LES SOIRÉES DE LA CHAUMIÈRE [Collection des histoires morales de François-Guillaume Ducray-Duminil, publiées par Le Prieur, Paris, à partir 1794 ; transcrite et éditée par Dr Roger Peters.]

Introduction
Cette susnommée collection des histoires morales de Ducray-Duminil est une vraie curiosité historique ; et ce pour au moins trois raisons particulières :

D'abord, bien que l'auteur s'embrouille ou ne s'occupe pas de sa chronologie, d'après la preuve interne, ces soirées se passent vers 1791 (numéros 1-27) et — sans explication satisfaisante pour le hiatus — en 1793 (numéros 28-54) : néanmoins, il n'y a pas la moindre allusion aux bouleversements occasionnées par la Révolution.

Puis, bien que la plupart des histoires elles-mêmes se passent sous l'Ancien Régime, plusieurs d'elles s'étendent jusqu'à l'époque révolutionnaire : cependant, encore une fois, il n'y...

Enfin, l'auteur ne laisse pas ces histoires (et leurs morales) parler d'elles-mêmes : de temps en temps, il matraque le lecteur avec des commentaires moralisateurs, exposés par lui-même ou par son alter ego Palamène (vertueux — ô si vertueux ! — père de famille et le vrai héros de ces soirées).

Dans cette transcription, je n'ai pas essayé de corriger les anomalies chronologiques : en revanche, dans la mesure du possible et sans cérémonie, j'ai corrigé des erreurs non équivoques de typologie. De plus, pour aiguiser le goût du lecteur — ou autrement ! — j'ai tiré deux contes relativement autonomes : l'historiette involontairement amusante du Vieux Castel (6 pages) et l'histoire assez intrigante de L'Homme invisible (37 pages).

L'intégrale des cinquante-quatre Soirées peut être téléchargée soit en tomes séparés comme une archive zippée (dddfr.zip ; 645 kB ; format A4, 310 pages) soit à l'instar des fichiers présentés ci-dessous.

Tome 1 [35 pages]
Divers Frontispice (composite). — Prologue indispensable.
1° S. Le Travail. La Paie des ouvriers.
2° S. La Bienfaisance. Aventures du vieux mendiant.
3° S. L'Amour-propre. Histoire du poète Hilaire.
4° S. L'Amitié. Les Deux Écoliers ou l'héritier.
5° S. La Piété filiale. On interrompt l'histoire des deux écoliers pour entendre le petit joueur de vielle.
6° S. L'Ingratitude. Suite de l'histoire des deux écoliers.
7° S. L'Désintéressement. Le Petit Joueur de vielle termine son récit.
8° S. L'Oubli des injures. Fin de l'histoire des deux écoliers.
Tome 2 [35 pages]
9° S. Les Duels. Le Père puni, le père récompensé.
10° S. La Reconnaissance. Histoire des trois pèlerins.
11° S. La Confiance. Suite de l'histoire des trois pèlerins.
12° S. Suite de l'histoire des trois pèlerins.
13° S. Fin de l'histoire des trois pèlerins.
14° S. La Cupidité. Histoire du petit Émilion.
15° S. L'Aumône. Suite de l'histoire du petit Émilion.
16° S. L'Envie. Histoire du charbonnier.
Tome 3 [35 pages]
17° S. Suite de l'histoire du charbonnier.
18° S. L'Intrigue. Les Deux Aventuriers de Milan.
19° S. Le Pont des deux amants.
20° S. Bénéditte, ou la maison souterraine.
21° S. La Désobéissance. Effroi des enfants de Palamène.
22° S. L'Indulgence. Histoire de l'homme invisible.
23° S. La Docilité. Suite de l'histoire de l'homme invisible.
Tome 4 [40 pages]
24° S. L'Orgueil. Gros Jean et son fils.
25° S. Le Repentir. Suite de l'histoire de Gros Jean et de son fils.
26° S. L'Hospitalité. Madame Dumont.
27° S. L'Humanité. Leçon aux maris.
28° S. La Probité. Histoire de la bonne famille d'Auvergne.
29° S. L'Humilité. Suite de l'histoire de la bonne famille d'Auvergne.
30° S. Les Talents. La Ferme isolée.
Tome 5 [40 pages]
31° S. La Justice. Histoire de l'épicier Aubry.
32° S. L'Insubordination. Ce que produit l'absence du père de famille.
33° S. La Violence. La Chapelle Saint-Léonard.
34° S. La Séverité. Histoire du tambourin du village.
35° S. La Fausse Dévotion. Suite de la chapelle Saint-Léonard.
36° S. L'Hypocrisie. Suite de la chapelle Saint-Léonard.
37° S. Le Fanatisme. Fin de la chapelle Saint-Léonard.
Tome 6 [40 pages]
38° S. La Coquetterie. Histoire de mistress Belly Clarins.
39° S. La Trahison. Suite de l'histoire de mistress Belly Clarins.
40° S. La Fragilité humaine. Fin de l'histoire de M. Delacour.
41° S. La Rigueur. La Masure du meunier.
42° S. Le Débauche. Le Mauvais Père.
43° S. Les Passions. Le Presbytère du bon curé.
Tome 7 [35 pages]
44° S. L'Avarice. Suite de l'histoire du jeune Émilion.
45° S. La Persévérance. Suite de l'histoire du jeune Émilion.
46° S. Le Courage. Suite de l'histoire du jeune Émilion.
47° S. L'Union. Grand Partie de plaisir.
48° S. L'Inconséquence. Histoire de M. Lucas.
49° S. La Soumission. L'Interrogatoire des trois amants.
Tome 8 [45 pages]
50° S. L'Intelligence. Les Voyages de cinq petit Américains.
51° S. Le Zèle. Fête donnée au bon père [y compris Les Bons Fils — comédie villageoise en un acte et en prose, ornée de couplets].
52° S. La Patience. Suite de l'histoire de l'homme invisible.
53° S. L'Amour des richesses. Suite de l'histoire de l'homme invisible.
54° S. La Générosité. Fin de l'histoire de l'homme invisible. — Conclusion de cet ouvrage. — Table des Soirées.

[Notes]

1. François-Guillaume Ducray-Duminil (1761-1819), Les Soirées de la chaumière ou Les Leçons du vieux père, Paris, Le Prieur, à partir 1794 ; septième édition chez Belin Le Prieur, 1826.

2. À la 19° S. — Par coïncidence ou non, ce conte préfigure La Messe de l'athée (1836) d'Honoré de Balzac (1799-1850) ; en particulier, la bienfaisance d'un porteur de l'eau.

2. À la 28° S. — La note en bas de page au commencement de cette soirée de l'auteur : «Le lecteur sera peut-être étonné de voir qu'il se soit écoulé un laps de temps si considérable entre le récit de cette soirée et celle de la précédente : mais il cessera d'être surpris, s'il veut bien se rappeler que les quatre premiers volumes finnassaient à la vingt-septième Soirée, et que ce n'est que très longtemps après qu'ont été publiés les quatre derniers, commençant par cette vingt-huitième Soirée

3. À la 28° S. — «Une nuit que j'étais occupé à lire Ossian...» Il s'agit des recueils de poèmes dits «gaéliques» publiés en anglais par James Macpherson (1736-1796), entre 1760 et 1763, et attribués à un barde écossais du troisième siècle.

4. À la 30° S. — Le comte de Verseuil dit : «Je réunis dans une fête brillante tout ce qu'il y avait de jeunes gens aimables et intéressants à la Cour... Nous étions sur la fin de l'été dernier...» Or, compte tenu que cette soirée se passe en 1793, l'allusion à la Cour est une anomalie chronologique.

5. À la 32° S. — «se quarrer», marcher avec un maintien qui annonce de la prétention, de l'arrogance.

6. À la 33° S. — «près du mont Gerbier-le-Doux...» Il s'agit de mont Gerbier de Jonc.

7. À la 36° S. — Il est à noter que les moindres détails des derniers événements de la vie du jeune Léonard d'Asfeld auraient été emportés dans les tombes des protagonistes !...

8. À la 38° S. — Milady Bronton dit : «Henri, le frère, fait des ouvrages de théâtre ; c'est lui qui a fait dernièrement, au théâtre de Covent Garden, The Road to Ruin, cette jolie petite pièce qui a fait courir tout Londres...» ; et puis le personnage Madame Herbert dit : «Bon, je l'ai vue...» Or, compte tenu que cette histoire se passe au moins quarante années auparavant, l'allusion à cette pièce de Thomas Holcroft (première à Londres en 1792) est chronologiquement absurde. [Très curieusement, Holcroft adapta le roman Coelina ou l'Enfant du mystère (Paris, Le Prieur, 1798), de Ducray-Duminil, pour le théâtre comme A Tale of Mystery (première à Covent Garden à Londres le 13 octobre 1802).]

9. À la 38° S. — Briste (hameau), Forshire (hameau) et Surrey (village) sont complètement imaginaires en Angleterre.

10. À la 46° S. — «Cette flûte jouait l'air de la Fée Urgèle : L'avez-vous vu, mon bien-aimé ?...» Il s'agit de l'opéra de Charles-Simon Favart (1710-1792) et Egidio Romoaldo Duni (1709-1775), première privée à Fontainebleau le 26 octobre 1765.

11. À la 46° S. — «c'était l'air de Blaise et Babet...» Il s'agit de l'opéra de Jacques-Marie Boutet (1745-1812) et Nicolas-Alexandre Dezède (1738-1792), première privée à Versailles le 4 avril 1783 et première publique au Théâtre Italien à Paris le 30 juin 1783.

12. À la 46° S. — «flûteur», qui joue de la flûte ; il ne se dit guère qu'en plaisanterie et par mépris.

13. À la 46° S. — «l'air de Zémire et Azor...» Il s'agit de l'opéra de Jean-François Marmontel (1723-1799) et André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813), première privée à Fontainebleau le 9 novembre 1771 et première publique au Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne à Paris le 16 décembre 1771.

14. À la 50° S. — «le fameux incendie du Cap arriva...» : soit l'Incendie du Cap, et massacre des blancs à Saint-Domingue, le 21 mai 1793.

15. À la 51° S. — «La Saint-Barthélmi...» : 24 août [1793].

16. À la 51° S. — «Bourrique», bourriche ; «gouailler», railler, plaisanter sans délicatesse ; «maltôtier», celui qui exige des droits qui ne sont point dûs, ou qui ont été imposés sans autorité légitime.

17. À la 52° S. — «trouvez-vous demain à la messe des Carmes de la rue de Vaugirard...» La Prison des Carmes fut installée pendant la Révolution dans l'ancien monastère des Carmes à Paris ; après avoir été dépouillée de son argenterie et de sa bibliothèque, la communauté des religieux Carmes déchaussés dut quitter son monastère, qui fut transformé en prison pour accueillir les «suspects», qui devinrent, pour une large part, les victimes des horribles tueries du septembre 1792 [voir, par exemple : Louis Audiat (1833-1903), Deux victimes des Septembriseurs : Pierre-Louis de La Rochefoucauld, dernier évêque de Saintes et son frère, évêque de Beauvais (Lille, Desclée de Brouwer, 1897), chapitre 28].

18. À la 54° S. — «le couvent de Sainte-Aure...» Ce couvent se situait à Paris, près du Panthéon, entre la rue Tournefort et la rue Lhomond. Le 1er juillet 1779, toutes les religieuses de Sainte-Aure s'engagent à «l'adoration perpétuelle du Sacré Cœur dans l'Eucharistie» ; dispersées, emprisonnées sous la Révolution, plusieurs se regroupent au sortir de la prison pour poursuivre leur vie de prière et de contemplation.

19. À la 54° S. — «Je connaissais Dercour, il était capable de se battre contre le fils de Saint-Bon, et même de l'assassiner lâchement : c'est ce qui manqua d'arriver un soir qu'ils allèrent tous deux au spectacle des Italiens. La pièce qu'on avait donnée retraçait la mort infamante d'un prisonnier. (C'était, je crois, Asgill, ou le Prisonnier Américain, qu'on nommait cette pièce.)...» De fait, il s'agit de l'opéra Asgill ou Le Prisonnier de guerre, de Benoît-Joseph Marsollier des Vivetières (1750-1817) et Nicolas Dalayrac (1753-1809), première au Théâtre Italien à Paris le 3 mai 1793.

20. R. Peters' Home Page (en anglais).
[Avril 2008]