au commencement de la suivante, huit des opposants moururent, malgré l'art des médecins et des soins empressés de ceux de leur parti. Peu de temps après, il en mourut encore quatre autres, suivant la prédiction de M. Guyion (20), précepteur et grand vicaire de Mgr le cardinal de Joyeuse, homme de grande vertu et mort depuis en odeur de sainteté parmi les Pères de l'Oratoire, où il s'était retiré, après avoir refusé les archevêchés de Rouen et de Narbonne.

Ce qui augmenta le chagrin des ennemis de la réforme, c'est qu'à la Saint-Jean-Baptiste de l'an 1615, le prieur claustral Dom Jean de Quincarmon, ayant fini ses trois ans, les mieux intentionnés, dont le nombre commençait à prévaloir élurent Dom Langlois pour lui succéder. L'enfer en frémit de rage, et les opposants éclatèrent en murmures et en discours injurieux. Mais Dom Langlois, instruit, par la lumière de l'esprit de Dieu qui l'animait, qu'on recueille dans la joie ce qu'on sème dans les larmes, ne montra jamais plus d'activité pour l'exécution de son généreux dessein que lorsque tout paraissait contribuer à l'abattre. En vain le menaça-t-on du Parlement de Rouen qui, dès le mois de novembre 1607, avait rendu un arrêt pour défendre à tous les monastères de Normandie de s'unir à aucune congrégation hors de la province ; tout ce qu'il craignit fut de craindre quelque chose dans une affaire où il s'agissait de la gloire de Dieu. Il assembla ceux que la divine Providence lui avait associés, et qu'elle animait de la même ardeur pour la perfection de leur état, et, ayant conféré avec eux sur les moyens d'accomplir l'œuvre du Seigneur, ils n'en trouvèrent point de plus propres que de s'adresser à M. de Harlay, nouvellement en possession de l'archevêché de Rouen (21), pour le prier de concourir à l'accomplissement de leur dessein et de l'appuyer de son autorité.

Le prélat, s'étant rendu à Jumièges, fit sa visite le mercredi de Pâques, 6 avril 1616, et de concert avec Dom Langlois et ceux de son parti, il lui ordonna, en présence des opposants, de faire venir deux religieux de la congrégation de Saint-Vannes pour former les novices et les jeunes religieux à la vie spirituelle et à l'étude de la philosophie et de la théologie. Les opposants eurent beau témoigner qu'ils étaient en état d'instruire leur jeunesse, l'archevêque leur imposa facilement silence, en leur représentant que le maître des novices (22), étant, depuis quelque temps, curé d'une paroisse de son diocèse, ne pouvait vaquer à ces deux emplois, et, dès le lendemain, Dom Langlois envoya au président et aux définiteurs des Bénédictins de Verdun, deux de ses religieux, avec une lettre au nom de ceux qui désiraient la réforme, pour les exhorter à les secourir dans leurs besoins, conformément aux intentions de M. de Harlay et de plusieurs personnes considérables dont on leur porta les lettres. Deux jours après il se rendit lui-même à Paris pour saluer l'abbé Poitevin et lui proposer son projet, afin de ne pas trouver d'obstacles de sa part dans l'exécution. L'abbé y parut tout à fait résolu, et pour lui en donner des marques, il le présenta à la comtesse de Soissons et au comte, son fils, qui lui promirent d'appuyer son entreprise de toute leur autorité. Le zèle de Dom Langlois ne se borna pas là. Assuré de la protection du comte et de la comtesse de Soissons (23), à laquelle il fit présent d'un magnifique cabinet d'émail qu'elle reçut avec de grands témoignages de bienveillance, il écrivit, et fit écrire par le Père Binet (24) au Père Coton, jésuite (25), pour l'engager à le servir auprès du roi et de la reine mère dans la rétablissement de la discipline à Jumièges : ce qui ne fut pas inutile, car à peine était-il de retour qu'il reçut les lettres les plus consolantes de Leurs Majestés. Nous nous flattons que le lecteurs nous saura gré d'en insérer ici les copies.

Lettre du roi Louis XIII aux religieux de Jumièges.

«Chers et bien aimés, aiant sçu la résolution en laquelle vous êtes de vous soumettre à une réformation et le bon commencement que vous y avez donné, nous vous avons bien voulu déclarer le contentement que nous en recevons, et vous exhorter, comme nous faisons par cette lettre, à continuer en cette sainte et louable entreprise, qui accroîtra d'autant plus la réputation à laquelle a été de tout temps votre abbaïe, estimée une des plus célèbres de notre roïaume ; assurant que nous y contribuerons volontiers en ce qui sera requis et nécessaire de notre autorité, et que vous recevrez de notre part, toute l'assistance et faveur pour cet effet.

Donné à Tours le 17 avril 1616.

Signé, LOUIS.

POTIER.»

Lettre de la Reine mère, régente du Roïaume.

«Chers et bien aimés, le Roi Monsieur mon fils et moi avons entendu le désir que vous avez de vous réformer selon les anciens statuts et discipline de votre ordre ; en quoi je vous dirai que lui et moi avons grandement loué ce saint zèle et bonne dévotion en vous, non seulement en ce que Dieu en sera mieux servi en votre église, mais aussi en ce que par ce saint exemple il en peut naître d'autres bons offices à sa gloire. J'ai donc voulu accompagner de ces lignes la lettre que le Roi, mon dit sieur et fils vous en écrit, pour vous fortifier en cette bonne et pieuse intention ; assurée qu'étant chose pleine de mérite au Ciel, j'aurai d'autant plus d'occasion d'avoir soin du bien et de la conservation de votre maison.

Ecrit à Blois, le 29 avril 1616.

Signé, MARIE.

PHELIPPEAUX.»

Le Père Coton n'avait pas encore répondu à la lettre de Dom Langlois, mais quand il vit celle de la reine partie, il fit la réponse suivante :

«Monsieur et Révérend Père, vos Révérences m'obligent quand elles se servent de moi, surtout en chose qui revient si manifestement à la gloire de Dieu, l'édification du prochain, comme le rétablissement de votre ordre en sa première splendeur. Le Roi et la Reine en ont reçu un singulier contentement, comme vous l'apprendrez par celles qu'ils vous écrivent, dont je vous prie d'envoier copie au R. P. Binet afin qu'il participe à votre consolation et qu'il voie l'effet de sa recommandation. S'il avient que vous aiez affaire d'autres choses qui soient en ma puissance, vous n'aurez qu'à m'en avertir, Monsieur et très Révérend Père, de votre Révérence et de toutte la dévote famille le serviteur très humble et très affectionné in communi Domino, Pierre Coton de la compagnie de Jésus.

De Blois, le dernier avril 1616.»

Cependant les députés de Jumièges ayant fait leur commission auprès des supérieurs de la nouvelle congrégation de Saint-Vannes, revinrent avec des religieux de Verdun que le cardinal de Lorraine leur avait fait obtenir à la prière de Dom Langlois, qui lui en avait écrit, comme il paraît par la réponse de son éminence, en ces termes :

«Mes Révérends Pères, je remets à la suffisance des Pères députés de votre part, à vous informer, plus à plein, de l'affection et promptitude avec laquelle je me suis porté à faire réussir ce que vous désiriez et demandiez de moi par les vôtres, qui m'ont été fort agréables, et seront toutefois et quantes que vous jugerez expédient de m'employer pour le bien, avancement et progrès de votre maison, que je rechercherai toujours de tout mon possible, principalement reconnaîtrai qu'il s'agit de l'honneur de Dieu et affection pareille que je suis votre très-affectionné ami.

CHARLES DE LORRAINE

de Nanci, ce 3 mai 1616.»

Quelque temps après, Dom Langlois reçut la réponse à la lettre qu'il avait écrite au cardinal de Montalte, pour le prier de s'intéresser à la réforme de son monastère, et d'appuyer la supplique qu'il adressait au pape sur ce sujet. Cette réponse est trop honorable à son auteur pour nous dispenser de la rapporter ici :

«Admodum Reverende Pater, litteras Reverentiæ vestræ et seniorum Monachorum istius monasterii accepi, et simul cum eis epistolam ad sanctissimum Dominum nostrum, quam ego Sanctitati suæ exhibui, rogavique insuper Sanctitatem suam ut reverendissima archiepiscopo Rothomagensi scriberet, ipsumque ad visitandum et reformandum istud cœnobium hortaretur, quod non dubito optimum pontificem paternâ quâdam caritate erga universam monachoarum sancti Benedicti religionem affectum, esse facturum : interim valde commendabimus vestra studia et desiderium quo tenemini antiquæ et laudatissimæ monasticæ disciplinæ vigorem restaurare, quem sperare possumus fore ut iterum refloreat, non modo in vestro isto amplo cænobio, verum etiam in cœteris Normanniæ monasteriis, quæ vestrum imitabuntur exemplum. Adsit Dominus Deus vestris optatis et cœptis, a quo vobis omnia felicia et fausta precamur.

Romœ, die 8ª mai 1616. Cardinalis de Montaltis.»

L'arrivée des deux religieux de Verdun donna lieu aux ennemis de la réforme de porter leurs plaintes à M. du Vicquet, avocat général au Parlement de Rouen, qui favorisait leur parti, et le 14 juillet ils obtinrent un arrêt portant défense au prieur et aux religieux sous peine de nullité, de faire aucune innovation dans l'abbaye de Jumièges, au préjudice de l'ancien ordre établi et reçu parmi eux (26). Ces motifs spécieux, d'une sagesse humaine, n'ébranlèrent pas le courage de Dom Langlois. Il présenté requête au R. P. Dom Anselme Rolle, visiteur de la congrégation de Saint-Vannes, et le pria de travailler incessamment et de toutes ses forces, auprès du R. P. de la Cour et des autres supérieurs, à l'union de l'abbaye de Jumièges à la nouvelle réforme, sous la protection du roi, dont il lui envoya les lettres d'attribution au grand Conseil pour toutes les causes mues et à mouvoir, au sujet de l'introduction de la congrégation de Saint-Vannes dans les abbayes de son royaume qui voudraient se réformer. Ces lettres sont du 28 octobre 1616 et furent vérifiées au grand Conseil le 7 novembre suivant. Dom Rolle qui connaissait la pureté des intentions de Dom Langlois et qui brûlait d'ailleurs d'un zèle ardent pour le salut de ses frères, alla lui-même porter la requête de son ami au régime de Saint-Vannes, qui lui ordonna de se transporter à Jumièges avec la lettre suivante adressée au R. P. Langlois :

«Pax Christi. Révérend Père, nous avons vu les vôtres, et sommes très-aises de vous sçavoir fermes et constans en vos premières résolutions. Nous avons donné commission au R. P. Anselme Rolle de s'acheminer vers vous avec un de nos pères, afin de contribuer à l'exécution de vos bons désirs ; mais nous ne pouvous approuver l'aggrégation que vous prétendez faire de votre maison avec notre congrégation, tant à raison des empêchements que la Cour de Rouen y pourra apporter, nonobstant les patentes de sa Majesté, qu'à raison des religieux de votre maison qui ne sont pas portés à la réforme. Nos pères ne laisseront pas pour cela de vous aider selon leur possible à dresser quelque réforme dans votre maison, selon la forme que nous tenons en nos maisons de par de ça. C'est, ce nous semble, ce qui vous est le plus nécessaire, et ce que nous pouvons vous accorder pour le désir que nous avons de vous aider selon nos moyens ; de faire plus, nos forces ne nous le permettent pas, et quand bien elles le permettraient, nous croyons que d'ailleurs on ne nous le permettroit pas à Rouen. Recevez, s'il vous plaît, notre bonne volonté, et nous faites part de vos bonnes prières et saints sacrifices ; car nous sommes, Révérend Père, vos plus humbles serviteurs et confrères, les Pères du Régime

Signé : DIDIER DE LA COUR, PHILIPPE FRANÇOIS, JACQUES POMMIER.

Du 7 décembre 1616.»

Les mieux intentionnés crurent alors que les pieux projets de Dom Langlois allaient enfin s'évanouir. Les ennemis de la réforme auxquels il fit part de cette lettre triomphaient et l'accablaient de reproches. Les gens de bien lui représentaient qu'il était temps de céder à l'orage, puisqu'il ne pouvait lui opposer des désirs impuissants, que Dieu se contenterait de la sincérité de son cœur, et que les difficultés réitérées du président et des premiers supérieurs de Saint-Vannes étaient des voix assez intelligibles pour lui faire entendre que le Seigneur n'approuvait pas l'ouvrage, ou du moins qu'il fallait attendre des temps plus paisibles. Toutes ces raisons ne firent aucune impression sur lui ; sa confiance était en Dieu ; il travaillait pour Sa gloire : c'en fut assez pour affermir de plus en plus son espérance. Il alla trouver M. l'archevêque à Gaillon, et le 12 décembre il en obtint un plein pouvoir d'installer le R. P. Rolle et Dom Maurice Poucignon, religieux de la congrégation de Verdun, nonobstant toute réclamation et opposition de la part des mal intentionnés pour la réforme. De Gaillon il se transporta à Paris, et de Paris il revint à Jumièges avec un huissier du grand Conseil chargé de publier les lettres patentes du roi, et de mettre le R. P. Rolle en possession des lieux réguliers. La cérémonie s'en fit, le 19 décembre, en présence d'un grand vicaire de M. l'archevêque de Rouen, qui n'était pas encore parti lorsqu'un huissier vint citer Dom Langlois et Dom Rolle au Parlement, à la requête des opposants. Dom Langlois s'étant trouvé à l'audience au jour indiqué, on lui fit défense de poursuivre plus avant au grand Conseil, sous peine de 1000 livres d'amende ; mais cette défense n'eut aucun effet à cause du désistement de quelques opposants qui gagnèrent bientôt après les autres et les firent convenir de mettre l'affaire en arbitrage. M. Behotte (27), chanoine et grand archidiacre de l'Église de Rouen, fut choisi pour arbitre avec M. de Bretteville (28), officiai et chancelier de la même Église, dans une assemblée du 24 janvier 1617.

La nouvelle de ce compromis s'étant répandue, Mme de l'Hôpital, abbesse de Montivilliers, employa, pour l'heureux succès de la réforme, son crédit auprès de M. de Bretteville, dont elle avait deux nièces dans sa communauté, les prières de toutes ses religieuses et l'exposition du Saint-Sacrement pendant quarante heures. Les filles de Sainte-Claire de Rouen donnèrent aussi des marques publiques d'un zèle et d'une piété pareille. On n'admira pas moins la vertu et les efforts de M. de Ris (29), premier président du Parlement de Rouen, et de M. Bouchart (30), conseiller, pour l'accomplissement de l'œuvre du Seigneur, qu'ils eurent la joie de voir terminer à Sa gloire par une sentence arbitrale du 17 février de la même année, en faveur de Dom Langlois et de douze autres religieux qui favorisaient la réforme et qui avaient souscrit à son introduction dans Jumièges, le 19 décembre de l'année précédente.

Cette sentence fut acceptée des deux partis avec une égale satisfaction, homologuée au grand Conseil et confirmée par le pape Paul V, le 18 juillet suivant. La communauté se partagea dès lors (31). Les anciens, au nombre de huit avec deux frères convers, sous la conduite de Dom Toussaint de Marseilles, que ses infirmités empêchèrent de suivre son zèle pour la réforme, s'accommodèrent de l'église Saint-Pierre et du logis de Martinbos avec le tiers du revenu en fonde, conformément à la sentence arbitrale. Les réformées occupèrent la grande église et le dortoir neuf, dont les chambres furent bientôt remplies de novices, avec lesquels la plupart de ceux qui avaient suivi le parti de Dom Langlois firent profession, l'année suivante, entre les mains de Dom Rolle, supérieur du noviciat.

Le 7 juillet de la même année 1618 Baltasar Paitevin ratifia le concordat de 1546 entre le cardinal de Ferrare et les religieux. Il séjourna près d'un an à Jumièges, et il y termina heureusement l'affaire du retrait de la baronnie de Coulonces (32), dont il fut envoyé en possession le 4 juillet 1619 par sentence des Requêtes du Palais de Rouen, moyennant 5800 livres 15 sols, qu'il paya en partie des deniers provenus du remboursement de 357 livres de rente faite à la communauté par les héritiers du sieur de Bellegarde (33).

Cependant la bénédiction du Ciel se répandant de plus en plus sur le nouvel institut de la congrégation de Saint-Vannes, le nombre des monastères qui embrassèrent la réforme s'accrut si fort en France, que le chapitre général, tenu à Toul, le 7 mai 1618, crut devoir ériger une nouvelle congrégation de ces monastères et de ceux qui entreraient à l'avenir dans le dessein de se réformer. Le roi Louis XII y donna les mains par des lettres patentes du mois d'août suivant ; mais l'érection ne s'en fit que trois ans après par le pape Grégoire XV, sous le nom de Saint-Maur que le chapitre de la nouvelle congrégation assemblé aux Blancs-Manteaux avait choisi pour patron, à la persuasion de Dom Colomban Regnier. Ainsi l'abbaye de Jumièges demeura réunie à cette dernière congrégation, malgré les efforts des anciens et de quelques autres religieux qui, n'ayant pas voulu faire profession parmi les réformés, quoiqu'ils vécussent avec eux, travaillèrent de nouveau à les inquiéter auprès du Parlement pour rétablir leur premier institut. Il y eut un peu de la faute des supérieurs de Saint-Vannes qui, au préjudice de la sentence arbitrale, avaient ordonné, dans le dernier chapitre, que ceux des agrégés à la nouvelle congrégation, qui ne pourraient supporter les austérités de la réforme, prendraient au moins l'habit des réformés, sous peine de privation de voix délibérative dans la réception des novices. Trois de ces agrégés peu satisfaits de cette ordonnance, présentèrent une requête au président du chapitre, et, ne pouvant en avoir réponse, ils se retirèrent vers les anciens et se joignirent à eux pour traverser les réformés ; mais ce fut fin vain, le Parlement de Normandie ayant déclaré hautement qu'il ne prendrait aucun parti dans cette affaire, ce qui ralentit peu à peu l'ardeur des opposants contre les réformés dont la vie toute admirable et toute sainte acheva de les gagner ; en sorte que Dom Martin Traisnière, président de la nouvelle congrégation, voyant la réforme bien affermie dans Jumièges, y tint le premier chapitre général depuis la bulle d'érection, en date du 27 mai 1621. Le chapitre commença le 15 juillet de la même année, et finit le 18 du même mois. L'on y fit plusieurs règlements auxquels Dom Langlois, comme définiteur, eut beaucoup de part. On y ordonna, entre autres choses, que les frères convers demeureraient un an entier dans leur habit séculier avant que de prendre l'habit religieux ; que les novices ne feraient profession qu'après un an et un jour de probation ; que pour compenser la dispense de quelques jeûnes réguliers, on ne servirait que du pain aux collations de l'Avent et des jeûnes ecclésiastiques. On y défendit aussi l'usage des montres, et l'on enjoignit aux supérieurs de faire écrire exactement tout ce qui se passerait dans l'introduction de la réforme en chaque monastère. Enfin, on y accepta les décrets des chapitres généraux de la congrégation de Saint-Vannes, et l'on consentit à l'introduction de la réforme dans les abbayes de Vendôme, du Mont-Saint-Quentin et de Moutier-Neuf à Poitiers.

Plusieurs personnes de la première distinction, entre autres le cardinal de Retz, l'archevêque de Sens, les évêques de Périgueux et de Meaux, MM. de Molé et de Villenoce (34) honorèrent ce chapitre de leurs lettres, suppliant les supérieurs d'étendre la réforme le plus qu'ils pourraient, et les assurant qu'on attendait rien moins de la congrégation que le rétablissement de l'observance dans tous les monastères de France. On y reçu aussi des lettres de Mme la comtesse de Soissons, des abbesses de Fontevrault, de Montivilliers, de Faremoutier, de la Trinité de Poitiers et des religieuses du Calvaire, qui toutes se donnaient de grands mouvements pour avoir des supérieurs et des confesseurs de la congrégation. Les religieuses du Calvaire s'adressèrent même au pape Grégoire pour avoir Dom Anselme Rolle pour visiteur général de leur congrégation. On ne sait quelle fut la réponse du pape ; mais toutes furent refusées par le chapitre, vu que la nécessité d'employer dans ce ministère les religieux les plus capables et les plus expérimentés priverait trop tôt la congrégation de ses meilleurs sujets. Dom Langlois fut continué prieur de Jumièges par le chapitre avec cette clause : jusqu'à ce que le régime en ordonne autrement. Ce n'est pas que le régime dût le décharger de la supériorité dans le courant de l'année ; Dom Langlois l'avait demandé inutilement ; mais on en usa de la sorte pour donner quelqu'espérance aux trois mécontents qui s'étaient retirés vers les anciens, et qui refusaient de communiquer avec lui pour leurs besoins.

L'an 1622. — L'année suivante fut encore remarquable par le retrait du fief d'Épinay (35) au profit de l'abbaye, et par la perte que fit la Normandie d'un magistrat qui avait mérité toute son estime par sa science et ses vertus. C'était M. le Guerchois, avocat général au Parlement. Rien, si l'on en croit l'auteur d'une épitaphe à sa louange, ne peut égaler la douleur que témoigna la province à la nouvelle de sa mort. Nous nous dispenserons de la rapporter ici, parce que nous n'écrivons pas la vie de M. le Guerchois (36), mais l'histoire de Jumièges, et que nous ne devons toucher aux événements qu'autant qu'ils servent à la faire connaître. M. Le Guerchois mourut à Rouen, le 4 mars 1622, et fut enterré à Jumièges, dans la chapelle de la Vierge, comme il l'avait demandé quelques années auparavant. Les motifs qui l'y avaient déterminé font trop d'honneur à sa religion pour n'être pas mis sous les yeux de la postérité.

«M. Le Guerchois, disent nos manuscrits, étant venu à Jumiéges, où il avoit une terre sur le bord de la Seine (37), y fit un séjour d'un mois. Ses affaires terminées et déjà en chemin pour retourner à Rouen, son cheval qui n'avoit paru jamais vicieux, l'emporta dans la rivière et la traversa jusqu'à quatre fois sans pouvoir être arrêté. Dans ce péril, il sollicita l'intercession des saints qu'on honore à Jumièges, et promit à Dieu d'augmenter les revenus de l'abbaïe et d'y choisir sa sépulture, si sa bonté le délivrait de ce danger. Il ne fut pas longtemps à ressentir les effets de sa prière. A peine l'avait-il finie que son cheval le ramena à terre, au grand étonnement des spectateurs qui, ne l'apercevant plus sur la surface des eaux, avoient désespéré de sa vie.»

Quoiqu'il en soit de cette délivrance inopinée, M. Le Guerchois la crut miraculeuse, et pour en témoigner sa reconnaissance aux saints qu'il avait invoqués, il légua à l'abbaye une rente de 52 livres 17 sols pour y être enterré après sa mort. Cette rente fut ratifiée dans la suite par Pierre Le Guerchois, son fils, devant Du Saussai, notaire à Saint-Georges, sans que la dite ratification puisse, à l'avenir, lui attribuer aucun droit de sépulture à Jumièges. Il l'obtint cependant en 1652, ainsi que son fils en 1692, comme il paraît par deux contrats de donation à l'abbaye, et par les épitaphes suivantes gravées sur un marbre noir, qui répond au lieu où leurs corps ont été déposés.

Épitaphe d'Hector Le Guerchois.

D.  O.  M.

Hin jacet vir nobilis Hector Le Guerchois, dominus de la Garenne, in supremâ Normanniæ curiâ clarissimus et spectabilis advocatus regis generalis, qui sanctissimo et religiosissimo gemeticensi monasterio devotus, in eo sepulturam suam elegit. Decessit die veneris, quarto martii anno Domini millesimo sexcentesimo vigesimo secundo, ætatis suæ sexagesimo secundo.

Épitaphe de Pierre Le Guerchois.

ADSTA, VIATOR, GEME ET ORA.

Gemma præfulgens è toga, mensis decidit, alteri gemmæ inserta est dum in Gemmeticum cecidit lapis angularis palæstræ Rotomogensis, defecit Petrus Le Guerchois, regis ac legis oraculum obmutuit, Hectoris patris funeri superstes triginta annis totidem lustris. Tandem 8 octobris corpus ejus quievit ubi cor semper reclinavit. Dignus tali asilo, protector pauperum et asilum fuit. O gloriosum jam corpus, quod sanctorum cineribus involvi meruit ! Hâc stipatus turbâ magnæ tubæ sonum non expectat modo sed cupit. Interim fausta precare, viator, tibi consule et abi ; noli ambigere de annis ejus, ætarnos potius meditare, si urges. Anno Verbi incarnati 1600 vitam accepit, 52° posuit. Die 8 octobris domum æternitatis suæ intravit. Illi hodie, cras tibi.

Épitaphe de Pierre Le Guerchois, fils du précédent.

D.  O.  M.

STA, VIATOR, LEGE ET LUGE.

Hic jacet vir illustrissimus ac nobilissimus Petrus Le Guerchois eques, dominus de la Garenne, Autretot, Sainte Colombe, et avitæ et paternæ dignitatis a primâ adolescentiâ hæres. Hanc, annos viginti natus, sustinuit eâ eloquentiâ quam totus stupens senatus susciperet, susciperent peritiores, pauci æmularentur, mirarentur omnes. Post emensos in hâc palestrâ annos ferme triginta, a Ludovico magno magni sit instar elogii, unicim regiæ volontatis organum, publicæ securitatis vindex et parens, sequenter juris et legum custo, Procurator generalis renonciatus. Facundiâ, integritate, equitata partes illas ita implevit, ut vix ulli secundus. Cui virtus citra facum, gravitas sine fastu, innocentia animi cum eâ constantiâ, quam non opes aut potentia frangerent, non favor aut gratia emollirent. Qui denique ita semper Dei, regis ac provinciæ leges coluit, servavit, exegit quasi legibus ipsis, imo legum autori brevi rationem redditurus. Obiit anno M. D. C. XCII, die II februarii, liberis sex, masculis 2, 4 fœminis ex piis. et nobilis. uxore Barba De Becdelièvre r. d'Hocqueville relictis, quæ una, cum sobole, optimo conjugi hoc monumentum mœrens posuit. Tu viator, æternam ei felicitatem adprecare.

Ceux qui seront curieux de connaître plus particulièrement cette ancienne et illustre famille, pourront voir, dans l'église de Saint-Étienne-sous-Bailleul (38) tombeaux de trois prédécesseurs immédiats d'Hector Le Guerchois, dont nous avons parlé en premier lieu. Les indiquer est tout ce que nous croyons devoir faire pour leur service.

Il y avait, au temps de la mort de celui-ci, six ans que la réforme était à Jumièges, et deux ans ou environ que les réformés commençaient à respirer après avoir passé souvent de tristes moments, ou à gémir sous la multitude et la violence des traverses qu'ils avaient eu à essuyer de la part des anciens, ou à languir dans l'attente encore plus accablante d'un succès incertain. Dieu leur avait enfin accordé la satisfaction après laquelle ils soupiraient depuis si longtemps. Les anciens étaient paisibles ; ils ne voulaient pas imiter leur vertu, mais ils la respectaient. Ce n'est pas, néanmoins, que leur disposition à l'égard des réformés fût sans mélange d'imperfection. Ils souffraient avec peine qu'on ne leur eût cédé qu'un tiers du revenu de la mense conventuelle pour leur subsistance. C'était pour eux un sujet de plaintes et de murmures que le temps fortifiait, et qui pouvaient devenir, dans la suite, une occasion de trouble et de scandale. Pour prévenir cette malheureuse occasion, et entretenir l'union parfaite entre les deux communautés, Dom Langlois crut qu'il fallait user de condescendance et déroger à cet article de la sentence arbitrale par une nouvelle convention, qui fut proposée peu de temps après par les anciens, comme plus ardents, et acceptée par les réformés le 6 janvier de l'année 1623. Ce ne fut point en divisant de nouveau les fonds de la mense conventuelle que se fit le traité : on convint de les abandonner totalement aux réformés hors l'étendue du monastère, moyennant une pension de 400 livres, 6 mines de blé, 6 cordes de bois et 500 de fagots, à chacun des anciens au nombre de neuf, et 300 livres aux frères convers avec 250 bourrées (39).

Il n'en fallut pas davantage pour achever de gagner le cœur des anciens. On les vit, dès lors, assister à tous les offices de jour et de nuit avec les réformés. Ils donnèrent congé aux enfants de chœur et aux chapelains que le pape leur avait permis de prendre pour les soulager, et, par une générosité dont le Père de Quincarnon fut l'auteur, ils s'obligèrent, par un acte du 29 décembre 1623, à toutes les dépenses nécessaires à l'entretien de quatre enfants de chœur au choix des réformés, pour la cire, la chandelle et l'huile, tant de l'église que des lampes du dortoir, pour les cloches et clochers, pour le pain et le vin dans l'auguste sacrifice de la messe, pour le raccommodage et blanchissage du linge de la sacristie, pour la chapelle ardente du jeudi saint et pour l'aumône ordinaire en argent, souliers, pain et harengs, après le lavement des pieds à treize pauvres seulement. Leur bonne volonté ne se borna pas à de simples frais communs. Ils voulurent encore contribuer, chacun en particulier, des deniers de leur épargne, ou des revenus de leurs bénéfices, à relever la gloire de la maison du Seigneur, que les Calvinistes avaient pillée soixante-deux ans auparavant. Dom Mathurin De la Haie, prieur titulaire de Longueville, fit faire le tabernacle du grand autel, la menuiserie et le tableau de l'autel de la Vierge, les tableaux de S. Étienne, de S. Denis, de S. Benoît et de Sainte Scholastique, le sépulcre de Notre Seigneur et les balustrades de la chapelle de Notre-Dame (40). On lui est aussi redevable des deux reliquaires d'argent où sont enchâssés les bras de S. Hugues et de S. Aycadre, du crucifix qui est au jubé et des images de la Vierge et de S. Jean qui l'accompagnent. Dom Toussaint de Marseilles fit présent du chef de S. Valentin pesant 25,5 marcs, et Dom Martin Alexandre de celui de S. Léger, qui lui coûta plus de 100 pistoles. Dom Gouchis donna la croix d'argent qui sert aux processions, avec plusieurs ornements pour les fêtes solennelles. Dom Baudouin fit poser les balustrades des chapelles de S. Benoît, de S. Nicolas et de S. Étienne. Dom Ambroise Laffilé donna trois chasubles de damas blanc, rouge et vert. Dom Jacques Le Fondeur et Dom Guillaume Le Crep mirent, à la sacristie et à la salle des hôtes, leur argenterie. Dom François Gaudri et Dom Marin du Costé enrichirent la bibliothèque de leurs livres, et firent accommoder et meubler les chambres des hôtes.

Peu de temps après la réunion des deux communautés, lorsque les anciens faisaient encore éclater leur zèle pour la décoration de l'église et pour la majesté de l'office divin qu'ils voyaient faire avec tant de ferveur et de décence par les réformés, Dom Colomban Regnier, président de la congrégation, indiqua le chapitre général à Jumièges pour le mois de septembre 1624. L'ouverture s'en fit le 14 par une messe du Saint-Esprit, qui fut suivie de l'élection des définiteurs et d'un règlement qui permet à tous les religieux de reposer après matines, pourvu que cette grâce ne préjudicie point aux exercices réguliers et que les messes soient dites avant le temps de la méditation et l'office de prime. Le chapitre reçut la démission de Dom Colomban Regnier, et rétablit maître des novices à Jumièges à la place de Dom André Betoland, ancien profès de la congrégation de Saint-Vannes, et l'une des plus fermes colonnes de la nouvelle congrégation de Saint-Maur. Dom Langlois fut encore continué prieur de Jumièges. La joie qu'on en eut éclata dans toute la maison ; les anciens comme les réformés firent des acclamations à la louange du chapitre; ils en firent à la louange du prieur ; mais leur joie ne fut pas de longue durée. Dom Langlois, que le chapitre de 1626 conserva quoique déjà atteint d'infirmités, dans sa dignité de prieur, fut attaqué d'une fièvre continue vers la fin de novembre. Leur joie fut changée en deuil, et le mal devint si violent en peu de jours qu'on désespéra du malade. Quelques heures avant sa mort, Dom Langlois fit appeler ses frères, et, après avoir reçu l'extrême onction et le saint viatique, il les exhorta avec une effusion abondante de larmes à la pratique exacte de leur sainte règle, sur laquelle il allait être jugé lui-même, et rendit son âme à Dieu le 28 du même mois, âgé de soixante-neuf ans.

Le Père Langlois était né à Saint-Rémy de Gremevilliers (41), diocèse de Beauvois. C'était un homme de grand jugement, d'un esprit universel et suffisamment versé en toutes sortes de sciences. Il était bachelier de Sorbonne, lorsqu'en 1578 il se fit religieux à l'abbaye de Jumièges, la plus régulière qui fut alors en Normandie. Il s'y distingua par sa vertu et par son zèle pour la régularité, souffrant avec peine le relâchement qu'il voyait s'introduire. Cependant, comme la vertu est toujours honorée, son zèle, quoique incommode aux autres, ne l'empêcha pas d'être élu prieur ; mais son humilité le porta à se cacher, et il fallut enfoncer la porte de sa chambra et l'enlever de force pour l'établir dans sa place et le mettre en possession. Tant qu'il fut prieur, il se déclara protecteur de la règle et maintint la discipline autant qu'il lui fut possible, se trouvant le premier à tous les exercices. Son exemple et ses exhortations firent beaucoup d'effet sur les cœurs bien disposés, et l'on peut dire, après ce que nous avons rapporté ailleurs, que la congrégation de Saint-Maur lui est redevable de l'introduction de sa réforme dans l'abbaye de Jumièges et d'un grand nombre d'excellents sujets qu'il prit soin de former, étant maître de novices et prieur de la maison.

Dom Matin Traisnière, président de la congrégation, apprenant sa mort, répandit des larmes et pensa néanmoins à lui donner promptement un successeur. Il en conféra avec les deux révérends pères coadjuteurs, et leurs suffrages se réunirent sur Dom Colomban Regnier, alors sous-prieur de Jumièges et chargé de la conduite du noviciat. La nouvelle de son élection étant sue, les religieux allèrent à sa chambre le saluer en qualité de prieur ; la noblesse du pays vint à Jumièges pour lui en témoigner sa joie ; lui seul désapprouva le choix que les supérieurs avaient fait de lui pour le mettre à la tête d'une communauté respectable, dont il lui serait glorieux d'être le dernier. Il pleura, il gémit, il se plaignit qu'on l'accablait, il protesta même qu'il n'accepterait pas. Et, enfin, ne pouvant se résoudre, il se cacha et refusa de se montrer. Mais les religieux assiégèrent sa porte, et le forcèrent enfin de paraître et de soumettre à la volonté de Dieu.

Un des premiers soins de Dom Regnier fut de transférer le chef de S. Valentin, de l'ancienne châsse de bois doré dans la nouvelle châsse d'argent, qu'avait fait faire Dom Toussaint de Marseilles. À cet effet, il invita MM. les curés et paroissiens de Jumièges, de Duclair, du Mesnil et d'Yainville à se trouver à la cérémonie. Tous s'y rendirent au jour destiné, qui fut le troisième dimanche d'Avent 1626, après l'office de vêpres, qui fut avancé ce jour-là pour donner le temps à chacun de retourner chez soi avant la nuit. Les deux châsses furent apportées du trésor dans la nef : le père prieur en fit l'ouverture, et ayant exposé la sainte relique à la vénération du peuple, il la baisa avec respect et la déposa aussitôt avec le procès-verbal, qu'il en fit dresser, dans la nouvelle châsse, que quatre prêtres en aube portèrent solennellement en procession autour du cloître et des chapelles. Le clergé et le peuple suivirent en chantant des hymnes jusqu'au milieu de l'église, où Dom Regnier leur fit un fort beau discours sur le culte des saints et les avantages qu'on en peut retirer, quand on les invoque sincèrement et pour le salut. La cérémonie devant finir par des actions de grâce, on entra dans le chœur et l'on y chanta le Te Deum avec un répons en l'honneur du saint ; après quoi MM. les curés se retirèrent avec leurs paroissiens.

Neuf mois après, Dom Regnier eut encore la douleur de voir diminuer le nombre de ces vertueux anciens que le désir d'une plus grande perfection avait fait enrôler dans la réforme, dès le commencement de son introduction à Jumièges. Le 30 août 1627 la mort lui enleva Dom Ambroise Laffilé, un de ces hommes dont la vie ne cause pas moins d'admiration que de consolation et de joie à ceux qui en sont les témoins et qui désirent en être les imitateurs. Il était originaire de Saint-Denis-des-Ifs (42) au diocèse de Séez. Étant encore jeune, l'esprit de Dieu le conduisit au désert de Jumièges, où il fit profession parmi les anciens, dont il fut bientôt le modèle par sa piété et son exactitude à tous les exercices. Sa régularité le fit nommer supérieur du monastère par Dom Langlois qui en était prieur, et qui se servit utilement de lui dans son dessein de réformer l'abbaye. Dom Laffilé ne se contenta pas seulement de favoriser la réforme, il voulut encore l'embrasser, et nous voyons, en effet, qu'il prononça ses vœux le 10 juin 1620, quoique âgé de cinquante-sept ans et déjà atteint d'infirmités. Il avait beaucoup d'esprit, mais encore plus de religion. C'est pourquoi il parlait ordinairement peu, n'interrogeait jamais, et quand on lui faisait quelque question, il y répondait toujours par quelque sentence de l'Écriture ou des Pères, dont il faisait toutes ses délices. Il aimait tellement la lecture que pour ne la pas interrompre, il ne voulait jamais manger hors du réfectoire, où il est d'usage de la faire en tout temps pendant le repas (43). On loue surtout son humilité, qui le réduisit sans peine à être le dernier de tous après avoir été le premier. Mais s'il occupait la dernière place au chœur et dans les assemblées, il se fit toujours un point capital d'être le premier aux exercices, lors même qu'il fut devenu aveugle, épreuve qu'il souffrit avec beaucoup de patience et de soumission jusqu'à la fin.

Dom Colomban Regnier n'eut pas plus tôt rendu les derniers devoirs à son religieux, qu'il partit pour Vendôme, où le chapitre général avait été indiqué l'année précédente. Il y fut élu définiteur et continué prieur de Jumièges et maître des novices, honneurs qui lui furent encore déférés au chapitre général de l'année suivante 1628. Il ne les cherchait pas, il s'en croyait même indigne ; mais plus on lui voyait d'éloignement pour la gloire, plus on s'empressait de lui en procurer pour l'intérêt de la religion, à laquelle il rapportait toutes ses actions. Ce fut dans cette vue on plutôt dans cette persuasion que les définiteurs du chapitre, ses collègues, le chargèrent, sans même le consulter, d'introduire la réforme dans les abbayes de Bernay et de Saint-Evroult, qui leur avaient été offertes et que l'assemblée venait d'accepter. M. Hennequin, conseiller clerc au Parlement de Paris et l'un des plus grands amis de la congrégation, était alors abbé de Bernay (44). Il s'y rendit à la fin du chapitre pour y attendre Dom Regnier, et dès le 9 octobre de la même année, le concordat fut passé. Dix jours après, les réformés ayant à leur tête le prieur de Jumièges, entrèrent dans la ville et furent reçus par les deux curés et leur clergé, les Pères cordeliers, les magistrats et les principaux de la ville, qui étaient venus au devant d'eux jusqu'à la première porte avec des cierges à la main et chantant des cantiques (45). Ils furent conduits ainsi jusque dans l'église de l'abbaye, où Dom Colomban Regnier prêcha avec applaudissement et chanta solennellement les vêpres, après lesquelles il prit possession des lieux réguliers que M. l'abbé avait fait réparer. L'introduction de la congrégation dans l'abbaye de Saint-Evroult fut différée de près de deux mois, quoique le concordat avec M. l'abbé Aligre, fils du chancelier de France, eût été signé dès la fin de septembre. Elle se fit le 15 décembre avec les mêmes cérémonies que la précédente par Dom Colomban Regnier, accompagné d'une petite colonie de ses religieux, dont il se sépara deux jours après pour retourner à Jumièges, où il mit l'année suivante pour 100 pistoles de livres, afin d'y entretenir par la lecture l'esprit de recueillement et l'amour de toutes les vertus chrétiennes et religieuses qu'il y voyait pratiquer depuis plusieurs années dans un degré éminent (46).

Vers ce temps-là, le curé de Saint-Vaast-Dieppedalle osa contester à l'abbé Baltasar Poitevin les droits de grosses dîmes dans sa paroisse. Il l'attaqua d'abord sur les rabettes ou sarrasins, prétendant qu'elles devaient être déclarées menues et vertes dîmes ; mais se voyant prêt à déchoir de ses prétentions, après un an de poursuite, et sur le point d'être condamné aux frais et dépens, il prit la voie de conciliation et fit proposer un accommodement au sieur abbé, qui voulut bien y consentir, à condition néanmoins qu'ils prendraient des arbitres pour aviser aux moyens de terminer irrévocablement leur contestation. Ils choisirent le conseil de M. le comte de Soissons qui, aux termes de la transaction passée entre eux le l3 août 1630, avait, au droit du roi, la protection de l'abbaye de Jumièges. Le curé fut débouté de ses demandes sur l'avis du conseil, et les rabettes furent déclarées gros dîmes appartenant au seul gros décimateur.

À quelque temps de là, le comte de Soissons se souvint, en effet, d'avait pris l'abbaye de Jumièges sous sa protection. Une lettre de Dom Guillaume Girard que le chapitre y avait nommé prieur, lui en rappela la mémoire. Cette lettre est datée du mois de décembre 1631. Dom Girard l'écrivit à l'occasion des plaintes de quelques fermiers de l'abbaye contre les troupes du roi qui, étant en quartier d'hiver dans la province, y commettaient partout les plus grands désordres, pillant le plus souvent les meubles et les provisions de ceux qui leur donnaient le gîte, sans que les officiers parussent y faire attention. Le comte de Soissons, qui aimait véritablement les religieux, et qui d'ailleurs avait intérêt d'empêcher ces vexations sur les sujets de son abbaye, envoya une sauvegarde au prieur, portant exemption de logement de gens de guerre dans les paroisses de Jumièges, du Mesnil et d'Yainville, avec défense aux officiers et soldats d'en exiger aucune sorte de secours (47).


JEAN-BAPTISTE DE CROISILLES, SOIXANTE-QUINZIÈME ABBÉ (vers 1635).

On rapporte à cette même année la mort de l'abbé Baltasar Poitevin ; mais on ne nous dit ni dans quel mois il mourut, ni dans quel temps il eut un successeur. Nous trouvons seulement une prise de possession en 1635 par Maître Jacques Le Courant, au nom de Jean-Baptiste de Croisilles, conseiller du roi en son Conseil privé, demeurant à l'hôtel de M. le comte de Soissons, et une ratification en date du 9 décembre de la même année, par le dit sieur abbé, du concordat de 1546 entre le cardinal de Ferrare et les religieux. Quoi qu'il en soit, c'en est assez pour nous porter à le mettre au rang des abbés de Jumièges et à faire de lui cette mention honorable qu'il n'eut jamais de difficulté avec ses religieux, qui, de leur côté, n'ayant ni d'autres occupations ni d'autres désirs que de chanter les louanges de Dieu et de lever incessamment des mains pures et innocentes vers le Ciel, ne cherchèrent pas à lui faire de peine.

Sept mois avant la ratification du concordat dont nous venons de parler, la congrégation de Saint-Maur tint son chapitre général à Vendôme. Il ne s'y fit aucun changement dans le gouvernement de l'abbaye de Jumièges. Dom Guillaume Girard y fut continué prieur, et assista en cette qualité à l'assemblée des supérieurs qui fut tenue à Saint-Benoît-sur-Loire, le 8 septembre de l'année suivante 1634, au sujet de l'union de Cluny à la congrégation de Saint-Maur, que le cardinal de Richelieu, comme abbé, méditait depuis longtemps. L'acte d'union fut dressé de l'avis de tous les capitulants et envoyé à Son Éminence, qui l'approuva le 22 du mois de décembre suivant et la renvoya aux Pères de Saint-Maur pour y mettre la dernière main. Ils le signèrent 1629 du même mois. et le firent même confirmer par des lettres patentes du roi, datées du mois de janvier 1685 ; mais les religieux de Saint-Vannes s'opposèrent à l'enregistrement de ces lettres malgré l'arrêt du Conseil privé qui l'ordonnait, et l'on ne put d'ailleurs obtenir de bulles de la Cour de Rome. Cependant le cardinal de Richelieu ne se rebuta point. Il engagea les supérieurs de Saint-Maur, dont le chapitre général approchait, à le tenir à Cluny, et il y fut en effet convoqué par Dom Grégoire Tarisse, supérieur général de la congrégation, pour les derniers jours du mois de septembre de l'année 1636. Il devait s'ouvrir le premier octobre ; mais il survint quelques difficultés pour la préséance entre les supérieurs des deux corps, qui obligèrent d'en différer l'ouverture jusqu'au 7 du même mois. Dom Guillaume Girard, député de la province de Normandie, le même qui avait introduit la réforme à Saint-Wandrille, le 14 janvier de cette même année, et Dom Jean Harel, originaire de Jumièges, furent élus définiteurs du chapitre, et l'affaire de l'union de Cluny à la congrégation y fut entièrement consommée par les soins du cardinal de Richelieu.

Il y avait alors six ans que Dom Guillaume Girard gouvernait la communauté de Jumièges. C'était strictement tout le temps que les prieurs pouvaient être continués dans une même maison : il fallut donc lui donner un successeur, et le chapitre jeta une seconde fois les yeux sur Dom Colomban Regnier ; mais Dieu, qui avait déterminé les supérieurs à ce choix, appela bientôt à lui cet homme de bénédiction, dont il s'était servi pour jeter les fondements de la congrégation. Il mourut à Jumièges le 6 juin 1639. Il fut inhumé dans le chapitre à main droite en entrant. Il était d'une famille noble établie à Château-Mont (
48), au diocèse de Clermont. Ses parents qui n'étaient pas moins distingués par une solide piété que par leur naissance, l'offrirent à Dieu dès sa plus tendre jeunesse dans le célèbre monastère de Cluny, pour y être élevé avec d'autres gentilshommes dans la piété et dans les lettres. Étant plus avance en âge, Colomban y prit l'habit religieux, et après sa profession il fut envoyé à Paris pour y étudier sous la conduite de Dom Laurent Besnard, qui cultiva avec un très grand soin les bonnes inclinations que Dieu avait mises dans l'âme de son élève. Il fut un des premiers qui allèrent à Saint-Vannes prendre la réforme. Il en reçut l'habit des mains de Dom Didier de La Cour le 14 décembre 1618, étant âgé pour lors de vingt-sept ans. Il parcourut l'année de son noviciat avec tant de ferveur, qu'aussitôt qu'il eût prononcé ses vœux dans la nouvelle congrégation, Dom Didier qui en était président, le chargea de la direction des jeunes profès. Depuis le même Dom Didier, ayant résolu d'étendre sa réforme, le fit passer en France pour jeter avec quelques compagnons de son ordre, les fondements d'une nouvelle congrégation. Il fut le premier prieur de l'abbaye de Nouaillé, au diocèse de Poitiers, et en cette qualité il se trouva au chapitre général de 1618, où l'érection de la congrégation de Saint-Maur fut résolue aux conditions proposées par le roi, qu'elle ne s'étendrait pas hors du royaume et que le supérieur serait français. Le mérite de Dom Regnier était alors si universellement reconnu, que dans le choix des définiteurs il fut seul élu d'une voix unanime. Il présida aux chapitres généraux de 1621, 1627, 1628 et 1630. En 1621, il fut élu président ou supérieur général de la congrégation ; charge qu'il exerça dignement avec celle de prieur des Blancs-Manteaux durant trois ans. Depuis son générat, il fut presque toujours prieur de Jumièges ou de Saint-Rémy de Reims ; maître des novices et visiteur. Étant prieur, il voyait chaque jour quelques-uns de ses religieux en particulier, et il ne se pas soit point de semaine qu'il ne les vit tous. Dans ces entretiens particuliers, toujours édifiants et si propres à conserver la paix, le plus doux lien des sociétés, il avait un talent merveilleux pour les porter à la mortification de leur propre volonté, et pour les disposer à bien prendre les petites corrections qu'il pouvait leur faire sur les moindres fautes. Il n'en laissait aucune impunie ; mais il traitait avec une douceur et une tendresse toute paternelle ceux qui les reconnaissaient et qui venaient lui en faire l'aveu.

Son exemple était une puissante exhortation à la pénitence. Étant visiteur, il faisait tous les voyages à pied et à jeun, sans que la fatigue le dispensât jamais d'assister à l'office de nuit. Dès le lendemain de son arrivée dans un monastère, ses occupations de supérieur ne lui laissant pas le loisir pendant le jour de vaquer à l'oraison autant qu'il l'aurait souhaité, il y employait une partie de la nuit, et son attention à profiter des moindres moments a fait qu'on a trouvé après sa mort six à sept volumes écrits de sa main. L'abbesse de Montivilliers, qui avait autrefois employé les prières de ses sœurs et l'exposition du Saint-Sacrement pendant quarante heures pour l'heureux succès de la réforme à Jumièges, lui offrit la charge de visiteur de son monastère et de directeur extraordinaire de ses religieuses ; mais il refusa sous prétexte que sa communauté était nombreuse, et qu'étant maître des novices, il devait chaque jour leur faire des conférences et présider à leurs exercices pour donner plus de pieds à ses paroles. Il ne se bornait pas aux conférences qu'il leur faisait pour les entretenir de Dieu et de leurs obligations, tous ses discours ne tendaient que là, d'une manière si agréable, qu'il n'y avait personne qui ne fût charmé de converser avec lui. S'il fallait parler dans les assemblées, il le faisait avec un esprit et une solidité qui étonnaient et ravissaient tout le monde d'admiration. Les grâces dont il assaisonnait ses moindres paroles le faisaient aimer au dedans et au dehors, et l'on vit, dans une occasion, combien il possédait l'art de persuader. Ce fut dans une émeute populaire qui fit sortir les habitants de Jumièges les armes à la main pour tailler en pièces une compagnie de soldats qui venaient loger dans le bourg ; sa seule présence les arrêta, et ses remontrances leur épargnèrent la punition que l'on n'aurait pu invoquer de faire de leur révolte.

Ses inclinations étaient si douces et son cœur si compatissant aux maux de ses frères, qu'il en devenait malade lui-même; ce qui fit qu'un jour on fut obligé de le faire sortir de la maison pour le détourner de la vue d'un de ses religieux malade à l'extrémité. Mais pendant qu'il était si tendre pour les autres, il était très austère à lui-même et d'une patience à toute épreuve dans ses souffrances. C'est ce qui parut particulièrement dans sa dernière malade, qui fut très longue et très douloureuse. Il en fut attaqué à Jumièges pendant le Carême de l'année 1637, et en moins de huit jours il se vit comme accablé d'une multitude de maux qui firent de lui un homme de douleurs. Une hydropisie par tout le corps l'empêchait de se tenir au lit ; une difficulté extrême de respirer lui ôtait presqu'entièrement l'usage de la parole, et un rétrécissement des nerfs faisait qu'il ne pouvait plus se redresser ; mais tous ces maux impliqués ne servirent qu'à faire éclater la vertu de Dom Regnier, qui, se croyant le plus grand des pécheurs, regardait encore ses souffrances comme trop légères. On l'entendit plusieurs fois, dans le fort de sa maladie, adresser ces paroles à Jésus-Christ : «Seigneur, qui êtes venu pour sauver les pécheurs, ayez pitié de moi qui suis le plus grand de tous, et daignez ne point entrer en jugement avec votre serviteur.»

Par une suite de ces sentiments d'humilité et de mépris pour lui-même, il pria qu'on ne l'enterrât pas dans l'église, ni dans le chapitre, ni dans le cloître avec tant de saints religieux, dont les cendres y reposaient, mais dans le jardin derrière la chapelle de la Vierge, sous une gouttière. Quelque sage et quelqu'utile qu'eût été son gouvernement, il ne pouvait souffrir qu'on lui parlât des services qu'il avait rendus à la religion, et son plus grand regret à l'article de la mort fut d'avoir été supérieur. Il avait autrefois prêché avec applaudissement ; ce fut encore pour lui un sujets de regrets et de larmes, et il disait à cette occasion que, si Dieu lui rendait la santé, il employerait le reste de sa vie à catéchiser les enfants ; mais un redoublement de fièvre fit bientôt voir que la fin d'une si belle vie était proche. La mort, avec tout son appareil, n'eut rien d'affreux pour lui : il l'attendit tranquillement ; sa confiance, dans l'intercession de la Mère de Dieu, diminua les frayeurs que ce moment terrible et la vue de sa propre indignité pouvaient lui causer. Il ne cessait de l'invoquer, et pour suppléer au défaut de ses prières, il obtint du père sous-prieur que deux religieux allassent la prier dans sa chapelle. Lorsqu'on lui apporta le viatique pour la dernière fois, il ramassa alors tout ce qu'il avait de forces et répondit lui-même avec ferveur à toutes les oraisons. Enfin, après avoir exhorté ses religieux à la pratique exacte de tous leurs devoirs, il s'endormit du sommeil des justes la veille de la Trinité, 6 juin 1637, universellement regretté de ses frères et des séculiers, qui honorèrent ses obsèques de leur présence et de leurs larmes.

Onze jours après, Dom Grégoire Tarisse, supérieur général de la congrégation, nomma Dom Paul de Revery pour remplir la place de Dom Regnier jusqu'au chapitre de 1639, qu'il fut en effet transféré à Vendôme et de là à Tiron. S'il fit quelque chose de remarquable dans ses deux années de priorat, il n'en est point parvenu jusqu'à nous. Nous savons seulement qu'il fut confesseur extraordinaire des religieuses de Montivilliers, et qu'au commencement de sa second année, M. de Croisilles remit l'abbaye de Jumièges au roi et que le roi la donna avec les abbayes de Saint-Ouen de Rouen, de Trois-Monts (49), de Saint-Michel-en-l'Herm, de La Couture (50) et de Grandmont (51) à Guillaume de Montaigu, prêtre du diocèse de Toul, qui lui fut présente par le comte de Soissons.

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[Notes de bas de page : * = originale ; † = par l'abbé Loth.]

1*.  Archives de Jumièges.

2†.  (Les) Belles ; manoir et fief relevant du Roi, situé à Motteville-l'Esneval ; aliéné, en 1581, à Guillaume Étienne ; en 1587, à Nicolas Langlois de Motteville.

3†.  Sur les procès de sorcellerie : voir Amable-Pierre Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, Rouen, Frère, 1840, p. 615 et suiv.

4†.  Marian de Martimbos : chanoine de Rouen, fut député pour le clergé du diocèse de Rouen, aux États de Blois, en 1576. Il fut nommé syndic du clergé dudit diocèse le 4 février 1568. Il avait été promoteur de la cour ecclésiastique, curé d'Avesnes et prieur de Beaumont-le-Roger. Il possédait la seigneurie du Busc. Il signait toujours Martimbos.

5†.  La baronnie de Norville : celle-ci avait été aliénée par les religieux de Jumièges, à Charles de Cossé, comte de Brissac, maréchal de France, lieutenant-général en Normandie, et à Charlotte d'Esquetot, son épouse, dame d'Estelan, le 15 octobre 1563. Elle fut retraite par les religieux, vers 1651.

6†.  Meules : canton d'Orbec, arrondissement de Lisieux.

7†.  Serans : commune du canton d'Écouoché (Orne).

8†.  Le Renouard : commune du canton de Vimoutiers (Orne).

9†.  La Lande : vavassorie franche.

10†. Varaville : canton de Troarn, arrondissement de Caen.

11†. Cabourg : même canton.

12†. Ville-Juive : aujourdhui Villejuif, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Sceaux (Seine).

13†. Vitry-sur-Seine : commune du canton de Sceaux (Seine).

14†. Pont-Saint-Pierre : canton de l'arrondissement des Andelys.

15†. Saint-Vaast : noble fief de Saint-Vaast-Dieppedalle, commune du même nom, arrondissement d'Yvetot (Seine-Inférieure).

16†. Pont-Autou : fief et prévôté du Pont-Authou, commune du même nom, arrondissement de Pont-Audemer (Eure).

17†. Philippe de Gamaches : professeur de Sorbonne, abbé de Saint-Julien de Tours, un des meilleurs théologiens de son temps, connu par des commentaires sur la somme de S. Thomas, décédé le 21 juillet 1625.

18*. Mémoires de Jumièges.

19†. «Un poulet à deux têtes sortit de la coque...» : il est regrettable de rencontrer dans un ouvrage aussi sérieusement fait des naïvetés de cette sorte, que l'amour du merveilleux ne peut même excuser.

20†. André Guyion : du diocèse d'Autun, docteur en théologie, prieur commanditaire de Saint-Sauveur de Rennes, nommé vicaire général du cardinal de Joyeuse, dont il avait été le professeur au collège de Navarre, conserva cette charge jusqu'en 1614.

21†. François de Harlay : prit possession par procureur de l'archevêché de Rouen, le 8 décembre 1615.

22†. Pour la part que prit Mgr de Harlay à la réforme de l'abbaye de Jumièges, consulter François Pommeraye, Histoire des archevêques de Rouen, Rouen, Maurry, 1667, pp. 646 et suiv.

23†. Charles de Bourbon : comte de Soissons et de Dreux, pair et grand-maître de France, fils aîné de Louis de Bourbon, prince de Condé et de Françoise d'Orléans, mari de Anne de Montafié, gouverneur du Dauphiné, de Normandie, du mois de décembre 1610 au 1er novembre 1612, date de sa mort.

24†. Le Père Étienne Binet : connu de son temps comme prédicateur, et dont les ouvrages de piété sont encore estimés, avait été professeur au collège de Rouen. Il fut recteur de cette maison de 1611 à 1621.

25†. Le Père Pierre Coton : né à Néronde en 1564, mort en 1626, confesseur de Henri IV et Louis XIII.

26*. Archives.

27†. Adrien Behotte : bachelier en théologie de la Faculté de Paris, reçu au grand archidiaconé le 20 juillet 1606, décédé à Paris le 10 avril 1658 ; auteur de quelques ouvrages de controverse.

28†. Alphonse de Bretteville : chancelier de l'Église de Rouen, prieur de Saint-Blaiae de l'Huy, official de 1612 à 1623, fut syndic général du clergé de Normandie et député pour l'Église du bailli de Rouen aux Etats généraux tenu à Sens en 1614 ; député au États généraux de 1617.

29†. M. de Ris : Alexandre de Faucon, sieur de Ris, premier président du Parlement, de 1608 à 1628.

30†. M. Boucher : il s'agit d'Alexandre Bouchart, dont le nom a été omis dans le Catalogue de M. de Merval.

31*. Archives.

32†. La faculté pour les ecclésiastiques de retraire les biens d'Église aliénés fut confirmée par diverses ordonnances royales, nonobstant les réclamations des États de notre province.

33*. Archives.

34†. M. de Villenoce : Drogon Hennequin, dit de Villenoce, cité plus loin.

35†. Fief d'Épinay : le terre d'Épinay-sur-Duclair avait été vendue, à la réserve du patronage, par les religieux de Jumièges, à noble homme Martin d'Épinay, dit Deshaies, sieur dudit lieu d'Épinay et de Bosc-Guéroult, 1577 ; elle fut retraite en 1622, et cédée en 1658 à Charles Labbé, en échange de la ferme de la Douyère, située à Duclair. (Archives de la Seine-Inférieure, fonds de l'abbaye de Jumièges.)

36†. M. le Guerchois : Hector le Guerchois, sieur de la Garenne, nommé second avocat général en 1612.

37†. Terre sur le bord de la Seine de M. le Guerchois : cette terre, successivement agrandie, était située au port de Jumièges.

38†. Saint-Étienne-sous-Bailleul : commune du canton de Gallion (Eure). Par contrat du 26 décembre 1709, Pierre-Hector Le Guerchois, seigneur de Saint-Colombe, Canteleu-le-Bocage, Connelles, se disant haut justicier de Jumièges, Duclair et Yainville, intendant en Franche-Comté, vendit aux religieux de Jumièges, pour 13,000 livres, sa grande ferme de Jumièges, deux petites pièces de terre au triage de la Tombe-aux-Sarrasins, la ferme de la Navine et les droits de haut justice qu'il avait acquis du Roi en 1708. Les religieux s'engagèrent à conserver au vendeur, à Pierre Le Guerchois, son frère, brigadier des armées du Roi, colonel du régiment de la marine, et à leurs descendants en ligne directe, même à Madame la procureuse générale, leur mère, une sépulture dans la chapelle de N.-D. de l'église de l'abbaye, à l'endroit où étaient les épitaphes et sépultures des ancêtres desdits seigneurs Le Guerchois. (Archives de la Seine-Inférieure, fonds de l'abbaye de Jumièges.)

39*. Archives.

40†. Tableau du Dom De la Haie : Charles-Antoine Deshayes, dans son Histoire de l'abbaye royale de Jumièges, Rouen, Baudry, 1829, p. 189, nous apprend que le tableau donné pu De la Haie orne maintenant l'autel de l'église paroissiale de Jumièges.

41†. Gremevilliers : commune du canton de Songeons (Oise).

42†. Saint-Denis-des-Ifs : aujourd'hui simple hameau de la commune d'Aubry-le-Panthou (Orne).

43*. Nécrologe de Jumièges.

44†. Drogon Hennequin : dit de Villenoce, abbé de Bernay de 1598 au 7 mars 1651, date de son décès.

45*. Archives.

46*. Manuscrit historique de la Congrégation.

47*. Archives.

48†. Château-Mont : probablement Chaumont, canton d'Arlane (Puy-de-Dôme).

49†. Trois-Monts : abbaye de la Bussiere, dite les Trois-Monts, au diocèse d'Autun.

50†. La Couture : abbaye du diocèse du Mans.

51†. Grandmont : abbaye du diocèse de Limoges.


«Histoire de l'abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 18

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]